Félix Tshisekedi pour la RDC et Volodymyr Zelensky pour l’Ukraine font partie des 20 premiers inervenants à la 78ème assemblée générale ordinaire des Nations Unies à New-York. S’ils ont évoqué à deux l’agression dont leurs deux pays sont victimes de la part de leurs voisins directs, en l’occurrence le Rwanda pour Kinshasa et la Russie pour Kiev, ils n’ont toutefois pas abordé à deux la question électorale.
C’est plutôt Félix Tshisekedi qui en a parlé. Volodymyr Zelensky s’en est abstenu. Pourtant, l’Ukraine va organiser sa présidentielle le 31 mars 2024, exactement dans 6 mois. La RDC a rendez-vous avec la sienne le 20 décembre 2023, dans 3 mois.
Le silence du chef de l’Etat ukrainien a de singulier le fait de s’accompagner du silence de l’Otan en particulier, de l’Occident en général. Juste un exemple : bien que la présidentielle ait lieu en novembre 2024, c’est-à-dire dans 15 mois, les États-Unis sont déjà dans la fièvre électorale.
Pourquoi alors l’exception ukrainienne ?
La réponse tient de la logique de l’agression. Selon le dictionnaire, l’agression est une “Attaque non provoquée, injustifiée et brutale contre quelqu’un, contre un pays”. Dans la pratique, au niveau des Etats, c’est le fait pour un pays de prendre et d’occuper de force un autre pays, cela totalement ou partiellement, et d’y exercer son autorité.
Une agression est différente d’une rébellion en ce qu’elle est une action externe. Une rébellion est, elle, une action interne. Exemple éloquent : la guerre en Ukraine est une agression, celle du Mali une rébellion.
Cette réalité étant établie, on ne voit pas Volodymyr Zelensky organiser les élections en Ukraine pendant que les Russes occupent certaines parties de son territoire. On ne voit surtout pas l’Otan lui imposer la tenue des élections dans les délais constitutionnels sous prétexte de la démocratie.
Constatons seulement qu’à six mois de cette échéance, personne n’en parle. Ni la Maison-Blanche. Ni l’Elysée. Ni même 10 Downing Street. Tous perçoivent dans la balkanisation de l’Ukraine le premier, le principal, le vrai danger des élections sous occupation russe.
D’ailleurs, dans allocution aux Nations Unies, le président américain Joe Biden s’est empressé de déclarer : “Si nous laissons l’Ukraine être démembrée, l’indépendance des nations est-elle encore garantie ? La réponse est non”.
Mettons-nous d’accord sur ce point précis : aux yeux de l’Occident, les élections dans un pays sous agression ont pour risque évident la balkanisation.
La RDC est, elle, victime d’une agression de la part du Rwanda. C’est la position officielle de Kinshasa par rapport à l’Insécurité sévissant à l’Est, particulièrement dans la partie ” contrôlée ” par le M23.
Depuis la prise de Bunagana le 13 juin 2023, la thèse véhiculée par les autorités congolaises est celle-là. Evidemment, la RDC se réfère au rapport final des experts publié officiellement le 20 juin 2023.
Il est maintenant question de savoir si la RDC peut, aujourd’hui, organiser des élections pendant qu’elle affirme être sous agression, c’est-à-dire avec des territoires occupés par un pays étranger, en l’occurrence le Rwanda !
Si oui, la conséquence logique sera – à l’exemple de l’Ukraine, la reconnaissance tacite de l’autorité du Rwanda sur la partie occupée au moyen de l’agression. Et déjà, comme par coïncidence, cette partie correspond à celle à laquelle Paul Kagame fait allusion dans sa déclaration de Cotonou.
Pourquoi alors l’Occident presse-t-il la RDC à aller aux élections en décembre 2023 pendant qu’il ne fait pas pression sur l’Ukraine pour les siennes dans six mois ?
C’est à ce double langage que la partie congolaise doit réfléchir, toutes affaires cessantes. Faut-il encore que la RDC, elle-même, joue franc jeu et fasse preuve de constance dans l’affirmation de la thèse de l’agression.
Et pour cause !
Du discours du Président Félix Tshisekedi le 20 septembre 2023 à la tribune des Nations Unies, il est facile de relever, outre la confusion autour de la décision américaine de supprimer la coopération militaire américaine avec le Rwanda alors qu’il est question de la restreindre, l’ omission du terme ” agression “, s’agissant de ce pays, pendant qu’est maintenu le qualificatif “terroriste” appliqué au M23, désormais prévenu de ne jamais obtenir le dialogue qu’il réclame et dont il a lui-même bloqué le processus d’enclenchement avec sa revendication sur les prétendues terres où on parle kinyarwanda.
Cette omission passerait inaperçue s’il n’y avait pas le double précédent observé à l’ouverture des 9èmes Jeux de la Francophonie.
Autant dans l’allocution du ministre d’Etat Christophe Lutundula que dans celle du président de la République Félix Tshisekedi, le terme “agression” n’avait pas apparu. Les redacteurs des discours du Chef de l’Etat devraient à l’avenir y faire attention.
Qu’est-ce qui explique alors cette rétractation ? C’est fort possible qu’elle soit liée au processus électoral. Car plus on martèle sur la thèse de l’agression, plus on hypothèque la tenue des élections dans les délais constitutionnels.
En excluant cette thèse, il est par contre possible d’organiser les élections à échéance due.
Dans tous les cas, en homme averti, Félix Tshisekedi a le choix libre de :
– chasser le Rwanda du territoire national (M23 inclus) d’ici au 19 novembre 2023 (date du lancement de la campagne électorale, c’est-à-dire dans deux mois), pour pouvoir organiser impérativement les élections dans les délais constitutionnels ;
ou
– renvoyer ces élections à plus tard, le temps de tenir un Dialogue dont la finalité sera d’élargir le consensus devant mobiliser les forces vives de la Nation et de faire bouter dehors la collusion Rdf/M23, car avec sa revendication des terres exprimée dans sa dernière par vidéo, Bertrand Bisimwa s’est aliéné le soutien des Congolais patriotes. Il s’est tiré une balle dans la jambe.
Bref, Félix Tshisekedi a sous ses yeux les dossiers ou les schémas Elections, Guerre et Dialogue, toutes les options restant ouvertes.
Le propre (lisez sort) de tout détenteur d’imperium est qu’à un moment donné de la vie, il est seul devant Dieu pour les uns, ou sa propre conscience pour les autres.
L’essentiel est que les premières élections sous son mandat consolident l’intégrité territoriale de la RDC et l’unité nationale, et non hypothéquer la première et fragiliser la seconde !
Face à tous les encouragements tardifs qu’il reçoit, Félix Tshisekedi peut se rappeler de Vigile. “Je crains les Grecs, même lorsqu’ils font des cadeaux”, avait dit le poète romain, en référence au cheval de Troie connu comme ” Manœuvre d’infiltration ou de sape, pour détruire un adversaire”.
Omer Nsongo die Lema