La croissance en Afrique subsaharienne s’est ralentie pour atteindre un taux estimé à 2,9 % en 2023, soit 0,3 point de pourcentage de moins que ce qui était prévu en juin. Dans les trois plus grandes économies de la région – le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Angola – la production a fléchi et s’est établie en moyenne à 1,8 % l’année dernière, ce qui a freiné la croissance globale de la région.
Dans les autres pays, la croissance a reculé à 3,9 %, reflétant en partie une forte baisse de la performance des exportateurs de métaux et une diminution des prix des métaux au niveau mondial. En outre, des conflits intenses et prolongés ont entravé la croissance dans plusieurs économies. Plus généralement, les reprises après la pandémie ont été freinées par l’affaiblissement de la demande extérieure et le resserrement des politiques nationales visant à lutter contre l’inflation persistante.
Au Nigéria, plus grande économie d’Afrique subsaharienne, la croissance a marqué le pas pour atteindre un taux estimé à 2,9 % en 2023. Le recul de la bonne tenue des services est en partie dû à une politique de démonétisation déroutante, qui a consisté à remplacer les anciennes grosses coupures en naira par des billets redessinés à partir de décembre 2022, avant de faire marche arrière en novembre 2023. En revanche, la production annuelle de pétrole a augmenté après les baisses précédentes. L’Afrique du Sud a connu un nouveau déclin de sa croissance – estimée à 0,7 % en 2023 –, attribué au resserrement de la politique monétaire, à l’impact de la crise énergétique et aux goulets d’étranglement dans les transports.
La croissance en Angola s’est affaiblie pour s’établir à un taux estimé à 0,5 %, l’arrivée à maturité des champs pétrolifères contribuant à la baisse de la production de pétrole, ce qui a entraîné une diminution des recettes et une réduction des dépenses publiques.
L’inflation des prix à la consommation en Afrique subsaharienne s’est modérée en 2023 après les fortes hausses des cours mondiaux des denrées alimentaires et de l’énergie en 2022, mais elle est restée importante. Le coût de la vie demeure élevé, ce qui a aggravé les difficultés économiques des pauvres et augmenté l’insécurité alimentaire dans toute la région.
Perspectives
La croissance en Afrique subsaharienne devrait s’accélérer pour atteindre 3,8 % en 2024 et se raffermir encore à 4,1 % en 2025, à mesure que les pressions inflationnistes s’estomperont et que les conditions financières s’assoupliront. Les projections régionales pour 2024 et 2025 ne changent guère par rapport à celles de juin, mais ces agrégats masquent un mélange de révisions à la hausse et à la baisse en fonction des pays. Alors que la croissance des premières économies de l’Afrique subsaharienne devrait être inférieure à celle du reste de la région, les pays moins pourvus en ressources devraient maintenir un taux de croissance supérieur à la moyenne régionale.
Si l’on exclut les trois plus grandes économies, la croissance dans la région devrait s’accélérer, passant de 3,9 % en 2023 à 5 % en 2024, puis se renforcer encore pour atteindre 5,3 % en 2025. Même si, a priori, les exportateurs de métaux se relèveront du recul de leur croissance en 2023, les révisions à la baisse concernent toujours essentiellement ces pays, la faible progression persistante de la demande de la Chine représentant sans doute un frein à l’activité.
En moyenne, le revenu par habitant en Afrique subsaharienne devrait tout juste augmenter de 1,2 % cette année et de 1,5 % en 2025. En 2025, le PIB par habitant d’environ 30 % des économies de la région, totalisant une population de plus de 250 millions de personnes, n’aura pas complètement retrouvé son niveau antérieur à la pandémie. Cela signifie que ces économies auront perdu plusieurs années dans la progression du revenu par habitant.
Risques
La balance des risques penche négativement sur les perspectives régionales. Il s’agit notamment d’une aggravation de l’instabilité politique et de la violence, comme l’intensification du conflit au Moyen-Orient, de perturbations du commerce et de la production mondiale ou locale, d’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques défavorables, d’un ralentissement économique mondial plus marqué que prévu et d’un risque plus élevé de défaillance des gouvernements.
Une escalade du conflit au Moyen-Orient pourrait exacerber l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne. En effet, non seulement une hausse durable des prix du pétrole induite par le conflit augmenterait les prix des denrées alimentaires en renchérissant les coûts de production et de transport, mais elle pourrait aussi perturber les chaînes d’approvisionnement. Bien que les prix mondiaux de l’alimentation et de l’énergie aient reculé par rapport aux sommets atteints en 2022, des perturbations du commerce et de la production au niveau mondial ou local pourraient relancer l’inflation des prix à la consommation, et en particulier de ceux des denrées alimentaires, dans l’ensemble de la région.
De tels désordres, en particulier dans les secteurs minier et agricole, pourraient être provoqués par des phénomènes météorologiques extrêmes liés en partie au changement climatique. Une nouvelle intensification des conflits violents risque de faire chuter la croissance en dessous du niveau de référence et entraîner des crises humanitaires prolongées dans bon nombre des pays économiquement les plus vulnérables d’Afrique subsaharienne. Enfin, la forte augmentation des coûts du service de la dette publique dans de nombreuses économies de la région depuis la pandémie a renforcé la nécessité d’en réduire le niveau, en particulier dans les pays lourdement endettés.