Violences sexuelles liées au conflit dans l’Est du pays : Les observations du CEDAW attendues le 21 février prochain 

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Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, selon l’acronyme en anglais) a examiné aujourd’hui un rapport présenté à titre exceptionnel par la République démocratique du Congo – suite à une demande formulée en décembre 2023 par le Comité – et portant sur les réponses politiques, sécuritaires, humanitaires et judiciaires des autorités congolaises aux violences sexuelles liées au conflit dans l’est du pays.

Présentant ce document, Mme Chantal Chambu Mwavita, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a déclaré que l’examen de ce rapport intervenait alors même que les civils des provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri subissent des violences aveugles, des actes perpétrés par les Forces de défense rwandaises et le groupe armé M23. La Ministre a ajouté que le Rwanda « porte une responsabilité directe dans ces crimes en raison de son appui […] avéré aux milices M23 ».

La ville de Goma et ses alentours ont été pris par « l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 », a poursuivi la Ministre, avant d’ajouter que la ville de Bukavu et d’autres localités du Sud-Kivu étaient aussi menacées. « Si la communauté internationale n’adopte pas de mesures urgentes, nous risquons une extension du cycle de violence avec des conséquences dramatiques pour les femmes et filles, comme c’est déjà le cas pour les mères, sœurs et enfants du Nord-Kivu et du Sud-Kivu », a mis en garde Mme Chambu Mwavita.

Des rapports des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales nationales et internationales, ainsi que les témoignages des survivantes des violences sexuelles liées au conflit, révèlent qu’au cours de la guerre menée par le M23 et les Forces de défense rwandaises, des milliers de femmes et de filles ont été victimes de viols, de mutilations et d’autres violences inhumaines, a poursuivi la cheffe de délégation. Ces atrocités, a-t-elle souligné, se commettent dans les camps pour personnes déplacées, ainsi que dans les lieux où les femmes et les filles devraient être en sécurité, comme leurs propres maisons et leurs écoles, et même en prison.

Tous les ministères sont à pied d’œuvre pour la prise en charge des femmes victimes, avec l’aide du Fonds national des réparations des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV), a souligné Mme Chambu Mwavita. Cependant, les efforts du Gouvernement pour protéger les victimes de violences sexuelles sont sapés par l’intensification des attaques du M23 et de l’armée rwandaise, a-t-elle indiqué.

La Ministre a demandé au Comité d’assurer un soutien immédiat aux survivantes des violences sexuelles se trouvant dans les zones occupées par l’armée rwandaise et le M23, de même que leur accès à des soins médicaux et à une assistance adaptée ; de « condamner fermement l’occupation d’une partie du territoire de [la République démocratique du Congo] par l’armée rwandaise et son allié le M23 », et de les appeler à cesser immédiatement leur offensive et à libérer le territoire occupé ; de militer activement pour l’adoption de sanctions exemplaires contre le Rwanda, pour son agression militaire et pour ses violations des normes internationales sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; et de soutenir la création d’un tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo.

Des violations systématiques et généralisées des droits de l’homme et du droit international humanitaire

Complétant cette présentation, Mme Gisèle Kapinga Ntumba, Commissaire nationale en charge des droits des femmes et des enfants à la Commission nationale des droits de l’homme de la République démocratique du Congo, a relevé que l’invasion de Goma par les rebelles du M23 et l’armée rwandaise avait entraîné des violations systématiques et généralisées des droits de l’homme et du droit international humanitaire avec comme cibles premières les femmes et les enfants. Les violences sexuelles ont atteint leur pic et les structures sanitaires de prises en charge sont débordées face à l’afflux des victimes, a-t-elle mis en garde.

La délégation congolaise était également composée, entre autres, de M. Paul Empole Losoko Efambe, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux représentants du Ministère des droits humains, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du genre, de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du pouvoir judiciaire civil et de la Haute Cour militaire, de même que du FONAREV, de la Commission interinstitutionnelle d’aide aux victimes et d’appui aux réformes, et de la police nationale.

Au cours du dialogue noué aujourd’hui entre les membres du Comité et la délégation congolaise, la République démocratique du Congo a été félicitée d’avoir créé le FONAREV, ainsi que pour ses efforts en matière de justice visant à mettre fin à l’impunité des auteurs de violences sexuelles liées aux conflits. Cependant, a relevé une experte, le nombre des condamnations n’est pas proportionnel au nombre de cas de violences sexuelles commises à l’encontre des femmes et des filles. Il a été recommandé que le pays organise la collecte de preuves médico-légales et la fourniture de services complets aux victimes, et qu’il élimine les stéréotypes qui perpétuent une culture du silence face aux violences, afin d’améliorer la capacité des femmes à dénoncer les faits et à demander justice.

Une experte membre du Comité a recommandé de mettre un terme à l’exploitation illicite des minerais dans l’est du pays, exploitation qui, a-t-elle ajouté, explique les conflits et leurs effets sur les droits des femmes et des filles.

D’autres préoccupations des membres du Comité ont porté sur l’existence de réseaux de prostitution, ainsi que sur le recrutement forcé d’hommes, de femmes et d’enfants – en particulier dans les zones minières où la coercition et la prostitution seraient monnaie courante – et sur l’utilisation, par les groupes armés, du mariage d’enfants comme arme de guerre et comme couverture pour la traite des êtres humains.

Répondant aux observations et questions des experts, la délégation a notamment indiqué que, l’exploitation illicite de minerais étant la cause majeure de la crise, le Gouvernement avait pris des mesures pour y remédier, en particulier par la certification officielle de l’origine des minerais. Mais la traçabilité est rendue difficile du fait que certaines mines se trouvent dans les zones contrôlées par des groupes rebelles et l’armée rwandaise qui les soutient, a souligné la délégation.

Les autorités congolaises ont donné la priorité aux personnes déplacées, a d’autre part fait savoir la délégation, avant de préciser que des mesures provisoires d’urgence avaient été adoptées à leur intention, y compris la prise en charge médicale par le biais de cliniques mobiles dans trois camps près de Goma. Tous les efforts consentis à Goma depuis quelques mois ont été réduits à néant avec l’occupation récente de la ville, a toutefois déploré la délégation. Ainsi, depuis le début de l’agression en cours, le M23 a rasé tous les camps pour personnes déplacées qui étaient ouverts aux abords de Goma, a-t-elle indiqué. Quelque onze millions de personnes en République démocratique du Congo sont directement victimes des conflits, a en outre précisé la délégation.

Suite à des dénonciations parvenues aux autorités, une commission a été chargée d’enquêter sur des allégations de violences sexuelles commises par des membres des forces gouvernementales, a d’autre part indiqué la délégation, avant de préciser qu’une trentaine d’éléments [desdites forces] ont été interpellés à Goma et mis à la disposition de la justice militaire.

À la demande de la cheffe de délégation congolaise, le Comité a observé, en début de dialogue, une minute de silence en hommage aux nombreuses victimes de violence liées aux conflits en République démocratique du Congo.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur ce rapport de la République démocratique du Congo et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 21 février.

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