Arrivé le mercredi 23 octobre 2024 à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo où il va procéder, ce vendredi 24 octobre, à l’inauguration de nouvel aéroport de cette province, le Président de la République, Félix Tshisekedi n’a pas utilisé la langue de bois pour réitérer sa détermination à changer la Constitution du pays.
En effet, s’adressant à la population boyomaise, Félix Tshisekedi a déclaré urbi et orbi que la Constitution du 18 février 2006 qui régit le pays actuellement, issu du référendum de décembre 2005, n’est pas bonne. « Elle a été rédigée par les étrangers et n’est pas adaptée aux réalités du pays ». D’où, il a annoncé la convocation, l’année prochaine d’une commission multidisciplinaire qui se penchera sur la rédaction d’une nouvelle constitution adaptée aux réalités du pays.
Pour démontrer aux Boyomais les imperfections constatées dans l’actuelle constitution, Félix Tshisekedi parle de la validation de mandats des députés nationaux dont la procédure s’étale plusieurs jours alors que cela devrait se faire en deux jours.
Aussi, l’élection des gouverneurs des provinces qui se fait au second degré où les députés provinciaux se comportent comme des roitelets en déstabilisant le fonctionnement des institutions provinciales. Pour ce qui concerne le mandat du Président de la République, Tshisekedi a réfuté l’idée selon laquelle que cela dépend de lui mais plutôt du souverain primaire qui est le Peuple. Toutefois, Tshisekedi a mis un bémol en écartant l’idée de l’urgence de changement de la constitution. « Ce n’est pas une question d’urgence. L’année prochaine, une commission nationale comprenant plusieurs disciplines sera installée, pour réfléchir sur notre Constitution », a précisé Félix Tshisekedi.
Démarche entreprise
L’annonce de changement de la constitution par Félix Tshisekedi vient de rencontrer la démarche entreprise par son parti politique, l’union pour la démocratie et le progrès social dont le secrétaire général, Augustin Kabuya avait déjà instruit les sectionnaires de mobiliser les membres pour le changement de la constitution. Du côté de l’Union sacrée en général et des partis politiques alliés tels que l’UNC et Vital Kamerhe, le Mlc de Jean Pierre Bemba, en particulier, c’est le silence radio jusque-là. Aucune plateforme ou regroupement politique ne s’est encore prononcer en faveur de changement de la Constitution.
Toutefois, le débat sur le changement ou la modification de la constitution s’était déjà invité dans les états-majors des partis politiques et dans les milieux scientifiques au lendemain de la déclaration de l’Udps. Les experts en droit constitutionnel estiment que modifier la constitution n’aura pas d’implication sur la durée de mandat du Président de la République si on ne touche pas à l’article 220 dont certaines dispositions sont verrouillées.
Par contre, le changement de la constitution va totalement changer des choses. Cela suppose que la RDC disposera d’une nouvelle constitution. Par conséquent, le compteur sera remis à zéro. Le Président de la République qui est à son dernier mandat constitutionnel aura la possibilité de se représenter pour un nouveau mandat à la tête du pays. C’est ce que redoute l’opposition politique en accusant Félix Tshisekedi de vouloir se maintenir au pouvoir au-delà de son dernier mandat constitutionnel, à travers la démarche de vouloir à tout prix de changer la constitution.
Le refus catégorique de l’opposition et certaines organisations de la société civiles
La déclaration de Félix Tshisekedi en terre boyomaise sur le changement constitutionnel n’a pas laissé indifférente l’opposition politique et certaines organisations de la société civile. Des réactions ont fusé de partout pour dénoncer ce qu’ils qualifient des manœuvres de Félix Tshisekedi à vouloir se maintenir au pouvoir au-delà de son dernier mandat constitutionnel qui prend fin en 2028. Moïse Katumbi, le candidat malheureux au scrutin présidentiel de décembre 2023 n’a pas tardé à réagir. Selon lui, Félix Tshisekedi a trahi le peuple en qualifiant la constitution du 18 février des étrangers.
« La Constitution ne changera pas. Elle a été approuvée par le peuple, et aujourd’hui, Félix Tshisekedi traite ce peuple comme des étrangers ? Ça ne m’étonne pas. Je crois que Félix Tshisekedi n’était pas prêt à diriger la RDC », a déclaré Moïse Katumbi. Et d’ajouter : « Après six ans au pouvoir, il n’est toujours pas prêt à diriger la RDC, et même si on lui laissait 30 ou 40 ans au pouvoir, il ne serait toujours pas prêt », s’est exclamé l’ancien gouverneur du grand Katanga.
Pour Claudel-André Lubaya, un autre opposant, ce n’est pas la constitution que Tshisekedi veut changer. C’est le pays qu’il veut diviser et incendier par la rupture de notre pacte républicain. L’article 220 de la Constitution est non négociable : « La forme républicaine de l’État, le principe du suffrage universel, la forme représentative de gouvernement, le nombre et la durée des mandats du président de la République, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ». Ce principe intangible est un rempart contre toute tentative de personnalisation du pouvoir. Modifier la Constitution dans ces domaines reviendrait à violer non seulement la loi fondamentale, mais aussi la souveraineté du peuple congolais, source de tout pouvoir.
Pour sa part, Bienvenue Matumo, un militant de la Lucha, cette décision du président visant à prolonger son mandat au-delà de 2028, risque d’entraîner des tensions sociales et politiques, avec des conséquences sur la stabilité institutionnelle du pays.
« Cette logique procède à l’ouverture d’un champ de tensions sociales, de rhétorique politique virulente et radicale et d’actions (avec des manifestations et mobilisations qui vont s’organiser partout en RDC et dans la diaspora). Ces dernières auront des fortes incidences sur la stabilité des institutions et sur la manière de naviguer l’espace public, lieu indiqué pour le débat argumenté et de la controverse scientifique et politique », prévient ce militant de mouvement citoyen.
RSK