Dossier Bukanga Lonzo : Les raisons de la reprise du procès Matata

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Dans une tribune intitulée : « Affaire Matata Ponyo et consorts : Encore un arrêt de la Cour constitutionnelle. Et maintenant, que faire ? », le professeur Blaise Eca Wa Lwenga soutient que la Cour constitutionnelle pourrait reprendre les poursuites contre Matata Ponyo devant elle au fond, non seulement puisque le droit d’action publique n’avait pas été épuisé par son arrêt d’incompétence, mais aussi puisque subsidiairement, la Cour n’est pas tenue par l’autorité de la chose jugée de ses propres arrêts ; étant précisé que les revirements de jurisprudence sont par essence rétroactifs. Mais au-delà de ces arguments, la reprise des poursuites devant la Cour constitutionnelle répond aussi à deux autres exigences consacrées par notre Constitution : la lutte contre l’impunité et l’égalité des citoyens devant la loi. L’arrêt du 15 novembre 2021 avait violé ces deux principes fondamentaux de notre droit. C’est pourquoi, malgré les acrobaties hautement critiquables auxquelles les magistrats de la Cour constitutionnelle et ceux de la Cour de cassation ont recouru pour aboutir au revirement de jurisprudence, l’on peut s’en contenter puisque l’Etat de droit est sauvegardé. Dès lors que, d’une part, le citoyen Matata Ponyo aura enfin la possibilité de laver son honneur, en établissant son innocence sur les faits qui lui sont reprochés.

Affaire Matata Ponyo et consorts : Encore un arrêt de la Cour constitutionnelle. Et maintenant, que faire ?

Par un arrêt rendu le 15 novembre 2021, la Cour constitutionnelle jetait l’émoi dans la communauté des juristes en se déclarant incompétente pour juger, en matière pénale, un ancien président de la République ou un ancien Premier ministre pour les infractions par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

Bien que la plupart des juristes congolais fussent critiques à l’égard de l’arrêt susvisé, quelques opinions concordantes – minoritaires certes – ont quand même été exprimées par certains auteurs, soit dans les médias, soit dans des revues juridiques ou en ligne. Si l’opinion concordante des Conseils des prévenus était attendue du fait qu’ils interviennent dans ce dossier comme avocats de la défense, plus étonnante a été la position concordante de M. Mbokani. En effet, dans son analyse, l’auteur estime d’abord qu’il serait méthodologiquement problématique de comparer le statut pénal du Premier ministre congolais à celui des Premiers ministres d’autres Etats où le statut pénal du Premier ministre est aligné beaucoup plus sur celui des membres du gouvernement que sur celui du président. Curieusement, l’auteur qui nous fait grief d’avoir eu recours au droit comparé français n’a eu de cesse dans son opinion d’avoir recours, lui aussi, au droit positif français. Mais cette observation n’est pas majeure, puisque là n’est pas la question qui a nécessité une étude comparée avec le droit français dans notre étude.

La comparaison avec le droit français était justifiée par le fait que la question débattue était de savoir, s’agissant de la compétence d’attribution des juridictions pénales, à quel moment devait être prise en compte la fonction de Premier ministre de M. Matata Ponyo, pour déterminer son juge naturel en droit congolais. Sur ce point précis, certains estimaient qu’il fallait se positionner au moment des poursuites. D’autres au contraire, comme nous, estimaient qu’il fallait se situer au moment de la commission de l’infraction. D’où l’étude comparative, sur ce point précis, avec le droit français qui a servi de modèle au droit congolais dans la réforme issue de l’éclatement de l’ancienne Cour suprême de justice. Qu’importe que souverainement la RDC ait prévu dans sa constitution un statut pénal identique au Président de la République et au Premier ministre là où la constitution française prévoit un statut pénal différent entre les deux hautes personnalités de l’Etat. Ce n’était pas la question débattue. La fonction Premier ministre, prise en compte dans notre étude est la même partout en France comme en RDC. Le Premier ministre est le chef du gouvernement. Il n’était donc pas incongru de faire une étude comparative entre les droits de ces deux pays en fixant l’analyse sur la période à laquelle devait être prise en compte la fonction de Premier ministre pour déterminer la juridiction compétente, pour connaître des infractions commises par ces personnalités de grande importance de l’Etat dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

L’auteur estimait aussi que la compétence de la Cour constitutionnelle n’était pas une compétence exclusive mais une compétence spéciale, arguant que la compétence exclusive doit être induite par l’expression « est seul compétent ». Or, en droit, la seule exigence posée c’est que la compétence exclusive doit être clairement identifiée par le texte qui la prévoit. Cette identification claire peut se déduire, par exemple, par l’expression « est seul compétent ». L’expression « est seul compétent » n’est donnée ici qu’à titre exemplatif. En l’espèce, la compétence exclusive de la Cour constitutionnelle à connaître des infractions commises par le Président de la République et le Premier ministre est clairement identifiée par les articles 163 et 164 de la Constitution, même sans usage de l’expression « est seul compétent » qui n’est qu’exemplatif. Encore faut-il comprendre ce que recouvre la compétence exclusive. Il y a compétence exclusive lorsque la connaissance d’un contentieux est absolument réservée par un texte à une juridiction, qu’il s’agisse de compétence matérielle ou de compétence territoriale, de sorte que toutes les autres juridictions sont radicalement incompétentes. Autrement dit, une compétence exclusive est celle qui est spécialement attribuée à une juridiction par un texte de manière claire, rendant ainsi toutes les autres juridictions incompétentes. C’est le cas en RDC : la Cour constitutionnelle est leur seul juge naturel, à l’exclusion de toutes les autres, à connaître des infractions commises par les présidents de la République et premiers ministres6, en fonction ou anciens. C’est ce que la Cour constitutionnelle a jugé dans son arrêt du 18 novembre 2022. En interprétant précisément les articles 163 et 164 de la Constitution sur la question de compétence, la Cour constitutionnelle a jugé que : « la Cour constitutionnelle est seule compétente pour connaître des infractions commises par le Président de la République ou le Premier ministre dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. La Cour constitutionnelle est le juge pénal d’un ancien Président de la République ou d’un ancien Premier ministre qui n’est plus en fonction au moment des poursuites et ce, en parfaite harmonie avec l’esprit du constituant 78». Ainsi, comme nous, la Cour constitutionnelle reconnaît elle aussi que sa compétence est exclusive au regard des dispositions des articles 163 et 164 de la Constitution. On peine donc à comprendre les difficultés éprouvées par Monsieur Mbokani à saisir cette compétence exclusive de la Cour constitutionnelle en la matière.

Mais c’est la conclusion à laquelle aboutit M. Mbokani qui est plus étonnante encore, en ce qu’il approuve la décision d’incompétence rendue par la Cour constitutionnelle le 15 novembre 2021 pour connaître des infractions commises par un ancien Président de la République ou un ancien Premier ministre. L’auteur écrit dans sa conclusion : « toutefois, la solution consacrée dans cet arrêt (celui d’incompétence rendu le 15 novembre 2021), celle de limiter le privilège de juridiction devant elle aux personnes en fonction, n’est pas nécessairement la plus mauvaise. Bien au contraire, elle se révèle être la plus proche des textes juridiques applicables et surtout la plus pragmatique au regard des difficultés qui pourraient naître du régime des poursuites d’un ancien président ou d’un ancien Premier ministre devant cette Coup ». Maintenant que la Cour constitutionnelle a opéré un revirement de jurisprudence par arrêt en date du 18 novembre 2022 en se déclarant compétente, la position de l’auteur est plus que fragilisée et sa contribution sans grand intérêt scientifique. C’est même curieux que l’auteur ait persisté dans son opinion isolée alors que son article a été publié après le revirement de jurisprudence de la Cour constitutionnelle.

C’est ce dernier arrêt du 18 novembre 2022 qui sera à présent examiné dans la mesure où il suscite beaucoup de questions. A notre avis, il y a deux principales questions qui retiennent l’attention du juriste. La première est celle de savoir si la Cour constitutionnelle pouvait revenir comme elle l’a fait sur l’affaire Matata Ponyo, après avoir accueilli favorablement le 15 novembre 2021 l’exception d’incompétence soulevée par la défense du prévenu. Autrement dit, la question ici posée est celle de savoir si les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle ont autorité de la chose jugée sur elle (I). La deuxième question, plus importante encore est celle de savoir si la Cour constitutionnelle peut, à la faveur de son deuxième arrêt rendu le 18 novembre 2022, juger pénalement M. Matata Ponyo et consorts au fond, pour les mêmes faits de détournement des deniers publics dans le dossier Bukanga Lonzo (II) après s’être déclarée incompétente.

  1. Les arrêts de la Cour constitutionnelle ont-ils autorité de la chose jugée sur elle ?

Aux termes de l’article 168 de la Constitution de la RDC : «Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers. Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit ».

La question ne manque pas d’intérêt en droit d’autant plus que, une année après, soit le 18 novembre 2022, la même Cour constitutionnelle rendait un autre arrêt en interprétation de la Constitution sur renvoi de la Cour de cassation9, arrêt par lequel elle s’est déclarée, cette-fois, compétente pour connaître des infractions commises par le Président de la République et le Premier ministre, en fonction ou après leurs fonctions, et ce, contrairement à son arrêt du 15 novembre 2021. Il s’agit, à ne point douter, d’un revirement de jurisprudence.

Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, un avocat des prévenus indiquait que du fait que l’article 168 de la Constitution prévoit que les arrêts de la Cour constitutionnelle sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers, cela induisait que ces décisions avaient autorité sur la Cour constitutionnelle elle-même en tant que juridiction. En d’autres termes, l’avocat de la défense soutenait que la Cour constitutionnelle ne pouvait plus revenir sur l’affaire, puisque liée, elle aussi, par son arrêt d’incompétence.

Cette opinion est difficilement soutenable en droit. La question a d’ailleurs fait l’objet d’un colloque en France en 2010 sur l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, puisque l’article 62 alinéa 310 de la constitution française a servi de modèle à l’article 168 de notre constitution dont il est une simple reproduction. En réalité, si les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires, qu’ils soient obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers, cette autorité de la chose jugée des décisions de cette Cour ne vaut qu’à l’égard de ces tiers mentionnés dans le texte. Elle ne vaut cependant pas réellement à la Cour constitutionnelle elle-même, car elle lui interdirait tout revirement de jurisprudence11. En d’autres termes, l’autorité de la chose jugée des arrêts de la Cour constitutionnelle ne lui est pas opposable de la même manière qu’aux pouvoirs publics, aux administrations et aux juridictions ordinaires et aux particuliers.

La raison en est que la Cour constitutionnelle, juridiction suprême par le fait précisément de l’autorité de la chose jugée de ses arrêts à l’égard des tiers, a le rôle prépondérant d’opérer des revirements de jurisprudence chaque fois que nécessaire pour réguler la pratique judiciaire des cours et tribunaux dans les matières qui relèvent de sa compétence. Ceci soit pour adapter la pratique du droit aux évolutions de la société, soit sous l’influence de la doctrine, du contexte social et pénal, ou encore pour lutter contre des situations de déni de justice ou des situations d’inéquité. Cette œuvre de changer la jurisprudence incombe aussi aux plus hautes juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif du pays, notamment la Cour de cassation et le Conseil d’Etat. En effet, n’étant pas tenu par la jurisprudence comme il l’est par la loi, le juge peut estimer qu’une décision différente, voire contraire, correspond davantage au souci d’équité et de justice et ainsi opérer un revirement de jurisprudence. Par conséquent, les décisions de la Cour constitutionnelle n’ont donc pas d’autorité de la chose jugée sur elle.

  1. La Cour constitutionnelle peut-elle juger Monsieur Matata Ponyo et consorts dans le dossier Bukanga Lonzo ?

Plusieurs opinions ont été émises à ce sujet surtout par voie de médias. Les plus zélés en esprit vont jusqu’à soutenir qu’à jamais la Cour ne pourra plus juger M. Matata Ponyo et consorts. Les plus « modestes » dans cette opinion estimant que la Cour ne pourra juger M. Matata Ponyo et consorts que pour d’autres faits, sans aucun rapport avec le projet Bukanga Lonzo. Nous estimons pour notre part que la Cour constitutionnelle pourra juger Monsieur Matata Ponyo et consorts, y compris pour des faits de détournement des deniers publics dans le dossier Bukanga Lonzo.

Il convient dans un premier temps d’examiner les arguments avancés pour s’opposer à toute reprise des poursuites devant la Cour constitutionnelle pour démontrer leur fausseté (1), avant d’argumenter sur la compétence de la Haute Cour à juger Monsieur Matata Ponyo et consorts, y compris dans le dossier Bukanga Lonzo (2).

  1. Les faux arguments en faveur de l’incompétence perpétuelle alléguée de la Cour constitutionnelle à juger M. Matata Ponyo

Deux arguments sont constamment avancés pour soutenir que la Cour constitutionnelle ne pourra plus revenir sur l’affaire Bukanga Lonzo pour juger le prévenu Matata Ponyo. Certains invoquent la maxime Non bis in idem ou Ne bis in idem (a) ; d’autres encore invoquent le principe de la non- rétroactivité de la loi pénale (b). Aucun de ces deux arguments n’est fondé en droit.

  1. a) Non bis in idem ou ne bis in idem

Beaucoup de personnes ont soutenu l’argument selon lequel la Cour constitutionnelle ne peut plus connaître de l’affaire Matata Ponyo et consorts, au motif erroné selon lequel le prévenu aurait déjà été jugé par la Cour et que, de ce fait, il bénéficierait de la protection de la maxime non bis in idem ou ne bis in idem.

Fixons bien le débat. Par arrêt d’incompétence en date du 15 novembre 2021, la Cour constitutionnelle a accueilli favorablement un moyen de défense du prévenu Matata Ponyo soutenant l’incompétence de la Cour à juger les anciens Présidents de la République ou les anciens Premiers ministres. Il s’agit là d’une exception de procédure. Stricto sensu, l’exception de procédure est un moyen de défense tendant à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, ou à en suspendre le cours. Elle désigne un obstacle temporaire à la procédure (d’ordre formel), destiné à paralyser le déroulement de l’instance. Elle ne discute pas le bien-fondé de la prétention du demandeur, mais a pour but de provoquer un ajournement de la discussion immédiate du fond de la prétention. De ce fait, si le plaideur a opposé une exception et que le juge l’a favorablement accueillie, l’autorité de la chose jugée ne joue que sur cette exception, le demandeur à l’action – ici le ministère public – soit après un délai (exception dilatoire), soit après régularisation de la procédure (exception d’incompétence ou de nullité), pourra présenter de nouveau sa demande et poursuivre l’instance, tout au moins si la prescription n’est pas acquise entre-temps. En effet, en droit, le seul cas où l’exception peut constituer de facto un obstacle définitif est celui où elle conduit à l’annulation de l’acte introductif d’instance à un moment où la prescription se trouve avoir déjà fait son œuvre. Dans ce cas, l’effet extinctif de l’action par la prescription ne permettra pas de rédiger de nouveau la demande en justice en respectant les conditions de forme et de fond nécessaires, le droit d’agir étant purement et simplement éteint13 car, par la suite le plaideur pourra invoquer cette prescription comme cause d’extinction de l’action publique.

En l’espèce, le ministère public garde encore la main pour poursuivre les poursuites engagées contre M. Matata Ponyo Mapon devant la juridiction, autre que la Cour constitutionnelle, qui serait compétente. En effet, la Cour constitutionnelle n’a pas tranché le fond, c’est-à-dire qu’elle ne s’est pas prononcée sur la culpabilité ou non des prévenus ; d’autre part l’action publique n’est pas éteinte par la prescription puisque les faits reprochés à l’ancien Premier ministre datent, selon la prévention, entre les mois de novembre 2013 et novembre 2016. Le détournement des deniers publics est puni d’une peine d’un à 20 ans de travaux forcés par l’article 145 du Code pénal Livre II. Or, aux termes de l’article 24 du même Code livre Ier, l’action publique résultant d’une infraction sera prescrite après dix ans révolus, si l’infraction peut entrainer plus de cinq ans de servitude pénale ou la peine de mort ; le délai de prescription commençant à courir, précise l’article 25 du même Code, du jour où l’infraction a été commise. Les prévenus n’ont donc pas bénéficié de la prescription ; cela veut dire que l’action publique n’est pas éteinte à leur égard. Une fois que l’on a cerné ce qu’est une exception de procédure, il faut confronter cette notion d’exception de procédure au contenu de la maxime « Non bis in idem ou Ne bis in idem ».

Déjà connu du droit romain, le principe Non bis in idem ou Ne bis in idem est un principe classique de la procédure pénale d’après lequel « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits». Pour être plus précis encore, la maxime veut dire qu’aucune personne acquittée légalement ou condamnée ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente. La maxime est expressément consacrée par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en son article 14§7 en ces termes : «Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ». Dès lors, on s’attachera donc aux expressions « personne acquittée » ou « personne condamnée » qui impliquent nécessairement un jugement au fond. Non bis in idem ou ne bis in idem est, disait Ortalan à son sujet, le brocard qui traduit en la forme scolastique le bon sens des nations, l’instinct universel de justice. Ceci s’applique et au procès et à la peine, mieux encore il s’applique au droit d’action publique et au droit d’exécution.

Non bis in idem suppose que la sentence soit devenue définitive ; car tant qu’elle ne l’est pas devenue encore, le procès n’est pas terminé, il peut être soumis successivement aux diverses juridictions appelées, suivant leur hiérarchie, à en connaître14. Autrement dit, il doit s’agir comme on le dit en matière civile, d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, ayant tranché le fond.

La maxime Non bis in idem ou Ne bis in idem ne peut donc pas s’appliquer aux décisions qui n’ont pas épuisé le droit d’action publique comme on le verra ci-dessous. Par conséquent, l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 15 novembre 2021. n’ayant pas tranché la question de fond, c’est-à- dire la culpabilité ou l’innocence de Monsieur Matata Ponyo, cet arrêt n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée. Ainsi, le moyen tiré de la maxime Non bis in idem ou Ne bis in idem n’est pas fondé à contester à la Cour constitutionnelle la compétence de juger Monsieur Matata Ponyo et consorts au fond.

  1. b) Non rétroactivité de la loi pénale

D’autres ont même affirmé que la Cour constitutionnelle ne pouvait plus juger Monsieur Matata Ponyo et consorts puisque, selon eux, cela se heurterait au principe de la non rétroactivité de la loi pénale. C’est à n’y rien comprendre. Tout d’abord et pour rappel, l’arrêt critiqué, celui rendu par la Cour constitutionnelle le 18 novembre 2022, est celui par lequel la Haute Cour a opéré un revirement de jurisprudence spectaculaire que nous appelions de nos vœux, en ce qu’elle s’est déclarée finalement compétente comme seul juge pénal du Président de la République et du Premier ministre, en fonction ou anciens. Par ce seul fait, certains y voyaient une loi pénale nouvelle défavorable au prévenu Matata Ponya qui rétroagirait. La Cour constitutionnelle, selon eux, n’avait donc plus le droit de connaître des infractions de détournement des deniers publics mises à la charge de M. Matata Ponyo dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, puisque cette Cour s’était déjà déclarée incompétente.

Ce moyen n’est pas non plus fondé en droit. D’abord parce qu’un arrêt, et de manière générale la jurisprudence, n’est pas une loi, mais une interprétation de cette dernière par le juge. Ensuite, si la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif, plus précisément si la loi pénale nouvelle défavorable ne peut pas rétroagir, nulle part il n’est dit qu’un revirement de jurisprudence ne peut pas rétroagir. Au contraire, nous verrons dans le deuxième point ci-dessous qu’il est de l’essence même des revirements de la jurisprudence de rétroagir. Enfin, même en raisonnant par l’absurde, en supposant que l’arrêt du 18 novembre 2022 est une loi – ce qu’il n’est pas bien sûr – encore faut-il qu’il soit défavorable au prévenu pour ne pas rétroagir. En l’espèce, un arrêt qui garantit au prévenu l’accès à un juge, comme c’est le cas de l’arrêt querellé du 18 novembre 2022, est un arrêt qui garantit au prévenu Matata Ponyo le droit à un procès équitable. En effet, l’opprobre a été jetée sur la personne de Matata Ponyo comme étant le grand criminel économique de l’histoire du pays. Ne pas lui offrir la possibilité de prouver son innocence devant un juge porterait atteinte à son droit à l’accès à un juge et à un procès équitable. De ce fait, l’arrêt du 18 novembre 2022 est favorable à M. Matata Ponyo en tant qu’il lui permet d’établir son innocence devant la Cour. Cet arrêt, favorable au prévenu, peut donc rétroagir.

  1. Les arguments en faveur de la poursuite au fond de Monsieur Matata Ponyo devant la Cour constitutionnelle

Procédons par élimination, avant de donner les raisons qui, à notre avis, justifient les poursuites. Tout d’abord, l’on sait que le prévenu ne peut pas se prévaloir de la maxime Non bis in indem ou Ne bis in idem comme rappelé dans les développements ci-dessus. L’on sait aussi que la non rétroactivité de la loi pénale défavorable ne peut pas non plus être invoquée en l’espèce parce que la jurisprudence n’est pas une loi ; encore qu’en l’espèce il s’agit d’une jurisprudence favorable en tant qu’elle garantit au prévenu le droit à un procès équitable. L’on sait aussi que, s’il est admis généralement que l’autorité de la chose jugée est attachée aux jugements relatifs à la compétence15, cette autorité ne joue cependant que pour cette instance ; puisque l’instance se poursuivra devant la juridiction de renvoi. En effet, procéduralement, la juridiction initialement saisie qui s’est déclarée incompétente est tenue de transmettre l’entier dossier de la procédure à la juridiction de renvoi ou celle désignée par le ministère public qui devait mieux se pourvoir.

De notre point de vue, la Cour constitutionnelle peut juger Monsieur Matata Ponya pour deux raisons : l’une tient au fait que l’arrêt sur incompétence rendu par elle le 15 novembre 2021 n’a pas épuisé le droit d’action publique (a), l’autre tient au fait, précisément, qu’il est de l’essence même des revirements de jurisprudence de rétroagir (b).

  1. a) Le droit d’action publique n’est pas épuisé par un arrêt d’incompétence de la juridiction

Dans notre article précité, publié dans la revue de droit africain, nous nous sommes interrogé pour savoir devant quelle juridiction pourra être portée la cause par l’accusation après que la Cour constitutionnelle s’était déclarée incompétente sans désigner qui était, à part elle, le juge naturel du prévenu Matata Ponyo pris dans ses fonctions d’ancien Premier ministre. Nous indiquions alors que la tentation du ministère public serait de renvoyer la cause devant la Cour de cassation conformément aux dispositions de l’article 153 alinéa 2 de la Constitution puisque le prévenu Matata Ponyo Mapon est devenu sénateur. Nous indiquions ensuite que cette solution ne nous paraît pas conforme au droit dans la mesure où Matata Ponyo Mapon aurait commis les infractions qui lui sont reprochées bien avant qu’il devienne sénateur.

Ainsi donc, à la suite de son arrêt d’incompétence, la Cour constitutionnelle établissait artificiellement deux catégories des Congolais : les anciens Présidents de la République et les anciens Premiers ministres qui échapperaient à toutes poursuites et les autres citoyens qui eux pouvaient subir la rigueur de la loi s’ils avaient commis les mêmes infractions. L’égalité des citoyens devant la loi était rompue par ceux qui doivent l’assurer !

C’est ainsi que, torturés par leur conscience pour l’iniquité de leur arrêt d’incompétence rendu le 15 novembre 2021 ; hués de partout par le peuple, moqués par leurs collègues des autres juridictions du pays, les juges de la Cour constitutionnelle se devaient de laver l’opprobre qu’ils se sont eux- mêmes jetée. Sans être dans le secret du bon Dieu, on ne peut pas douter de ce qu’une concertation entre le Procureur Général près la Cour constitutionnelle et celui près la Cour de cassation a été intense pour tenter de sauver les meubles. Ainsi donc, la Cour constitutionnelle étant dessaisie de l’affaire par l’effet de son arrêt d’incompétence, l’instance devait se poursuivre devant une autre juridiction.

L’habilité a consisté pour le parquet général près la Cour constitutionnelle de confier l’affaire au parquet général près la Cour de cassation qui aurait pour mission de poursuivre l’instance devant cette Cour, sachant à l’avance que cette dernière ne pouvait que se déclarer incompétente. C’était même le but recherché pour que l’affaire revienne par des voies détournées devant la Cour constitutionnelle. Mais la juridiction de renvoi étant tenue en principe par la décision de renvoi sur incompétence de la juridiction initialement saisie, la Cour de cassation a dû faire preuve de beaucoup d’ingénierie et d’imagination pour se débarrasser de l’affaire. Ce sont pourtant les avocats de la défense qui, sans se rendre compte et se douter de la supercherie entre les deux hauts parquets, allaient donner – sans qu’aucun grief ne leur soit fait à ce sujet – l’opportunité tant recherchée à la Cour de cassation. En effet, devant la Cour de cassation, les avocats de la défense ont repris le moyen d’incompétence qu’ils avaient préalablement soulevé devant la Cour constitutionnelle. Selon la défense, « la Cour de cassation n’était pas compétente au motif que les dispositions de l’article 164 de la Constitution ne concernent que le Président de la République ou le Premier ministre en fonction, d’une part, et d’autre part, qu’aucun texte législatif ne prévoit le mode de poursuite d’un ancien Président de la République ou d’un ancien Premier ministre».

C’est ainsi que par arrêt avant dire droit en date du 22 juillet 2022, la Cour de cassation a sursis à statuer dans la cause et saisit la Cour constitutionnelle pour l’examen de l’interprétation de la Constitution sur la portée exacte de ces deux expressions « dans l’exercice de ses fonctions et à l’occasion de l’exercice de ses fonctions » contenues dans l’article 164 de la Constitution. Requête en interprétation ou question préjudicielle pour une bonne administration de la justice ? Qu’importe, ce que l’on sait c’est que la Cour de cassation a transformé une exception d’incompétence soulevée par la défense en une exception d’inconstitutionnalité. Cette démarche de la Haute Cour est curieuse, puisque la Cour de cassation n’avait aucune raison de sursoir à statuer, dans la mesure où elle avait en main l’arrêt d’incompétence rendu par la Cour constitutionnelle le 15 novembre 2021. La Cour de cassation était donc apte de trancher l’exception d’incompétence soulevée devant elle.

Ce renvoi de la Cour de cassation fut une aubaine pour la Cour constitutionnelle qui va alors en profiter non seulement pour interpréter ces deux expressions, mais elle va aussi opérer un revirement de jurisprudence. On le sait, la Cour constitutionnelle s’est ainsi déclarée compétente pour connaître des infractions commises par un Président de la République ou un Premier ministre, en fonction ou ancien, dans l’exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions16. Par la suite, la Cour de cassation n’avait qu’à se déclarer incompétente – ce qu’elle savait d’avance – par arrêt en date du 26 avril 2023 en prenant appui sur le deuxième arrêt de la Cour constitutionnelle rendu le 18 novembre 2022.

La boucle était bouclée. Et l’étau se resserra de nouveau sur les prévenus Matata Ponyo et ses co-prévenus. En effet, si la Cour de cassation, qui se savait d’avance incompétente, avait rendu un arrêt d’incompétence sans renvoi avant dire droit à la Cour constitutionnelle, les poursuites contre Matata Ponyo étaient définitivement terminées. Pour deux raisons. La première, c’est que le deuxième arrêt de la Cour constitutionnelle n’aurait pas eu lieu, par voie de conséquence les choses seraient restées en l’état, c’est-à-dire figées par l’arrêt d’incompétence de la Cour constitutionnelle puisque cette dernière ne se serait pas autosaisie pour opérer son revirement de jurisprudence. La deuxième raison, c’est que, comme pour la Cour constitutionnelle, les arrêts de la Cour de cassation sont rendus en premier et en dernier ressort. Aucun recours n’aurait été possible.

La Cour constitutionnelle jugera les prévenus puisque le droit d’action publique n’est pas épuisé, car pour que le droit d’action publique soit épuisé, il ne doit plus rien rester à juger : soit que la juridiction de jugement a condamné le prévenu, soit qu’elle l’a acquitté. C’est donc la décision définitive d’acquittement ou de condamnation qui épuise le droit d’action publique. Ainsi, un arrêt d’incompétence en tant qu’il ne tranche pas le fond n’épuise pas le droit d’action publique du ministère public. Le ministère public peut donc poursuivre l’instance devant la juridiction compétente. Or, précisément, l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 18 novembre 2022 est venu déterminer le juge naturel de Matata Ponyo, pris en sa qualité d’ancien Premier ministre c’est-à-dire dans sa fonction de Premier ministre au moment des faits. Il s’agit de la Cour constitutionnelle elle-même dans la mesure où, comme nous l’indiquions dans notre article précité publié dans la revue de droit africain, la compétence d’une juridiction pénale se détermine au moment de la commission de l’infraction et non au moment des poursuites18.

La Cour constitutionnelle est donc fondée de reprendre les poursuites contre le prévenu Matata Ponyo puisque le droit d’action publique du ministère public n’était pas épuisé par son arrêt d’incompétence et qu’elle-même s’est reconnue compétente. Mais la Cour peut aussi, subsidiairement, reprendre les poursuites pour juger Monsieur Matata Ponyo puisque le revirement de jurisprudence est par essence rétroactive.

  1. b) La rétroactivité des revirements de jurisprudence

Selon Gérard Cornu, le revirement de jurisprudence peut se définir comme l’abandon par les tribunaux eux-mêmes d’une solution contraire qu’ils avaient jusqu’alors admise ; adoption d’une solution contraire à celle qu’ils consacraient ; renversement de tendance dans la manière de juger. Concrètement, le revirement de jurisprudence est l’adoption d’une solution contraire à celle qui était habituellement retenue par les tribunaux. C’est un changement de l’interprétation de la loi par le juge, sans la modifier. Par conséquent les revirements de jurisprudence sont l’œuvre des Hautes juridictions, à savoir la Cour de cassation pour l’ordre judiciaire et le Conseil d’Etat pour l’ordre administratif et, bien entendu, la Cour constitutionnelle. Contrairement aux juridictions de premier et second degré, les plus hautes juridictions n’examinent pas les faits de l’affaire mais s’assurent que les juges du fond ont appliqué la bonne règle de droit. C’est donc le devoir des plus hautes juridictions d’adapter leurs décisions au regard de l’évolution de la société. Ainsi, ces juridictions suprêmes n’étant pas tenues par la jurisprudence, peuvent estimer qu’une décision juridique contraire est préférable.

Il y a trois raisons principales qui justifient la rétroactivité de revirement de jurisprudence. La première c’est que, contrairement à la loi qui ne vaut que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif la jurisprudence peut rétroagir et s’appliquer aux situations passées ainsi qu’aux situations en cours puisqu’aucune loi n’interdit cette rétroactivité. Il en est de même des revirements de jurisprudence.

La deuxième raison a été donnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 26 mai 2011. Selon cette Cour, « nul n’a un droit acquis à une jurisprudence figée». En d’autres termes, un plaideur ne peut pas se prévaloir d’une jurisprudence devant une juridiction, car une jurisprudence n’est pas un droit. Ainsi, les prévenus Matata Ponyo et consorts n’ont pas un droit acquis tiré de l’arrêt d’incompétence rendu par la Cour constitutionnelle en date du 15 novembre 2021. L’autorité de la chose jugée dont ils bénéficiaient dudit arrêt ne valait que pour l’instance où cette Cour était initialement saisie et où elle s’était déclarée incompétente. Il ne s’agit donc pas d’une autorité de la chose jugée ad vitam aetemam puisque le fond n’était pas vidé. Dès lors que la juridiction que l’on peut considérer comme celle de renvoi, à savoir la Cour de cassation, s’est à son tour déclarée incompétente, et que, entre-temps la Cour constitutionnelle s’est déclarée compétente, les prévenus ne peuvent plus se prévaloir d’un droit acquis à la jurisprudence figée d’incompétence, car le revirement de jurisprudence produit un effet rétroactif.

Bien entendu, la rétroactivité des revirements de jurisprudence porte atteinte au principe de sécurité juridique nécessaire aux justiciables. C’est pour cette raison qu’il est généralement admis que la rétroactivité des revirements de jurisprudence ne s’opère pas lorsqu’elle contrevient au droit d’accès au juge et à un procès équitable d’une partie. Cette dérogation à la rétroactivité des revirements de jurisprudence au nom du droit d’accès au juge, et plus largement au droit à un procès équitable, a été fixée par la Cour européenne des droits de l’homme qui avait solennellement indiqué que « la prééminence du droit ne se conçoit guère sans la possibilité d’accéder aux tribunaux » et que « le droit d’accès constitue un élément inhérent au droit qu’énonce l’article 6 § 1 ». Par voie de conséquence, cette dérogation à la rétroactivité des revirements de jurisprudence a été adoptée par la Cour de cassation française. Plus explicitement, la Cour de cassation française a jugé que la solution nouvelle ne peut être rétroactivement appliquée à un litige né avant que celle-ci ne fut adoptée qu’à la condition que le justiciable ne se voie pas en conséquence privé de son droit à un procès équitable ou, de son droit d’« accès au juge ».

Ces règles de rétroactivité et de non rétroactivité des revirements de jurisprudence sont valables tant en matière civile que pénale. En effet, la jurisprudence pénale ne peut pas révoquer une sentence ayant la force de la chose jugée, même si survient un revirement de l’interprétation jurisprudentielle d’une disposition de la loi non abrogée ; car ce revirement ne produit aucun effet abrogatif de la disposition interprétée. Le juge n’abroge pas la loi, il n’en a pas la compétence, mais il l’interprète. La solution nouvelle ne peut donc être rétroactivement appliquée en matière pénale à un litige né avant que celle-ci fut adoptée qu’aux mêmes conditions qu’en matière civile, c’est-à- dire qu’à la condition que le justiciable ne se voie pas en conséquence privé de son droit à un procès équitable25 ou son droit d’accès au juge. Ceci est conforme à la spécificité du droit pénal qui admet la rétroactivité de la loi nouvelle plus douce. Si donc une loi pénale nouvelle plus douce peut rétroagir, à plus forte raison le revirement de la jurisprudence qui induit que la nouvelle interprétation de la loi par le juge est la meilleure que celle jusque-là adoptée.

Or, de bout en bout la Cour constitutionnelle n’a eu de cesse de justifier son revirement de jurisprudence, précisément par ce souci d’assurer à Matata Ponyo son droit d’accès au juge et à un procès équitable. Pour cette raison, le revirement de jurisprudence opéré par la Cour constitutionnelle en date du 18 novembre 2022, même s’il a été obtenu grâce à des subterfuges hautement critiquables, doit rétroagir.

La troisième raison de la rétroactivité des revirements de jurisprudence, outre qu’elle fait progresser un état de droit, tient au rôle interprétatif de la jurisprudence. Le juge est l’interprète de la loi. Or, si un revirement jurisprudentiel est opéré, cela signifie, comme dit précédemment, que le juge adopte une meilleure interprétation de la loi, une meilleure solution au cas d’espèce que celle jusque-là adoptée.

Pour toutes ces raisons, la Cour constitutionnelle pourra juger le prévenu Matata Ponyo au fond dans l’affaire de détournement des deniers publics concernant le dossier du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Et bien d’autres, à la condition expresse que les règles de procédure soient scrupuleusement respectées. Ces règles de procédure contre un Premier ministre – car Matata Ponyo sera poursuivi en cette qualité puisque les infractions qui lui sont reprochées ont été commises lorsqu’il était Premier ministre – prévoient une double démarche par le ministère public.

Le ministère public doit d’abord obtenir l’autorisation des poursuites du Parlement réuni en Congrès à la majorité des 2/3 (Assemblée nationale et Sénat). Une fois cette autorisation parlementaire obtenue, le Procureur général près la Cour constitutionnelle pourra commencer l’instruction à l’issue de laquelle, s’il y a charges suffisantes contre le prévenu, le ministère public doit, en second lieu, revenir au Parlement réuni en Congrès à la majorité des 2/3 (Assemblée nationale et Sénat) pour solliciter la mise en accusation du Premier ministre. Ce n’est qu’après cette double autorisation du Parlement que le ministère public pourra saisir la Cour constitutionnelle26.

L’autorisation du Bureau du Sénat ne suffit pas, de notre point de vue, pour poursuivre le prévenu Matata Ponyo puisqu’il n’est pas poursuivi en sa qualité de sénateur, mais bien en celle de Premier ministre au moment des faits. Par voie de conséquence, la procédure des poursuites contre un Premier ministre doit être strictement observée, à peine d’irrecevabilité. Et c’est à tort que d’aucuns objecteraient que ce formalisme ne s’appliquerait pas à un ancien Premier ministre, puisqu’il n’est plus en fonction. Or, la compétence de la Cour constitutionnelle à juger le prévenu Matata Ponyo tient précisément du fait que ce dernier était Premier ministre au moment des faits. Autrement dit, c’est cette seule qualité de Premier ministre au moment des faits qui justifie la compétence de la Cour constitutionnelle ; dans le cas contraire, c’est-à-dire si cette qualité n’était pas prise en compte, c’est la Cour de cassation qui serait bien compétente puisque Matata Ponyo est devenu sénateur. Mais cette dernière solution n’est pas admissible puisque les infractions mises à la charge de Monsieur Matata Ponyo ont été commises lorsque ce dernier occupait les fonctions de Premier ministre.

Biaise Eca Wa Lwenga, Docteur en Droit pénal et Sciences criminelles de l’Université Robert Schuman/France. Professeur et Ancien Vice-doyen chargé de la recherche à la Faculté de Sciences économiques/UPN Avocat à la Cour d’Appel de Metz/France

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