Face à l’avancée de groupes rebelles, Alphamin a suspendu en mars les activités à sa mine d’étain Bisie en RDC. La compagnie, liée à des intérêts américains, prévoit désormais de relancer les opérations, dans un contexte de discussions avancées entre Washington et Kinshasa autour des minéraux.
Alphamin Resources a annoncé mercredi 9 avril la réouverture de la mine d’étain Bisie, située dans la province du Nord-Kivu en RDC. Avant cette confirmation de la compagnie, Massad Boulos, conseiller de Donald Trump pour l’Afrique, évoquait publiquement la veille, en marge d’une visite à Kigali, la reprise prochaine des activités à la mine. Cette implication au plus haut niveau de la politique américaine n’est pas anodine : elle révèle des intérêts stratégiques, tant financiers que commerciaux, au cœur de la relance de cette mine congolaise.
Premier maillon de cette chaîne d’influence, le fonds d’investissement Denham Capital. Basé à Londres et à Boston, il détient plus de 57 % du capital d’Alphamin Resources. Spécialisé dans les métaux critiques et les infrastructures durables, Denham finance des projets qui alimentent la transition énergétique mondiale, notamment en dehors des sphères d’influence chinoise. À l’annonce de la réouverture de la mine, l’action Alphamin a bondi à la Bourse de Toronto, clôturant la séance du 9 avril en hausse de 28 %. À la clé, une meilleure valorisation de la participation de Denham Capital dans l’entreprise.
Second relais d’influence américaine, Gerald Metals, négociant de matières premières et client unique d’Alphamin. Société basée à Londres, mais historiquement très active aux États-Unis, Gerald Metals commercialise l’intégralité de la production de Bisie, en lien avec des industries de haute technologie et d’électronique, grandes consommatrices d’étain.
Au-delà des considérations sécuritaires locales, Bisie s’inscrit dans une dynamique mondiale de compétition pour l’accès aux métaux critiques. À elle seule, la mine a représenté 6 % de l’offre mondiale d’étain extrait en 2024. Une part importante donc, surtout à un moment où la mine de Man Maw au Myanmar, une des principales sources d’étain au monde, peine à redémarrer après des mois de suspension.
Rappelons que la reprise des opérations à Bisie s’explique par l’éloignement des rebelles à plus de 130 km de la mine. Une nouvelle dégradation de la situation sécuritaire pourrait à nouveau compromettre la continuité des opérations, puisque c’est l’avancée de groupes armés dans l’est de la RDC qui avait conduit Alphamin Resources à suspendre ses activités en mars dernier.
Alors que la stabilité à Bisie est cruciale pour les intérêts américains, il reste à savoir si cet épisode préfigure un engagement plus direct de Washington en RDC. La Maison-Blanche discute actuellement avec Kinshasa d’un accord permettant aux États-Unis de contribuer à la sécurité dans l’est du pays, en échange d’un accès privilégié aux minéraux critiques congolais.
Emiliano Tossou