Le débat sur la révision ou le changement constitutionnel a repris dans l’opinion congolaise, alors que personne n’en parlait plus après que le chef de l’État s’y était prononcé lors de son séjour médical à Bruxelles en Belgique. L’on se rappellera que dans une interview exclusive accordée à notre confrère Christian Lusakweno, patron de la radio Top Congo Fm, Félix Tshisekedi était favorable à la révision de certaines dispositions de la constitution de la République, car non adaptées aux réalités actuelles dans le fonctionnement des institutions.
Le cas de de l’article 78 de la constitution relatif à la nomination du Premier ministre qui nécessite préalablement la nomination d’un Informateur en vue de dégager la majorité parlementaire. Une procédure selon Félix Tshisekedi qui retarde la mise en place du Gouvernement avec des consultations à mener par le chef du Gouvernement avant de former son équipe.
Un autre article soulevé par le Président de la République, c’est l’article 197, celui se rapportant à l’élection des gouverneurs des provinces par les députés provinciaux, ainsi que l’article 109 relatif à l’élection des sénateurs. Ces deux scrutins qui se déroulent au second degré sont souvent émaillées de la corruption. Voilà pourquoi Félix Tshisekedi avait émis le vœu de saisir dans les jours à venir le parlement pour un débat sur la question afin de doter le pays d’une constitution digne de son nom.
Il a fallu attendre cinq mois plus tard pour que le débat refasse surface dans l’opinion publique et dans la classe politique congolaise. Et c’est le parti au pouvoir, l’Union pour la démocratie de le progrès social qui figure à la tête des « Pro-changement de la constitution ». Contrairement au Président de la République qui a parlé de la révision de la constitution, le parti politique qui l’a porté au pouvoir quant à lui va à l’extrême et parle de changement de la constitution.
Selon son Secrétaire général (contesté par un autre groupe du parti), il faut tout réviser, ce qui veut dire doter le pays d’une nouvelle constitution rédigée par ses propres filles et fils et non imposée par l’extérieur comme c’est le cas de l’actuelle constitution qui régit le pays, la constitution du 18 février 2006 votée au référendum et boycottée par son parti politique en son temps. Augustin Kabuya va très loin jusqu’à parler de l’article verrouillé 220 qui doit aussi subir la modification. Il s’agit particulièrement du mandat du Président de la République qui en réalité n’est pas de 5 ans comme la constitution le mentionne, mais de 3 ans.
Car, soutient-il, la première année du mandat est consacrée aux tractations politiques pour la mise en place du gouvernement et la dernière année est électorale. D’où il faut un mandat de 7 ans renouvelable une fois pour permettre au Président élu d’exécuter son programme. Et c’est dans ce cadre qu’Augustin Kabuya a demandé aux sectionnaires des différentes fédérations de l’Udps de se mettre déjà en branle dans le lancement de la campagne de mobilisation des membres pour le changement de la constitution.
Dans une circulaire dont une copie est parvenue à la rédaction du journal Le Quotidien, le Secrétaire générale justifie cela par la mise en application de la promesse faite par le fondateur du parti, feu Étienne Tshisekedi, de son vivant, qui avait promis, une fois son parti au pouvoir va procéder au changement de la constitution et de ce fait doter le pays d’une constitution digne de son nom. Et l’Udps se déclare déterminée d’aller jusqu’au bout de cette logique. Cette position est relayée, quoi que timidement, par certains Sociétaires de l’Union sacrée de la nation alors que d’autres observent encore et jouent à l’attentisme, car disent-ils, le moment n’est pas encore venu pour se prononcer sur cette question si importante.
A l’opposition politique, c’est une fin de non-recevoir à toute révision ou changement de la constitution. On soupçonne l’Udps et ses alliés de chercher à octroyer à Tshisekedi un troisième mandat à la tête du pays, ce qui est anticonstitutionnelle. Pour Prince Epenge, porte-parole de la coalition Lamuka de Martin Fayulu, ce débat autour de la Constitution n’est qu’une excuse : « C’est cacher l’incapacité de l’Udps et alliés de gouverner ».
Alphonse Ngoy Kasanji dit non au changement de la constitution
Par contre, d’autres membres de l’Union sacrée ne sont pas d’accord avec cette démarche, étant donné que le Président de la République n’est qu’au début de son deuxième et dernier quinquennat. Bien plus, les priorités pour le pays sont actuellement ailleurs et non la révision ou le changement de la constitution. C’est le cas d’Alphonse Ngoy Kasanji, ancien gouverneur de Kasaï-Orientale qui a mis en garde contre une éventuelle révision constitutionnelle en République démocratique du Congo, estimant qu’elle détournerait l’attention des priorités essentielles.
L’ancien cadre du PPRD a comparé les réalisations de mandats présidentiels à l’étranger avec celles en RDC avant d’ appeler à des actions marquantes pour le développement du pays. « Aux États-Unis, le mandat présidentiel est de quatre ans seulement, mais les réalisations valent probablement plus de cinquante ans comparativement à ici. C’est une question de volonté politique, » a-t-il déclaré.
« En Tanzanie et au Sénégal, ils ont des TGV, mais ici, nous nous contentons d’inaugurer des locomotives ordinaires. Nous n’avons aucune autoroute, tandis que le Congo d’en face, avec à peine quatre millions d’habitants, en possède. ». Pour ce faire, Alphonse Ngoyi Kasanji exhorte le gouvernement à concentrer ses efforts sur des projets de grande envergure, citant en exemple la mémoire d’Étienne Tshisekedi. « Aidons le président Tshisekedi à marquer notre population avec des actes honorables, au lieu de dévier vers des distractions coûteuses », a-t-il déclaré.
Patrick Muyaya joue à l’apaisement
Alors que le débat sur la révision constitutionnelle prend d’autres tournures dans l’opinion congolaise et dans la classe politique, au Gouvernement, c’est le silence radio. Aucune déclaration officielle n’est jusque-là enregistrée dans le sens d’embrayer dans la même trompette que l’Udps. Invité à la radio France Internationale, RFI, le porte-parole du Gouvernement Patrick Muyaya a déclaré qu’aucune initiative de la réforme constitutionnelle n’est actuellement sur la table du Gouvernement encore moins d’une autre institution du pays. Si une telle initiative arrivait, le Président de la République communiquera là-dessus en toute transparence, pense Patrick Muyaya.
Selon lui, la priorité de l’exécutif national réside dans l’exécution de 6 engagements que le Président de la République a pris devant son Peuple lors de la campagne électorale de 2023 et lors de son investiture le 20 janvier 2024. Et là, le Gouvernement est sur la bonne voie, a indiqué le porte-parole du Gouvernement en faisant allusion à la baisse du prix de litre de carburant à la pompe. Concernant les engagements du Président de la République, il s’agit de garantir le pouvoir d’achat des Congolais, de leur permettre d’avoir accès aux soins de santé de qualité à bas prix, de terminer la guerre dans l’Est, de la création des emplois pour les jeunes et de protéger le pouvoir d’achat des Congolais. Pour Patrick Muyaya, ce qui se passe dans l’opinion publique sur cette question, il s’agit du débat d’à côté qui poursuit son cours dans le cadre de la vitalité de la démocratie.
RSK