Lors d’une réunion à Kinshasa ce lundi 05 février 2024, le Conseil Supérieur de la Défense de la République Démocratique du Congo (RDC) présidée par le chef de l’État, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, et qui a rassemblé les membres du gouvernement, un appel pressant a été émis en faveur de la levée du moratoire sur la peine capitale, spécifiquement pour les affaires de trahison au sein des Forces de Défense et de Sécurité. Cela après que la peine de mort ait été suspendue depuis 2003.
Le moratoire ou suspension temporaire de l’application de la peine de mort, avait été adopté en 2003 par souci du caractère sacré de la vie. Ainsi, depuis 2003, la peine de mort n’a plus été appliquée en RDC bien que les tribunaux congolais continuent toujours à prononcer la condamnation à mort. De ce fait, actuellement la peine capitale est automatiquement commuée en peine de prison à vie.
Il est donc à noter que la RDC est abolitionniste de facto, ce qui signifie qu’elle n’a pas officiellement aboli la peine de mort, mais qu’elle ne l’applique plus en pratique. La dernière exécution a eu lieu en 2003, et depuis lors, aucune autre n’a été réalisée.
Donc, bien que la peine de mort soit toujours inscrite dans la législation congolaise, elle n’est plus appliquée en pratique, et la tendance est vers l’abolition complète.
Les motivations d’un moratoire
En abolissant explicitement la peine de mort, la RDC s’est pliée à certaines exigences morales et des contraintes de droit de l’Homme. Certaines personnes estiment que la peine de mort viole les droits les plus fondamentaux de l’être humain à savoir: le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Constitution congolaise en vigueur sacralise ce droit dans son article 16 ainsi que dans l’article 61 qui prohibe toute dérogation à ce droit, même en cas d’état de siège ou d’urgence. Malgré ces articles et un moratoire de fait que connaît la République démocratique du Congo (RDC) depuis 2003, la peine de mort est toujours présente dans la législation nationale. Entre 2016 et 2018, au moins 155 personnes ont été condamnées à cette peine, amenant à plus de 500 le nombre de condamnés à mort. Elles sont principalement prononcées pour association de malfaiteurs, meurtre ou assassinat, vol à main armée ou encore participation à un mouvement insurrectionnel.
Pour les autorités congolaises, le maintien de cette peine se justifie jusqu’à présent par le très haut niveau d’insécurité dans l’est du pays. En effet, les divers massacres que d’aucuns qualifient de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y sont fréquents. C’est à ce titre, et à des supposées fins dissuasives, que les tribunaux militaires condamnent à mort, entre autres, les membres des milices.
Il sied néanmoins de considérer le fait que le droit international n’est pas favorable à la peine de mort, quelles que soient les circonstances. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998, que la RDC a ratifié, prévoit, dans son article 77, la servitude pénale de trente ans au plus ou à perpétuité pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.
L’abolition de la peine de mort est donc en progression constante depuis de nombreuses années, si bien qu’à ce jour une très grande majorité de pays ont aboli la peine capitale en droit (114 pays) ou en pratique (34), ce qui représente les trois quarts des pays dans le monde. Avec 22 Etats ayant aboli la peine de mort, l’Afrique connaît une évolution sans précédent depuis 2009 et se présente comme le prochain continent abolitionniste. En outre, 90 % des 29 membres africains de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et 83 % des Etats africains membres du Commonwealth sont en situation de moratoire ou sont abolitionnistes. En Afrique centrale, 7 Etats sont abolitionnistes, 5 en moratoire de fait (dont la RDC) et 1 seul reste toujours rétentionniste. Une minorité de pays africains, principalement en Afrique de l’Est, maintiennent encore la peine capitale et l’appliquent.
Willy Makumi Motosia