Retour sur la Constitution de la République

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Ayant déjà défrayé la chronique voici bientôt une décennie, le débat sur la nécessité ou pas de réviser la Constitution de notre pays est à nouveau relancé. La réponse du Président de la République à la question d’un compatriote au cours de sa rencontre avec la diaspora congolaise lors de son récent séjour européen en serait le détonateur.

 

Par souci de précision, rappelons ici les propos du Chef de l’Etat : « Ne faites pas de moi un dictateur, Cette démarche ne relève pas seulement de mes compétences, mais plutôt de la population à travers ses représentants à l’Assemblée nationale… Je mettrai en place une commission qui réfléchira sereinement sur comment nous doter d’une Constitution digne de notre pays »

 

La virulence des arguments qui fusent de part et d’autre révèle que la chamaillerie en cours ne concerne que superficiellement la loi fondamentale. La confrontation vient tout simplement étaler une fois de plus aux yeux du monde que nous demeurons réellement enfermés dans une société de défiance ; dans laquelle tout débat est systématiquement transformé en antagonisme irréconciliable. En effet, il existe de moins en moins de confiance parmi nous. Or, la démocratie, par plusieurs de ses aspects, exige un minimum de confiance  réciproque, sans quoi elle est inopérante !

 

Comment comprendre que, pour animer un débat concernant la consolidation de la Nation et l’organisation à mettre en place afin de garantir la stabilité et le bon fonctionnement des institutions démocratiques,  nous mettons une telle énergie à nous confronter passionnément sur les bénéfices politiciens que les uns et les autres pourraient tirer à court ou à moyen terme ?

 

Il convient de rappeler que la Constitution présente des principes, des droits et devoirs impersonnels et neutres opposables à tous et garantissant le bon fonctionnement des institutions ainsi que la coexistence paisible entre les citoyens.

 

Les élites politiques congolaises ne sont-elles pas capables d’aborder un texte objectivement, en fonction de ses propres qualités et défauts, sans penser à vouloir en faire un instrument pour barrer la route à tel ou préparer le chemin de tel autre ?

 

La Constitution n’est pas un texte magique, intouchable ou intangible ; d’ailleurs elle prévoit elle-même aux articles 218 et suivants les conditions de sa propre révision.

 

Il s’impose d’accepter que la Constitution du 18 février 2006 a largement montré ses limites. Les observateurs relèvent notamment qu’elle n’a pas su ressouder la Nation selon les espoirs suscités au « dialogue inter-congolais » de SUN CITY, puisque les rébellions ont été réactivées. Aujourd’hui comme hier, les arguments ou prétextes avancés sont de même nature. La décentralisation qui promettait monts et merveilles s’avère difficile à mettre en place ; en effet, la gouvernance locale n’a pas entraîné la moindre  esquisse de développement de nos contrées. La question de l’architecture générale et de l’équilibre  des institutions s’invite encore et toujours au débat ; comme beaucoup d’autres thèmes qu’il ne serait pas possible d’inventorier dans ces quelques lignes.

 

Je ne doute pas que les Congolaises et Congolais pourraient intellectuellement et sereinement analyser, sans arrières pensées politiciennes, les obstacles qui empêchent le pays d’avancer et de proposer des solutions adéquates. C’est dans cette optique là que nous devrions aborder le débat actuel. Pourquoi nous ne le faisons pas ?

 

Ne nous illusionnons pas, la Constitution actuelle n’explique pas à elle seule nos incapacités passées ou présentes, mais elle n’aide pas – ce qui devait être son rôle – à les résoudre. Voilà en quoi consiste le problème !

 

Puisque j’y pense, pardonnez-moi de poser quelques questions simples à nos compatriotes qui sacralisent le texte du 18 février 2006.

 

Avec la guerre d’agression que nous subissons actuellement, les Congolais sont-ils prêts à maintenir l’article 217 sur l’éventualité de l’abandon, même partiel, d’une partie de leur territoire ?

 

Qui ignore l’opinion du peuple sur l’actuelle gouvernance des provinces par les originaires ?

 

Qui peut honnêtement rester indifférent aux critiques que formule le peuple sur la multiplication inconsidérée des partis politiques ?

 

Qui peut prétendre, sans gêne, que le népotisme que nous expérimentons depuis un certain temps est conforme aux idéaux démocratiques ?

 

Qui peut considérer que la corruption à ciel ouvert à laquelle  nous avons assistée contribue à valoriser la démocratie ?

 

A la vue des vols et détournements colossaux et répétitifs des fonds publics qui ne cessent de prendre de l’ampleur chez nous, ne devrions-nous pas penser à mentionner le caractère particulièrement grave de ce fléau dans la Constitution et en conséquence reformer notre droit pénal en instaurant une nouvelle hiérarchie des crimes et délits ?

 

Ne faudrait-il pas, par la Constitution, empêcher les inacceptables cumuls de mandats électifs observés lors des dernières élections ?

 

Sans être exhaustives, les quelques questions ci-dessus posées devraient convaincre les partisans de la sacralisation de la Constitution du 18 février à reconsidérer leur attachement.

 

De plus, il serait souhaitable que nos brillants constitutionalistes – attachés au copier-coller – sortent de leur complexe vis-à-vis de l’imagination scientifique occidentale.

 

Dans ce débat sur la Constitution, rappelons-nous que nous avons un vécu, une histoire, une culture et des problèmes particuliers.  Tâchons d’en tenir compte afin que notre loi fondamentale  soit la réponse à nos préoccupations propres et non pas seulement une tentative de se conformer aux grandes tendances de l’intelligentsia occidentale mondialisée. Lorsque certains constitutionalistes sérieux parlent de contextualisation, à quoi pensent-ils  si ce n’est à ceci ?

 

Parfois ; il serait sage de se poser la question de savoir si, en dépit de l’incontestable importance du débat sur la Constitution, les intellectuels congolais ne devraient plutôt plus analyser et réfléchir sur les changements que nous devrions apporter à la culture qui détermine et gère nos comportements depuis 1960 en tant que vision du monde, choix des valeurs et manières d’appréhender les relations entre les nations ?

 

Merci

Jean-Pierre Kambila Kankwende

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