Si on déverrouille ce qui est verrouillé, quelle disposition verrouillée contiendra la Constitution made in Udps ?

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Louis D’Or Balekayi a réuni récemment pour son émission sur Canal +366 quatre debaters autour du thème ” POUR OU CONTRE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE EN RDC?” : abbé José Mpundu de l’archidiocèse de Kinshasa, Pr Photios Kipambala de l’Unikin, politologue Usn Mfumu Toto Basanga et Me Richard Mpinda de l’Udps. intéressante passe d’armes, en plein débat, entre alliés de l’union sacrée de la nation. Lorsque Mfumu Toto déplore la non-tenue d’une concertation en interne avant la médiatisation de l’initiative, Mpinda en fait entrevoir la possibilité peut-être pendant qu’ils sont en plein échange sur le plateau. Lorsque Mfumu Toto tente de décréter l’illégitimité de la Constitution actuelle au motif de ne pas être l’oeuvre des législateurs élus et de publication de la loi référendaire après le référendum proprement dit, Mpinda le rattrape rapidement en lui faisant remarquer qu’un tel argument ôte au Président de la République non seulement son mandat, mais aussi le droit d’actionner l’article 218 en tant que initiateur de la révision de la Constitution. Première remarque : contrairement à ses propos, la loi référendaire n°05/010 du 22 juin 2005 portant organisation constitutionnel en République Démocratique du Congo avait été promulguée six mois avant la tenue de cette échéance. Cette vidéo, vivement recommandée aux debaters qui se mobilisent autour de re-visitation de la loi fondamentale, n’est cependant pas le sujet de la chronique.

Les dispositions verrouillées ne sont pas une intention congolaise

Le sujet de la chronique est l’usage du *verrou* dans la Constitution. Les termes verrouillage, verrouillé, déverrouillage, déverrouillé etc sont les dérivés du verrou.

Il est d’emblée utile de le préciser : les dispositions verrouillées ne sont pas une invention congolaise. On les trouve par exemple dans la Constitution de la France et dans celle des États-Unis.

En France, il s’agit de l’alinéa 5 de l’article 89 ainsi formulé : _”La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision_”.

L’article 1er de la Constitution des États-Unis dispose :_”Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre_”.

Les dispositions verrouillées de la Constitution actuelle en RDC sont dans l’article 220 dont l’énoncé est :_”La forme républicaine de l’État, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées_”

Un passage en force

Depuis l’annonce de la re-visitation de la Constitution de la RDC commencée par la *révision* pour déboucher sur le changement, les debaters pro Félix Tshisekedi ont entraîné l’opinion à se référer à l’article 218 dans lequel il est question principalement de pétition et de référendum.

Malheureusement, ils se sont vite fait rattraper puisque cet article n’est d’application que pour la révision et non pour le changement.

Comme pour se tirer du faux pas, ils ont trouvé deux formules à la fois alambiquées, déroutantes. L’un a écrit textuellement ceci : _”Le changement constitutionnel n’étant pas prévu dans notre Constitution_” (ndlr : il le reconnaît), :_”nous faisons l’extrapolation de l’article 218_”, ajoute-t-il ! Par extrapolation s’entend _”Généralisation, déduction hardie à partir de données fragmentaires_” ou _”Procédure ayant pour objet de prolonger la validité d’une loi, ou la connaissance d’une fonction, au-delà des limites dans lesquelles elle est donnée_”.

Voilà comment le régime Udps/Usn interprète la Constitution de la République.

L’autre nous a carrément balancés l’expression _”révolution démocratique_”. Du nouveau dans la terminologie politique congolo-zaïroise.

En clair, comme indiqué dans la chronique du vendredi 29 novembre 2024 intitulée “Félix Tshisekedi ne peut pas évoquer l’article 218 prévoyant uniquement la révision de la Constitution”, c’est à un passage en force, c’est-à-dire à un coup d’État que se livre ce régime !

Au nom des réalités congolaises

Seulement voilà : dans sa logique, la Constitution à concocter ne devra contenir aucune disposition verrouillée. Car, comme l’indique le titre, si on déverrouille ce qui est verrouillé – cas de l’article 220 – c’est que le texte à venir ne contiendra aucune disposition avec verrou.

Conséquence : tout peut arriver à tout moment, n’importe comment et n’importe quand, n’importe où !

On peut se réveiller un matin et on apprend le changement de la forme républicaine de l’État, du principe du suffrage universel, de la forme représentative du Gouvernement ou du nombre et la durée des mandats du Président de la République.

On peut vouloir prendre un casse-croûte à midi et on découvre la remise en cause de l’indépendance du pouvoir judiciaire, du pluralisme politique ou syndical.

Où on peut s’apprêter à dormir, et on s’entend dire qu’on a procédé à la révision visant la réduction des droits et libertés de la personne, ou des prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées !

Tout cela, au nom des réalités congolaises qu’on a mis cinq ans et demi à découvrir. Preuve, si besoin est, qu’à son accession à la magistrature suprême, l’Udps ne connaissait pas ces réalités et qu’il a vendu du vent aux Congolais 37 ans durant.

Le pouvoir est dans un embouteillage !

Premier danger à appréhender : rien n’étant désormais sûr en République Démocratique du Congo, les investissements aussi bien nationaux qu’internationaux pourraient ne pas suivre. Et les emplois jeunes évoqués par le Chef de l’État à Kalemie ne seront jamais créés. Ceci de un.

De deux, et ce par rapport aux articles relatifs aux traités et accords internationaux, la souveraineté restreinte à laquelle on veut réduire le Congo contribuera à l’isolement diplomatique du pays.

On ne dira pas qu’on n’en a pas conscience.

Ce qui (nous) confortent dans la conviction d’un agenda caché, c’est le fait qu’aucun esprit lucide ne peut comprendre qu’on soit à la base d’une initiative prétendument louable pour le Congo et que, pour la justifier en public, on se défoule sur l’Opposition !

Une telle attitude nourrit et suscite la suspicion. Elle prouve que l’initiative de la re-visitation de la Constitution n’a jamais été débattue en interne avant d’être rendue publique.

Moralité : on est en face d’une diversion face aux pressions sociales résultant des promesses non ou mal tenues…

Comme qui dirait : le Pouvoir est dans un embouteillage !

Omer Nsongo die Lema

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