M. Patrick Muyaya, ministre de la Communication et médias, n’a pas du tout eu un repos, lui qui vient d’Addis-Abeba où il a accompagné le chef de l’Etat Félix Tshisekedi. Dans ses mots introductifs, il a dit avoir effectué un déplacement avec le président de la République à Addis-Abeba où il y a eu plusieurs débats autour de la situation en Rdc. Un communiqué final du mini-sommet de la réunion de la communauté de l’Afrique de l’Est a été rendu public et qui est ressorti des faits nouveaux qui sont rapportés, notamment l’engagement pris par le chef de l’Etat Lourenço de s’assurer que le M23 soit notifié des décisions des chefs d’Etat et que cela soit appliqué de manière immédiate. Aujourd’hui, Patrick Muyaya a convié son collègue des Finances, Nicolas Kazadi, par devoir de rédévabilité, pour analyser l’année 2023, mais aussi les perspectives pour 2023. Et le thème choisi est très évocateur : « État des finances publiques en 2022, perspectives économiques 2023 et comportement du Franc congolais sur le marché de change ».
Prenant la parole, le ministre des Finances Nicolas Kazadi a reconnu qu’effectivement s’agissant des finances publiques, 2022 a été une bonne année, parce que nous avons en termes des recettes enregistrer un accroissement de 24% supérieur aux assignations budgétaires et de 55% supérieurs aux réalisations de l’année 2021. « Cet accroissement est le fruit du travail continu des régies financières », affirme-t-il.
Selon lui, la question qui vient juste après, est celle de savoir, qu’est-ce qu’on a fait de cet argent ? Et de répondre que 2022 a été une année particulièrement difficile, bien que nous avons une performance en termes de recettes publiques, nous avons dû faire face à quelques grands défis : cette situation sécuritaire qui a consommé prêt d’1 milliard de dollar, soit des dépenses exceptionnelles liées au contexte, parce qu’il faut refonder notre armée. Il y a eu aussi des subventions pétrolières pour lesquelles on a dépensé près de 500 millions de dollars l’année passée, il y a les élections pour lesquelles on a dépensé près de 500 millions de dollars. Ceci, sur les 9 milliards de dollars des recettes propres sans oublier les appuis budgétaires, etc.
Malgré ces grands défis sécuritaires et électoraux, nous avons réussi l’année passée à tripler les dépenses d’investissement qui étaient de 1.000 milliards de Francs congolais en 2021, ont dépassé les 3.000 milliards en 2022. Ce sont les performances que nous n’avons pas connu depuis longtemps.
Régler les problèmes des Congolais
La question des contrats chinois est sur toutes les lèvres et certains ont même pensé que les mots utilisés par l’IGF étaient exagérés et ne tenaient pas compte du fait que la Chine était un partenaire solide de la Rdc, qui intervient chaque fois que cette dernière est en détresse.
Répondant à une question sur les contrats chinois, Patrick Muyaya a indiqué la stratégie gouvernementale, c’est de regarder partout où nous pouvons régler les problèmes des Congolais. « Nous regardons les intérêts du Congolais. Par rapport à des objectifs à atteindre par les contrats chinois, on n’en a pas beaucoup vu. On n’a pas atteint les milliards », explique-t-il, avant de souligner qu’on ne peut pas nous empêcher de voir plus clair. Nous regardons dans le passé pour améliorer l’avenir. Il ne faut pas considérer qu’on veut brimer les Chinois, mais nous voulons simplement voir clair, se rassurer que les contrats répondent aux exigences du gouvernement.
A la même question des contrats chinois, le ministre des Finances souligne que ce ne pas la première fois que l’on manifeste le souhait de revenir sur ces engagements. « Fondamentalement, le travail de l’Igf permet d’aller en détail. Nous allons discuter avec eux. La Chine reste un partenaire le plus important et nous ne défendons que notre droit. Il est vrai que ces contrats ne sont pas à notre avantage », martèle-t-il. Nicolas Kazadi est revenu sur un autre litige avec la SICOMINES, qui porte sur les supers profits, soit 200 millions de dollars. « La SICOMINES doit payer, parce que cet impôt ne fait pas partie des impôts exonérés », insiste-t-il.
Explosion de la dette
Depuis un certain temps, on parle au pays de l’explosion de la dette. Pour Nicolas Kazadi, les 10 milliards de dollars, c’est la même dette avant l’IPPTE. Aujourd’hui, on a un budget de près de 16 milliards et on est en droit de nous endetter. Il n’y a pas un pays africain peu endetté comme nous. D’ailleurs cette année, les prévisions du Fmi indiquent 8,5% de croissance, comme pour dire que la Rdc est une économique plus dynamique du continent. « Nous sommes demeurés prudents. Nous avons maximisé la possibilité d’avoir des ressources concessionnelles. Nous devons nous assurer que l’endettement serve les intérêts du pays », rassure-t-il.
Toujours au sujet de la dette intérieure, le ministre a précisé qu’il n’y a pas de remise en cause budgétaire. Quand le parlement vote le budget, explique-t-il, il nous donne le mandat de gérer le budget. « Nous gérons le haut et le bas en fonction de la disponibilité de la trésorerie. Quand vous devez gérer la mise à la retraite et la guerre d’agression imposée au pays, c’est un coût supplémentaire qu’il faut gérer », dit-il. Et d’avouer qu’on a suspendu jusqu’à nouvel ordre, suivant l’évolution de la trésorerie. Et ce, sauf pour la dette déjà engagée.
Retour des FDLR : impliquer le HCR et la notabilité locale
A la question de savoir, qu’est-ce qui différencie ce mini-sommet à d’autres, Patrick Muyaya a indiqué qu’à Addis-Abeba, il s’est passé beaucoup de choses. Ainsi, un Congolais a été porté à la tête de la première institution sanitaire africaine. Désormais, la Rdc va siéger comme membre non permanent du Conseil de sécurité. En marge du sommet de l’UA, il y a eu un mini-sommet organisé pour faire la situation de la RDC. Il était question de mettre fin à tous les prestext3s fallacieux pour justifier cette guerre.
« Félix Tshisekedi a dit, nous sommes tous pays frères, soit nous travaillons pour régler les problèmes, soit nous-mêmes allons le régler de notre manière. Il a démontré que le discours porté par le Rwanda est mensonger », dit-il. Et de renchérir que sur les Fdlr, ils ne sont pas une menace qui justifie l’agression de la RDC. Nous sommes déterminés à combattre les forces négatives et les Fdlr ne sont qu’un détail. De même, nous sommes déterminés à retracer les pratiques frauduleuses. Un autre discours mensonger, est qu’il y a un génocide qui se prépare en RDC.
Le vrai génocide, pense-t-il, c’est à Kishishi. Une autre preuve, c’est le rapport d’Amnesty international. Et puis, cette fameuse question de réfugiés qui sont devenus ses otages. La feuille de route de Luanda parle du retour des réfugiés. La première condition pour le retour, c’est la paix. Comment vont-ils revenir pendant que la région est à feu et à sang? Sinon, nous sommes disposés à accueillir nos compatriotes, mais que ça soit fait avec l’aide du HCR. Aujourd’hui, il y a plus de réfugiés rwandais en RDC que les réfugiés congolais au Rwanda. Au-delà du travail fait avec les Fdlr, il y a un autre qui doit être fait avec la notabilité pour éviter d’accueillir les infiltrés.
Pour Nicolas Kazadi, les intérêts économiques du Rwanda en Rdc, c’est le principal objectif de cette guerre. Et de rappeler que le Rwanda a exporté pour près de 1 milliard de dollars. Pour l’or, le pays de destination était les Emirats arabes unis. « Désormais, nous traitons directement avec Dubaï et tout l’or qui transitait par le Rwanda, est maintenant traité par la RDC. On est en train d’opérer un grand changement, voilà ce qui explique l’agitation du Rwanda », dit-il, avant d’affirmer que nous sommes en train de dénouer grâce au courage politique du président de la République. « Nous sommes en train de dépouiller le Rwanda de tous ses arguments et nous montrons ce qu’il est », termine-t-il. C’était nous qui étions les plus mauvais.
Il faut dédollariser et produire
Au sujet d’un léger relâchement constaté au mois de janvier du côté des finances publiques, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi a fait voir que le mois de janvier est un mois où il n’y a pas beaucoup de recettes. Mais cette année, pour des engagements pris pour la sécurité, on a fait face à des dépenses importantes. Il y a eu une pression sur le taux de change. En 2022, le taux de change a été très bon, note-t-il.
Et de confirmer qu’en janvier 2023, il y a eu une dépréciation que nous cherchons à juguler. Au dernier trimestre, on a payé en Franc congolais. Malheureusement, beaucoup se sont reportés sur le marché des changes. Il y a eu quelques interventions sur le marché. « Nous sommes en régime de change flottant, que ça baisse ou sa monte, c’est normal. Si vous voulez que l’économie soit moins vulnérable, il faut dédollariser et produire. Et pourtant, 80% de ce que nous consommons est importé. Et en tête, on doit comprendre que l’hyperinflation appartient au passé. Cette transparence que nous affichons, c’est pour rassurer les gens », pense-t-il.
Au-delà de tout, conclut Nicolas Kazadi, le chemin que nous parcourons est bon. A moins d’une année des élections, le pays est apaisé, et nous avons des perspectives économiques meilleures. La tendance générale est positive. Il fallait ensuite donner un autre sens à la gouvernance pour corriger les erreurs du passé. Il nous reste le grand défi à l’Est pour ce pays enchaîné depuis 1997. « Je pense que nous sommes sur la bonne voie », soutient-il.
Jean-Marie Nkambua