
Le Think Tank Rdc Stratégie que préside M. Bodom Matungulu, a organisé, le 14 mars dernier une conférence de haut niveau à Bruxelles (Belgique). « Enjeux de la géostratégie minière en Rdc : géopolitique, conflits armés et exploitation des ressources naturelles », c’est le titre qui a été choisi. Pour cette conférence, il a été donné à M. Bodom Matungulu d’exploiter le thème : « Les ressources naturelles au cœur des enjeux géopolitiques et des révolutions industrielles ». Ici, à l’instar de l’Angleterre lors de la première révolution industrielle, il pense que la RDC peut s’appuyer sur des piliers fondamentaux pour transformer son potentiel minier en levier de développement. Il s’agit de la stabilité politique comme socle du développement, la valorisation des ressources naturelles stratégiques
et un système financier et économique adapté.
Quid des quatre révolutions industrielles
L’orateur a expliqué, devant un public select, que l’histoire des révolutions industrielles est indissociable de l’exploitation des ressources naturelles. Chaque grande transformation économique a reposé sur l’exploitation de nouveaux matériaux et sources d’énergie.
Parlant de la première révolution industrielle (fin XVIIIe – XIXe siècle), celle-ci prend naissance au Royaume-Uni, grâce à l’exploitation intensive du charbon qui permet le développement de la machine à vapeur. Cette innovation révolutionne le textile, les transports et l’industrie manufacturière. Elle marque aussi le début d’une expansion coloniale accrue, les puissances européennes cherchant à s’approprier de nouvelles ressources pour alimenter leurs industries.
La deuxième révolution industrielle (fin XIXe – début XXe siècle) apparue aux États-Unis et en Allemagne, elle repose sur le développement du pétrole, de l’électricité et de la chimie. L’acier devient essentiel à la construction, tandis que l’essor de l’automobile transforme les modes de transport. La recherche de pétrole s’intensifie et devient un enjeu géopolitique majeur.
La troisième révolution industrielle (seconde moitié du XXe siècle) repose sur l’électronique, l’informatique et l’énergie nucléaire. L’utilisation du silicium permet la miniaturisation des circuits électroniques et la création d’ordinateurs et d’Internet. Les terres rares deviennent essentielles à la production de composants électroniques et sont au cœur des enjeux de production mondiale.
La quatrième révolution industrielle et le rôle central de l’Afrique est marquée par l’intelligence artificielle, l’automatisation, l’Internet des objets et la transition vers les énergies renouvelables. Cette ère repose sur des minerais stratégiques comme le lithium, le cobalt et le nickel, indispensables à la fabrication des batteries et des nouvelles technologies.
L’Afrique, et en particulier la RDC, détient une part essentielle de ces ressources. Le pays possède environ 70% des réserves mondiales de cobalt, un minerai indispensable aux batteries des véhicules électriques et aux téléphones portables. Pourtant, cette richesse ne profite pas pleinement à la population congolaise et reste exploitée principalement par des entreprises étrangères.
L’exploitation minière : entre opportunités et “malédiction des ressources”
Au lieu d’être un moteur de prospérité, l’exploitation minière en RDC est souvent synonyme de conflits, de corruption et de pauvreté. Ce phénomène, connu sous le nom de “malédiction des ressources”, illustre comment l’abondance de richesses naturelles peut devenir une source d’instabilité, freinant le développement économique et alimentant des rivalités internes et externes.
Mais cette “malédiction” n’est pas une fatalité. Des pays comme le Canada, la Norvège, le Qatar ou le Botswana ont su convertir leurs ressources naturelles en levier de développement économique durable, garantissant à leur population des retombées positives. La RDC peut et doit s’inspirer de ces modèles en adoptant une approche stratégique de gestion de ses ressources minières.
Cela passe par une gouvernance renforcée et transparente pour lutter contre la corruption et garantir une meilleure redistribution des richesses ; Le développement d’industries locales afin d’assurer la transformation des matières premières sur place et de maximiser la valeur ajoutée nationale ; Une vision souveraine et stratégique de l’exploitation minière, en mettant en place des réglementations qui privilégient l’intérêt national ; La diversification des partenaires commerciaux pour éviter une dépendance excessive vis-à-vis d’un seul acteur et mieux négocier les contrats miniers.
L’exploitation minière ne doit plus être un facteur de déstabilisation, mais un véritable levier de développement. Il appartient aux décideurs politiques congolais de mettre en place des réformes ambitieuses et aux citoyens d’exiger une répartition équitable des richesses pour transformer le sous-sol congolais en moteur de croissance et non en source de conflits.
Comme on peut bien s’en rendre compte, la RDC est aujourd’hui au cœur des enjeux géopolitiques et économiques mondiaux. La quatrième révolution industrielle place ses ressources minières stratégiques au centre d’une compétition acharnée entre la Chine, les États-Unis et l’Europe. Transformer cette richesse en levier de développement durable et non en source de conflits, reste un défi majeur pour son avenir.
Des piliers fondamentaux
Mais comment la Rdc peut s’inspirer des facteurs de la première révolution industrielle pour tirer profit de la quatrième révolution industrielle ? A cette question, M. Bodom Matungulu pense que l’histoire de l’industrialisation montre que certaines nations ont su tirer parti de leur stabilité politique, de leurs ressources naturelles et de leurs infrastructures financières pour s’imposer comme des puissances économiques majeures. À l’instar de l’Angleterre lors de la première révolution industrielle, la RDC peut s’appuyer sur des piliers fondamentaux pour transformer son potentiel minier en levier de développement.
Il s’agit de la stabilité politique comme socle du développement. Après la Glorieuse Révolution de 1688, l’Angleterre a connu une période de stabilité qui a favorisé l’innovation et l’entrepreneuriat. De même, la RDC doit impérativement consolider ses institutions, garantir une gouvernance transparente et pacifier son territoire. Une stabilité politique durable est essentielle pour attirer les investissements et créer un environnement favorable à l’industrialisation et à la transformation locale des ressources stratégiques.
Il y a la valorisation des ressources naturelles stratégiques. Le Royaume-Uni a bâti sa puissance industrielle sur l’exploitation de ses abondantes réserves de charbon et de fer, qui ont servi de carburant à son industrie. La RDC, quant à elle, dispose de minerais essentiels à la quatrième révolution industrielle, tels que le cobalt, le lithium et le cuivre. Pour en tirer pleinement profit, le pays doit aller au-delà de l’extraction brute et investir dans des infrastructures locales de transformation, garantissant ainsi une montée en valeur de ses ressources et la création de richesses nationales.
Et un système financier et économique adapté. L’industrialisation britannique a été soutenue par un système bancaire solide et innovant, qui a facilité le financement des grandes avancées technologiques. De la même manière, la RDC doit renforcer son secteur financier en créant des banques d’investissement dédiées aux projets miniers et technologiques, en facilitant l’accès aux crédits pour les entrepreneurs locaux et en mettant en place un cadre fiscal attractif afin d’encourager les investissements dans les secteurs stratégiques.
En s’inspirant de ces facteurs clés qui ont permis à l’Angleterre de dominer la première révolution industrielle, la RDC peut transformer son immense potentiel minier en moteur de développement et devenir un acteur clé de la quatrième révolution industrielle. Cependant, cette transition ne sera possible qu’en misant sur la stabilité politique, la valorisation locale des ressources et un financement structuré de son industrie nationale. L’avenir de la RDC repose sur sa capacité à exploiter intelligemment ses richesses pour bâtir un développement inclusif et durable.
JMNK