De Mobutu à Tshisekedi, l’histoire se répète-t-elle ? (Par Nico Minga, Économiste, Auteur et Géostratège)

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« Après moi, c’est le déluge » : cette phrase, restée célèbre et attribuée à Mobutu Sese Seko, résonne aujourd’hui comme une malédiction, semblant se répéter dans le cycle tragique de l’histoire politique congolaise. Prononcée au crépuscule de son règne, elle exprimait la conviction amère que le Zaïre, sans lui, sombrerait dans le chaos, incapable de se reconstruire sur des bases solides.

À cette prémonition, Mobutu ajoutait un aveu glaçant : « Ce ne sont pas mes ennemis qui m’ont eu, ce sont mes amis qui m’ont trahi et poignardé dans le dos. » Ces mots traduisaient le profond sentiment de trahison qu’il éprouvait envers ses proches, qui, dans ses derniers jours au pouvoir, ont rejoint le camp adverse ou ont préféré se taire pour mieux se repositionner.

Que sont devenus ceux qui ont trahi Mobutu ?

L’histoire lui donnera raison sur plusieurs points. De nombreux collaborateurs du régime mobutiste, jadis considérés comme loyaux, ont rejoint ou soutenu l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), créée et soutenue militairement par le Rwanda et l’Ouganda. Plusieurs figures issues du sérail mobutiste ont connu des sorts contrastés. Les trajectoires tragiques ou ambivalentes des anciens dignitaires révèlent une constante : dans les périodes de bascule historique, la loyauté devient rare et les intérêts personnels priment souvent sur les engagements idéologiques. La trahison devient alors un instrument d’ascension ou de survie. Et le Congo, dans cette logique, se transforme en une arène où les ambitions individuelles sont instrumentalisées par des puissances étrangères.

Tshisekedi face aux mêmes dynamiques

Aujourd’hui, le Président Félix Tshisekedi se retrouve à son tour confronté à une guerre hybride : une agression militaire non déclarée menée par le Rwanda à travers l’AFC-M23 dans l’Est du pays. Cette situation évoque fortement le scénario de 1996-1997. Comme à l’époque, des complicités internes sont soupçonnées au sein des sphères politiques, économiques et même militaires. Des fuites d’informations stratégiques, des silences ambigus et des appels à la négociation avec l’ennemi dans des termes flous rappellent la duplicité qui avait précipité la chute de Mobutu. À cela s’ajoutent les pressions extérieures et l’hypocrisie de certaines puissances – notamment parmi les partenaires internationaux historiques – invoquant la « stabilité régionale » ou le « réalisme diplomatique », comme elles le faisaient jadis avec le régime zaïrois.

L’histoire se répète-t-elle ?

L’histoire ne se répète jamais exactement de la même manière. En 2025, plusieurs éléments distinguent Félix Tshisekedi de Mobutu. La société congolaise est plus éveillée, les réseaux sociaux permettent une mobilisation rapide de l’opinion publique, et les jeunes générations paraissent moins enclines à tolérer l’impunité et la manipulation. L’armée congolaise, bien qu’encore vulnérable, a montré des signes de montée en puissance. Et la diplomatie congolaise tente, non sans difficulté, de bâtir un front africain contre l’ingérence rwandaise.

L’agression de l’AFC-M23, avec le soutien avéré du Rwanda selon plusieurs rapports des Nations Unies, s’inscrit dans un cycle géopolitique de longue durée. De la première guerre du Congo en 1996 à l’insécurité chronique du Kivu, en passant par la défaite du premier M23 en 2013, le schéma est connu : déstabilisation, occupation, pillage des ressources, instrumentalisation des groupes armés, et négociations biaisées. La distraction de certains Congolais et les divisions internes facilitent cette répétition.

Faut-il en conclure que le sort du Congo est inéluctablement lié à la trahison et à l’effondrement ? Certainement pas. Mais cela suppose de tirer des leçons claires. La guerre à l’Est ne relève pas d’un simple conflit de voisinage, mais bien d’un projet stratégique et économique. Il est urgent de mettre fin à l’impunité des traîtres, de réformer en profondeur les services de sécurité, et de construire une nouvelle classe politique unie par l’intérêt national.

Félix Tshisekedi déterminé à conjurer le sort

Dans un contexte mondial de plus en plus interconnecté et multipolaire, où les conflits dépassent le cadre militaire pour s’étendre au terrain économique, la RDC doit réinventer sa stratégie nationale. Plutôt que de rester enfermée dans une économie de guerre, caractérisée par la résilience face à l’agression, ce géant africain devrait se lancer dans une véritable « guerre économique » pour renforcer sa souveraineté et se repositionner sur la scène internationale. Cela implique la mobilisation de toutes les ressources nationales au service de cette dynamique, et la poursuite d’une diplomatie plus affirmée et souverainiste.

Comme le disait Churchill : « Il ne faut jamais gâcher une bonne crise. » Depuis l’époque de Mobutu jusqu’à celle de Tshisekedi, notre pays a traversé des turbulences profondes – politiques, économiques, sociales. À chaque tournant, le Congo a semblé frôler l’opportunité d’un nouveau départ. Pourtant, au lieu d’innover, de réinventer l’État ou de rebâtir sur des bases solides, les élites successives ont souvent recyclé les réflexes du passé : clientélisme, culte de la personnalité, centralisation du pouvoir, et méfiance envers les dynamiques citoyennes. Ainsi, les crises deviennent des boucles sans fin où l’espoir naît, mais ne dure jamais.

L’histoire se répète effectivement, disait Marx, d’abord comme une tragédie, puis comme une farce. Sommes-nous donc condamnés à cette répétition ? Ou saurons-nous enfin briser le cycle, oser la réforme réelle, et assumer la rupture salutaire ?

Il revient donc au Président Félix Tshisekedi et à son équipe de démentir le fatalisme de Mobutu. Le déluge n’est pas une fatalité, si le pays sait se ressaisir. Déterminé à libérer la nation de l’emprise d’une mafia internationale dissimulée derrière ceux qu’il qualifie de ‘‘pantins instrumentalisés’’, le Président Tshisekedi doit briser le cycle de la trahison, reconstruire une véritable vision stratégique et faire preuve d’un courage politique à la hauteur de l’agression subie. L’Histoire n’attend pas, et l’heure est venue de réinventer le Congo.

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