«Les incidences des innovations de la loi électorale de 2006, telles que modifiées, sur l’activité du juge constitutionnel en tant que juge électoral », c’est le thème qu’a exploité M. Dieudonné Kamuleta, président de la Cour Constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature. C’était à l’occasion de la rentrée judiciaire de la Cour Constitutionnelle, exercice 2023-2024 samedi au cours d’une audience foraine au Palais du peuple, en présence du magistrat suprême, Félix Tshisekedi, et des chefs d’institutions du pays. Cette cérémonie tombe à pic, car elle intervient près de deux mois de la tenue des élections générales de décembre 2023. Mais bien avant, l’assistance avait suivi avec attention l’allocution du Bâtonnier de l’ordre national des avocats et la Mercuriale du Procureur général près la Cour Constitutionnelle.
Dans son exposé, le président de la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta Badibanga, a expliqué que «ce choix est validé par le souci de baliser le chemin au vu des échéances électorales de décembre 2023». La Cour, dit-il, vient d’examiner les recours sur les candidatures pour les législatives et s’apprête à aborder les contentieux, si contentieux il y a, des candidatures pour la présidentielle.
Il s’agira, précise Dieudonné Kamuleta, de mettre en évidence les différentes innovations apportées par la réforme électorale de 2022 et leurs incidences sur l’activité du juge électoral, particulièrement la Cour constitutionnelle.
Le président de la Cour constitutionnelle rappelle qu’après avoir identifié la contestation de la légitimité des institutions, et de leurs animateurs comme cause fondamentales des crises politiques et sécuritaires qu’a connue la Rdc depuis son indépendance, le 30 juin 1960 jusqu’au début des années 2000, le constituant de 2006 s’est résolu de mettre en place un nouvel ordre politique basé sur l’instauration d’un Etat de droit démocratique qui repose sur les principes fondamentaux permettant à la fois la source populaire des pouvoirs publics, l’organisation de ces pouvoirs et la protection des droits et libertés.
Selon Kamuleta, l’élection est pour ce faire la voie indiquée pour accéder au pouvoir et par laquelle un corps électoral confère un mandat à un ou plusieurs personnes qu’il choisit par son vote.
Le juge du contentieux des élections présidentielle et législatives a ainsi brossé les différentes innovations apportées par la réforme du 29 juin 2022, particulièrement celles avec incidences sur le traitement du contentieux des candidatures, et aussi analysé quelques points marquants de la jurisprudence de la Cour en dehors des innovations de la loi électorale.
Les innovations législatives dans le cadre du contentieux des candidatures
Parmi les nombreuses innovations législatives apportées par la réforme du 29 juin 2022, le président de la Cour constitutionnelle a cité des cas d’inéligibilités définitives et temporaires, la prise en compte de la dimension genre dans la constitution des listes électorales, le seuil de recevabilité des listes au prorata des 60% des sièges en compétition, et l’interdiction de cumuler l’exercice de fonctions de la Commission électorale nationale indépendante avec une activité politique.
Donnant l’exemple d’inéligibilité définitive, Dieudonné Kamuleta explique que les personnes condamnées par des décisions judiciaires irrévocables pour crimes de guerre, génocide et crimes contre l’humanité sont définitivement inéligibles et ne peuvent accéder à une fonction politique élective. Dans ce cas la cour ordonne à la CENI de retirer la candidature d’une telle personne des listes du parti ou regroupement qui l’a alignée. La cour annule donc la décision de la CENI qui a déclaré recevable ladite candidature.
Le président de la Haute cour a également évoqué des cas d’inéligibilité temporaire résultant de la condamnation judiciaire irrévocable du chef notamment d’infractions de corruption, de détournement des deniers publics ainsi que de banqueroute. Pour les deux premières, précise-t-il, le législateur prévoit généralement comme peine l’interdiction pour cinq ans au moins et dix ans au plus après l’exécution de la peine du droit de vote et du droit d’éligibilité. L’inéligibilité temporaire cesse lorsque la cause n’existe plus. Ainsi la personne concernée recouvre son droit de vote et d’éligibilité.
Lors du traitement du contentieux des candidatures, le juge électoral vérifie les motifs justifiant la recevabilité ou l’irrecevabilité de la candidature contestée.
Respect de la procédure en matière de contentieux électoral
L’autre grand moment de cette rentrée judiciaire, était la mercuriale du Procureur général près cette juridiction, Mukolo Nkokesha, qui a traité des « causes d’irrecevabilité dans le contentieux électoral.» Il appelé au respect strict de la procédure en matière de contentieux électoral.
Selon le PG, « l’aboutissement de toute action en contestation reste largement tributaire de l’observance stricte de la procédure ». Il a cité comme principales causes d’irrecevabilité le défaut de qualité du requérant, le non-respect des formes prescrites et le non-respect du délai.
Concernant la qualité, le candidat doit prouver le paiement de la caution sous peine d’irrecevabilité de sa candidature. Le parti politique doit quant à lui présenter ses statuts et documents attestant de son agrément. Pour le contentieux de candidatures, le délai est de 5 jours après la publication de la liste provisoire pour les législatives et de 48h pour la présidentielle.
Le PG a souligné l’importance pour les requérants de respecter les éléments à fournir dans la requête. Ces appels interviennent à des deux mois des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales de décembre 2023.
Nécessité du recrutement sur concours des conseillers référendaires
Auparavant, le bâtonnier de l’ordre des avocats a plaidé pour le recrutement des conseillers référendaires.
Il se dégage de son allocution que les conseillers référendaires sont des véritables assistants dans l’étude des dossiers. Leur mission est juridictionnelle. Les conseillers référendaires ne sont pas à confondre aux membres de cabinet des juges.
Ceci ne peut pas justifier la non-installation de ce corps. Est-ce que le rôle du cabinet n’est pas le même au travail des conseillers référendaires ?, se demande-t-il. A l’en croire, les conseillers sont nommés par ordonnance, tandis que les membres du cabinet les sont par chaque juge.
Comme le recrutement des conseillers référendaires tarde, mentionne-t-il, il faut reconnaître que ceci exige un budget conséquent. Ainsi, il est souhaitable d’organiser le concours de recrutement des conseils référendaires. Le recrutement sur concours sous-entend une sérieuse sélection pour ne retenir que les plus méritants. Ce recrutement est d’une impérieuse nécessité.
Soulignons que la Cour constitutionnelle bénéficie de l’expertise des conseillers référendaires. Ne pas installer le corps des conseillers référendaires, c’est méconnaître la loi. « Je suis d’avis que si le corps des conseillers référendaires n’était pas nécessaire, le législateur ne l’aurait pas créé. Je plaide pour le recrutement sur concours des conseillers référendaires », martèle-t-il.
JMNK