Félix Tshisekedi prié d’éviter son propre isolement diplomatique !

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Il n’a rien à gagner en se privant de la confiance des homologues qui le soutiennent et qui pourraient s’offusquer de ce qui passerait à leurs yeux pour une intransigeance de sa part…

 

En l’espace d’une semaine -soit du 8 février à Dar-es-Salam au 15 février 2025 à Addis-Abeba – on a assisté à un contraste saisissant avec, d’un côté, les succès diplomatiques engrangés par la RDC contre le Rwanda de Paul Kagame de plus isolé et, de l’autre, la prise de Goma et de Bukavu par la coalition RDF-M23-AFC.

Ainsi, en une semaine, les soutiens diplomatiques et militaires africains de la RDC ont fait le choix de décrocher. Pendant que la médiation angolaise (Processus de Luanda) a jeté l’éponge, le Malawi, l’Afrique du Sud et le Burundi ont cessé d’engager leurs troupes dans les opérations programmées pour sécuriser ces deux chefs-lieux du Kivu frontalier

 

Patate chaude dans le camp de la RDC

Pour rappel, la veille de son nouveau mandat de président en exercice de l’Union Africaine, Joao Lourenço s’est exprimé le 13 février 2025 par interview à Jeune Afrique en ces termes : « Les autorités congolaises ont conscience de la nécessité de parler à toutes les parties, y compris au M23. Et nous avons plaidé en ce sens auprès du président Félix Tshisekedi en rappelant notre propre exemple ».

Le même jour, le sud-africain Cyril Ramaphosa, s’adressant à son Parlement, a salué le résultat du sommet conjoint EAC-SADC. « Nous avons convenu que les négociations directes et le dialogue doivent reprendre entre tous les États parties ainsi que les parties non étatiques, y compris le M23. Maintenant, en tant qu’Afrique du Sud, nous avons insisté pour que les parties non étatiques soient également incluses, et que le M23, qui a maintenant envahi et pris le contrôle de Goma, doit également prendre part à ces négociations et à ce dialogue », a-t-il dit.

Pourtant, l’absence de ces deux pro-RDC au sommet conjoint EAC-SADC du 8 février 2025 a été considérée comme un désaveu de ce qui s’est fait à Dar es Salam. Douche froide : ils ont renvoyé la balle (l’autre dirait la patate chaude) dans le camp des Congolais !

 

Sur le terrain, c’est l’inverse qui se produit

Ce n’est pas tout. Le 15 février 2025, dans son discours à l’ouverture du 38ème sommet de l’Union africaine, le secrétaire général de l’Onu Antonio a affirmé qu’« en RDC, le peuple congolais souffre, une fois de plus, d’un cycle brutal de violence. L’impasse doit cesser. Le dialogue doit commencer. La souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC doivent être respectées ». C’est par ce moyen, va-t-il considérer, qu’on peut “éviter à tout prix une escalade régionale”, perspective redoutée déjà par Sassou N’Guesso à l’Ouest et Ndayishimine à l’Est du pays.

Dans la foulée, des gouvernements américains, européens et asiatiques ont dénoncé l’agression rwandaise, brandi des sanctions à l’encontre de Paul Kagame, sommé ce dernier à retirer ses troupes du sol congolais et enjoint la coalition M23-AFC à rentrer à point de départ (mont Sabinyo) sans pour autant indiquer si c’est du côté rwandais ou du côté ougandais, ou plutôt les deux.

Bien entendu, ils ont renouvelé le respect de l’intégrité territoriale de la RDC concomitamment avec celui de sa souveraineté.

Mais, sur le terrain, c’est l’inverse qui se produit en ce que plus la communauté internationale menace et condamne, plus la coalition M23-AFC “étend son espace”. Hier, c’était le Nord Kivu ; aujourd’hui le Sud Kivu.

 

« Cedant arma toga » ou « que les armes cèdent à la toge »

Y a-t-il du nouveau sous les cieux ? D’abord non. Ensuite oui.

D’abord non puisque c’est devenu un classique depuis la guerre de l’Afdl en 1996. La communauté internationale réagit de la même manière : respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC, retrait des troupes étrangères non invitées, injonction aux groupes armés à rentrer sur le point de départ, etc.

Mais, au final, ces groupes avancent jusqu’à ce qu’on impose un dialogue. Comme celui de Sun City avec le 1+4 prévoyant le mixage et le brassage, schéma accepté par tous les signataires. Pour l’Histoire, après avoir boudé Sun City I, l’Udps et le Rcd avaient imposé Sun City II.

Y a-t-il toujours rien de nouveau sous les cieux ? Cette fois oui puisqu’un Congolais, en la personne de Félix Tshisekedi, est en train de fissurer le “soft power” par lequel Paul Kagame, avec le concours de certains gouvernements étrangers et leurs multinationales, justifie son maintien aux affaires. Autant dire d’autres adversaires potentiels dont l’image est désormais écornée et les intérêts affectés.

A défaut d’utiliser des armes létales pour se venger, ces partenaires vont recourir à d’autres formes d’armements aux conséquences insoupçonnées pouvant se révéler terribles.

Certains chefs d’Etat amis, déçus de ce qui s’apparenterait à l’intransigeance de Félix Tshisekedi par rapport au dialogue qu’ils préconisent peut-être eux-mêmes, peut-être à la demande d’autres partenaires, pourraient, eux aussi, grossir le rang des mécontents.

Pas de naïveté : des partenaires africains comme l’angolais Lourenço, le sud-africain Ramaphosa, le burundais Ndayishimine, le malawite Chakwera, le zimbabwéen Mnangagwa, la tanzanienne Suluhu, le botswanais Duma Boko, le namibien Nangolo Mbumba, le zambien Hakainde, le congo-brazzavillois Sassou N’Guesso, le togolais Gnassingbé, et même le tchadien Mahamat Idriss pourraient ne plus ou ne pas s’engager aux côtés de Félix Tshisekedi dans la poursuite du schéma militaire.

Il en est de même des partenaires arabes comme le marocain Mohammed V, le saoudien Mohammed ben Salmane, le qatari Hamad ben Khalifa Al Thani, l’égyptien El Sisi. Certains sont impliqués dans le rachat des minerais du sang transitant par Kigali, d’autres sont dans des infrastructures en aménagement en territoire congolais.

D’ailleurs, pour avoir été facilitateur de l’Union africaine pour le différend éthiopien, égyptien et soudanais sur le barrage de la Renaissance et pour l’avoir été au nom de la CEEAC pour le conflit inter-tchadien, Félix Tshisekedi sait ce que coûte l’intransigeance de l’un ou l’autre des protagonistes.

Retenons déjà que les Occidentaux (Américains et Européens) ont leur façon de mettre la croix sur un chef d’État qu’ils veulent absolument détruire : procéder à l'”assassinat de la personnalité” via la médiatisation forte des abus constatés dans la gestion de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit, de même que dans des actes de détournements des deniers publics, de la corruption, etc. Ils l’ont fait avec Mobutu, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila. Ils sont déjà en train de le faire avec Félix Tshisekedi.

Bref, ce que l’on croit gagner en diplomatie, on le perd en crédibilité extérieure.

Résultat : on se réfugie dans le repli sur soi à l’international (isolement diplomatique) avec risque d’autarcie (isolement politique) qui déboucherait forcément sur l’isolement populaire.

Et là, dirait-on, « La boucle est bouclée ».

Moralité : Félix Tshisekedi doit éviter de mettre mal à l’aise les vrais mais de plus en plus rares partenaires qui lui veulent du bien en lui recommandant le dicton latin : « cedant arma togae » ou « que les armes cèdent à la toge ».

Énième occasion pour rappeler à sa personne la sagesse de l’amérindien Lee Iacocca : “Une décision que l’on prend trop tard devient une mauvaise décision”.

 

Omer Nsongo die Lema

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