On se doit de le reconnaître et surtout de l’admettre : l’homme d’Etat Félix Tshisekedi qui a délivré le mercredi 11 décembre 2024 son 6ème discours sur l’état de la Nation n’est pas le même entendu à Kisangani le 23 octobre et à Lubumbashi le 16 novembre derniers. Il a choisi de rester dans la Constitution qui lui permet d’exercer les prérogatives attachées à la fonction.
Seul instrument juridique valable, la constitution en vigueur
En effet, dans son discours, il s’est abstenu de prendre formellement position pour le changement de la Constitution comme il l’a fait précédemment. Il a préféré garder son rôle de représentant de la Nation et de symbole de l’unité nationale, selon l’article 69 de la loi des lois.
C’est vrai que personne n’en doute : Félix Tshisekedi est pour le changement de la Constitution.
Mais, dans le contexte du discours sur l’état de la nation, il ne pouvait pas le déclarer ouvertement. Car, au Palais du peuple, il n’y avait pas que la représentation de la communauté nationale (institutions de la République, administration publique, classe politique et société) à presque 99 % acquise à sa cause. Il y avait aussi, dans le cadre de la diplomatie, la représentation étrangère (relations bilatérale) et internationale (relations multilatérales).
Or, celle-ci n’est en RDC que sur base du seul instrument juridique valable qu’est la Constitution en vigueur. Peu importe pour celle-ci d’être l’oeuvre des étrangers et rédigée à l’étranger, peu importe qu’elle soit mauvaise, voire maléfique : c’est par cet instrument que la RDC est reconnue comme État souverain et, en plus, admise comme membre à part entière des institutions sous-régionales, régionales, continentales et intercontinentales.
On imagine l’effet de sa disqualification sur accréditation des nouveaux ambassadeurs accrédités au pays ou à accréditer à l’extérieur, de même que par rapport aux traités et accords internationaux conclus.
D’ailleurs, le ton rassurant avec lequel Félix Tshisekedi a salué ses pairs de l’Union africaine (via la médiation angolaise) et ceux de la Sadc (pour les opérations en cours à l’Est) devait effacer les propos de Kisangani et de Lubumbashi relatifs à l’article 217.
Que faut-il en retenir. Trois choses
Ainsi, Félix a résumé son intervention par la nécessité de considérer qu’ “Il est peut-être temps d’engager une réflexion nationale sur une réforme constitutionnelle” et que “Cette démarche consiste uniquement à lancer une initiative visant à inviter nos compatriotes à une réflexion sincère pour bâtir un cadre institutionnel plus adapté aux réalités et aux aspirations de notre peuple».
Que faut-il toutefois en retenir. Trois choses.
Primo : au départ, il y a eu flottement. Le 6 août 2024, dans l’interview accordée à Christian Lusakweno et Baudouin Amba Wetshi, le Chef de l’État a fait allusion à une révision de la Constitution, réduite limitée à quelques articles. Il n’était pas question de toucher aux dispositions verrouillées. L’Opposition et une partie de la Société civile s’étaient limitées à bourdonner.
Secundo : le 1er octobre, Augustin Kabuya a brandi le changement de la Constitution sous prétexte d’un héritage légué à l’Udps par Étienne Tshisekedi. Là, les réactions de certaines forces politiques et sociales sont allées dans le sens du désaveu.
Tertio : le 23 octobre et le 16 novembre, c’est Félix Tshisekedi en personne qui va monter au créneau et confirmer l’option du changement, même en mettant un bémol avec l’annonce de la mise sur pied d’une commission adh oc devant réfléchir sur le sujet. Il fera d’ailleurs pire avec l’interprétation donnée à l’article 217 (vente des terres confondue à l’abandon partiel de souveraineté), troublant quasiment ses homologues de la Cééac, de la Sadc, de la Cirgl, de l’Eac.
La suite est connue : dans sa propre plateforme (Union sacrée de la nation), les violons ne sont pas accordés. Ce qui n’est rien. Mais, même au sein de l’Udps, son propre parti, les organes statutaires non associés se sont mis à bouder. Et là, ça devenait grave.
Bref, si la “rue combattante” s’est résolument engagée dans la voie du Changement de la Constitution (elle en a refait la démonstration au Palais du peuple ce 11 décembre 2024), la “tête combattante” n’a pas apprécié, elle, la manière dont elle a été embarquée dans une entreprise à très hauts risques sans en avoir discuté au départ.
L’argument évoque ne fait allusion à aucun des 229 articles
Maintenant qu’il entend engager les forces vives dans un débat formel autour de la re-visitation de la Constitution, Félix Tshisekedi sait qu’il doit aller au bout de la logique. Et celle-ci est dans l’Histoire du pays depuis l’indépendance. Les changements de la Constitution opérés entre 1964 et 2005 ont imposé un large consensus, et celui-ci a toujours eu pour cadre la tenue d’un dialogue.
En attendant, de tous les non-dits qu’on peut tirer du discours sur l’état de la nation de Félix Tshisekedi, le plus interpellateur est le motif évoqué pour la re-visitation de la Constitution.
Voici l’argumentation évoquée : “Pour terminer ce discours sur l’état de notre Nation, je dois rappeler que cette première année de mon nouveau mandat a été marquée par un démarrage retardé, notamment en raison du temps nécessaire pour la désignation de la Première ministre et la mise en place des institutions, conformément aux prescrits de notre Constitution. Ces délais, bien que contraignants, étaient indispensables pour respecter les échéances et les procédures fondamentales de notre démocratie”.
Et de déduire : “Cependant, cette situation nous invite à une réflexion commune : il est peut-être temps d’engager une réflexion nationale sur une réforme constitutionnelle, afin d’éliminer les failles qui ralentissent le fonctionnement de notre appareil étatique. Cette démarche consiste uniquement à lancer une initiative visant à inviter nos compatriotes à une réflexion sincère, pour bâtir un cadre institutionnel plus adapté aux réalités et aux aspirations de notre peuple”.
Ainsi, l’argument évoqué ne fait allusion à aucun des 229 articles de la Constitution actuelle.
Normal puisque le retard enregistré dans la mise en place n’a aucun lien avec la loi des lois. C’est le problème de la loi électorale.
Pour autant que cet argument soit validé, l’option à prendre est-elle la révision, raisonnablement parlant ? Ou plutôt le changement !
La rationalité est du côté de la première. D’où le titre prémonitoire : Félix Tshisekedi retrouve enfin Félix Tshisekedi !
PROCHAINEMENT : “Vivement la 4ème République ? En vérité, plaidoyer de Julien Paluku pour un dialogue national !
Omer Nsongo die Lema