Message du Saint-Père aux participants de l’Assemblée des parties de l’Organisation internationale du droit du développement (OIDD)
Voici le message envoyé par le Saint-Père aux participants de l’Assemblée des Parties de l’OIDD (Organisation internationale de droit du développement), qui s’est tenue le 28 novembre à Rome au ministère des Affaires étrangères :
Madame la Directrice générale,
Monsieur le Président,
Vos Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs :
J’ai accepté avec plaisir l’invitation qui m’a été faite par Madame la Directrice générale, au nom de l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD), de m’adresser au Forum de partenariat à l’occasion du quarantième anniversaire de sa création. Je souhaite adresser mes salutations les plus chaleureuses à tous les participants de cette importante réunion, en priant pour que ses délibérations portent des fruits qui renforceront les liens entre les peuples, sauvegarderont notre maison commune et protégeront les droits de ceux dont la dignité est bafouée.
Depuis quatre décennies, cette institution intergouvernementale se consacre à la promotion de l’État de droit afin de faire progresser la paix et le développement durable, en encourageant diverses initiatives visant à rendre la justice accessible à tous, en particulier aux plus défavorisés de la société. L’adhésion au principe d’égalité devant la loi, la prévention de l’arbitraire, la promotion de la responsabilité et la garantie de la transparence, la défense de la participation équitable au processus décisionnel, la sauvegarde du principe de sécurité juridique et le respect des procédures, tant du point de vue matériel que procédural, sont autant de valeurs et de critères indispensables qui découlent du concept général d’État de droit et qui, s’ils sont mis en œuvre, ont le pouvoir de conduire à l’accomplissement de la justice. La justice, rappelons-le, est la condition sine qua non pour parvenir à l’harmonie sociale et à la fraternité universelle dont nous avons tant besoin aujourd’hui. Elle est aussi la vertu nécessaire à la construction d’un monde où les conflits seraient résolus pacifiquement, sans que le droit du plus fort l’emporte, par la force du droit.
Malheureusement, nous sommes loin d’atteindre cet objectif. Dans l’environnement complexe et difficile dans lequel nous vivons, marqué par de graves crises interconnectées, la montée des confrontations violentes, les effets de plus en plus néfastes du changement climatique, la corruption et les inégalités sont douloureusement évidents. Il est donc plus urgent que jamais de plaider en faveur d’une justice centrée sur les personnes afin de renforcer les sociétés pacifiques, justes et inclusives.
L’État de droit ne souffre jamais de la moindre exception, même en temps de crise. Car l’État de droit est au service de la personne humaine et vise à protéger sa dignité, ce qui ne souffre aucune exception. C’est un principe. Cependant, ce ne sont pas seulement les crises qui menacent les libertés et l’État de droit au sein des démocraties. En effet, une conception erronée de la personne humaine se répand de plus en plus, conception qui affaiblit sa protection même et ouvre progressivement la porte à de graves dérives sous couvert du bien.
En effet, seule la loi peut constituer le préalable indispensable à l’exercice de tout pouvoir, ce qui implique que les instances gouvernementales responsables veillent au respect de l’État de droit, quels que soient les intérêts politiques dominants. Lorsque le droit est fondé sur des valeurs universelles, telles que le respect de la personne humaine et la protection du bien commun, l’État de droit est fort, les personnes ont accès à la justice et les sociétés sont plus stables et plus prospères. Inversement, sans la paix et la justice, aucun des défis susmentionnés ne peut être relevé. N’oublions pas que « tout est lié. La préoccupation pour l’environnement doit donc s’accompagner d’un amour sincère pour nos semblables et d’un engagement inébranlable pour résoudre les problèmes de la société » (Lettre encyclique Laudato si’, n° 91).
L’État de droit peut jouer un rôle essentiel dans la résolution des crises mondiales en renouvelant la confiance dans la gouvernance publique et sa légitimité, en combattant les inégalités, en promouvant le bien-être des personnes, en favorisant la sauvegarde de leurs droits fondamentaux, en encourageant leur participation adéquate à la prise de décision et en facilitant l’élaboration de lois et de politiques qui répondent à leurs besoins réels, contribuant ainsi à créer un monde où tous les êtres humains sont traités avec dignité et respect.
Je salue l’engagement de l’OIDD à faire progresser la justice climatique et à améliorer la gouvernance foncière et l’utilisation durable des ressources naturelles. C’est aussi la voie vers un monde plus juste et plus pacifique.
Le changement climatique est une question de justice intergénérationnelle. La dégradation de la planète empêche non seulement une coexistence sereine et harmonieuse dans le présent, mais elle compromet également le progrès global des générations futures. « Il est indubitable que l’impact du changement climatique portera de plus en plus préjudice à la vie et aux familles nombreuses. Nous en ressentirons les effets dans les domaines de la santé, des sources d’emploi, de l’accès aux ressources, du logement, des migrations forcées, etc. » (Exhortation apostolique Laudate Deum, n° 2). La justice, les droits de l’homme, l’équité et l’égalité sont fondamentalement liés aux causes et aux effets du changement climatique. En appliquant à l’action climatique une approche fondée sur la justice, nous pouvons apporter des réponses holistiques, inclusives et équitables.
La corruption érode les fondements mêmes de la société. En détournant les ressources et les opportunités de ceux qui en ont le plus besoin, la corruption exacerbe les inégalités existantes. C’est pourquoi des campagnes de sensibilisation sont nécessaires pour encourager une plus grande transparence, une plus grande responsabilité et une plus grande intégrité partout, jetant ainsi des bases solides pour la construction d’une société juste et vertueuse. C’est dans la petite enfance que sont semées les graines de l’intégrité, de l’honnêteté et de la conscience morale, favorisant ainsi une société où la corruption ne trouve pas de terrain fertile pour s’enraciner.
Enfin, il est essentiel de continuer à prendre des mesures pour tendre la main aux plus pauvres, aux plus marginalisés et aux plus vulnérables, qui n’ont souvent personne pour parler en leur nom et qui se trouvent rejetés et exclus. Nous devons veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte, en particulier les femmes, les peuples autochtones et les jeunes, qui s’efforcent de faire en sorte que leurs propositions trouvent un espace et une voix dans le présent afin de pouvoir envisager l’avenir avec confiance.
Vos Excellences, je suis sûr que des réunions comme celle-ci servent à garantir que les systèmes judiciaires qui défendent la primauté de la dignité de la personne humaine sur tout autre type d’intérêt ou de justification continueront à être renforcés à notre époque. Dans cette noble cause, le Saint-Siège, fidèle aux paroles du Christ qui a dit : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, heureux les artisans de paix » (Mt 5, 6.9), se tient aux côtés de tous ceux qui s’efforcent de renforcer l’État de droit, les droits de l’homme et la justice sociale, afin que leurs efforts ouvrent de nouvelles voies d’espérance vers un avenir plus solidaire, plus juste et plus serein pour toutes les nations de la terre.
Cité du Vatican, 28 novembre 2023
François