Le 27 décembre 2022, la République Démocratique du Congo (RDC) a adoptée la Loi n°22-069 du 27 décembre 2022 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, visant à réviser le cadre réglementaire de ces derniers. Si cette initiative semblait prometteuse de prime abord, elle a néanmoins suscité de vives inquiétudes concernant la viabilité des institutions financières du pays. En effet, certaines obligations imposées par cette législation risquent d’affaiblir la compétitivité du secteur bancaire congolais.
Dilution du capital social : Une obligation contre-productive
L’un des points les plus controversés de la Loi n°22-069 est l’obligation de répartir le capital social entre au moins quatre actionnaires, chacun devant détenir au minimum 15 % du capital, conformément à une réglementation de la Banque Centrale du Congo (BCC). Cette exigence, prévue à l’article 11 de la loi, soulève des inquiétudes légitimes dans un contexte déjà fragile sur les plans politique et économique.
Imposer une telle répartition des actions à des établissements de crédit ayant déjà établi des liens de confiance avec leurs clients et partenaires perturbe l’équilibre délicat de leur modèle économique. Les investisseurs, déjà hésitants à s’engager dans un marché jugé risqué, perçoivent cette exigence comme un obstacle majeur, ce qui pourrait entraîner, à terme, une baisse significative des investissements dans le secteur bancaire congolais.
Il est donc nécessaire de réexaminer cette obligation pour encourager une structure de capital qui soit à la fois stable et attrayante. À cet égard, il convient de souligner que de nombreux pays africains, notamment les 8 États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et les 6 membres de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), n’ont pas instauré de telles contraintes, plaçant ainsi la RDC dans une position réglementaire atypique au sein de l’espace OHADA, dont elle fait partie avec ces 14 nations.
Nationalité des dirigeants : un risque de pénurie de compétences
Un autre point problématique de la loi concerne l’exigence d’un quota majoritaire de dirigeants nationaux. Bien que cette mesure vise à renforcer la gouvernance locale, elle a été mise en place sans préparation suffisante des établissements de crédit. Face à ces défis, il est proposé de maintenir cette exigence tout en instaurant une période transitoire adéquate. Cette approche permettrait aux banques de s’adapter progressivement tout en développant les compétences locales nécessaires.
Insécurité juridique : un obstacle à la confiance
Plus d’un an après l’entrée en vigueur de la Loi n°22-069, la situation de non-conformité au sein des établissements de crédit demeure préoccupante. Actuellement, les 15 banques commerciales agréées dans le pays rencontrent des difficultés à se conformer aux nouvelles exigences légales, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la confiance de leurs partenaires internationaux et des déposants locaux.
Cette insécurité juridique expose les établissements de crédit à des sanctions sévères, y compris des amendes exorbitantes (allant de 250.000 USD à 750.000 USD) et le retrait d’agrément.
Vers une réforme urgente
La proposition de loi visant à réformer ces dispositions a été initiée par le député national Kasanda Katuala Olivier, qui a réussi à franchir l’étape difficile de l’avis favorable du Bureau d’études de l’Assemblée Nationale. Cette direction scientifique, qui analyse rigoureusement les propositions de loi des députés pour vérifier leur pertinence, leur conformité législative et constitutionnelle, a rendu un jugement positif sur cette initiative. La proposition a devrait être transmise incessamment par le Bureau de l’Assemblée Nationale au Gouvernement pour d’éventuelles observations, avant de revenir au Parlement pour examen et délibérations. Cette réforme pourrait constituer un tournant décisif pour la régulation du secteur bancaire en RDC.
Il est impératif que les décideurs prennent en compte ces préoccupations afin de garantir la pérennité des institutions financières et de restaurer la confiance nécessaire au développement du secteur bancaire du pays. Une réforme qui privilégie la solidité du capital social et la compétence des dirigeants est non seulement souhaitable, mais essentielle pour assurer la stabilité et la compétitivité du système financier congolais.