Au terme de quatre années turbulentes, l’Afrique subsaharienne semble enfin se rétablir. À la faveur de l’assouplissement des conditions financières mondiales, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Kenya ont émis des euro-obligations en début d’année, mettant ainsi un terme à une période de près de deux ans pendant laquelle la région n’avait plus accès aux marchés internationaux de capitaux. Les ratios de dette publique se sont largement stabilisés, et l’on observe certains flux de capitaux amorcer un retour dans la région.
Dans l’ensemble, les perspectives s’améliorent progressivement et l’activité économique reprend modestement. La croissance va passer de 3,4 % en 2023 à 3,8 % en 2024, et près des deux tiers des pays s’attendent à une croissance en hausse. La reprise économique devrait se poursuivre au-delà de cette année ; d’après les projections, la croissance devrait atteindre 4,0 % en 2025. En parallèle, le taux médian d’inflation a pratiquement été divisé par deux, de presque 10 % en novembre 2022 à environ 6 % en février 2024.
Hélas, la situation de la région n’est pas au beau fixe, et la pénurie de financements se poursuit. Les États de la région sont encore en proie à des manques de financements, des coûts d’emprunt élevés et des risques de refinancement, dans un contexte où la mobilisation des recettes publiques nationales reste faible. Des remboursements d’ampleur se profilent cette année et la suivante. Ces difficultés de financement contraignent les pays à réduire certaines dépenses publiques essentielles et à réaffecter au service de la dette des fonds censés financer leur développement, ce qui met en péril les perspectives de croissance des générations futures.
La pénurie de financement tient en partie à la raréfaction des sources de financement traditionnelles de la région, en particulier l’aide publique au développement. Au cours des quatre prochaines années, les besoins de financement bruts extérieurs des pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne devraient dépasser les 70 milliards de dollars annuels (soit 6 % du PIB). Les sources de financement concessionnel s’étant raréfiées, les États se tournent vers d’autres solutions, qui se caractérisent souvent par des coûts plus élevés, une plus grande opacité et des échéances plus courtes.
Les coûts de l’emprunt, au niveau national comme au niveau international, se sont accrus et continuent d’être élevés pour beaucoup de pays. En 2023, les paiements d’intérêts par les États ont représenté 12 % des recettes publiques (hors dons) pour le pays médian d’Afrique subsaharienne, soit plus du double du niveau observé il y a dix ans. Le secteur privé n’est pas non plus épargné par la hausse des taux d’intérêt.
Les perspectives économiques demeurent sujettes à des risques baissiers. La région reste plus vulnérable face aux chocs mondiaux, en particulier un possible affaiblissement de la demande extérieure et les risques géopolitiques. En outre, les pays d’Afrique subsaharienne connaissent une instabilité politique croissante et de fréquents chocs climatiques. L’année 2024 sera critique pour l’Afrique subsaharienne, où doivent se tenir 18 élections de portée nationale. Les chocs climatiques sont de plus en plus fréquents et étendus, notamment les sécheresses, dont la gravité a atteint des niveaux inédits.
Dans le contexte actuel, marqué par des contraintes de financement et des chocs en cascade, la communauté internationale doit prêter plus activement assistance à la région. Par ailleurs, les pays peuvent s’adapter à ces difficultés en agissant de manière prioritaire dans les trois domaines suivants :
Améliorer la situation des finances publiques en augmentant les recettes publiques demeure la première ligne de défense dans un monde où l’emprunt coûte plus cher et où les possibilités de financement se réduisent. Cependant, les pouvoirs publics doivent avant tout limiter le plus possible les répercussions négatives du rééquilibrage budgétaire sur les populations et leurs moyens de subsistance. Pour ce qui concerne le financement, il y a toujours un besoin urgent de davantage de dons et prêts concessionnels.
La politique monétaire devrait rester axée sur la stabilité des prix. À mesure que l’inflation marque le pas, de plus en plus de pays disposeront des marges de manœuvre nécessaires pour baisser les taux d’intérêt. Une coordination accrue des politiques budgétaire, monétaire et de change est indispensable.
La mise en œuvre de réformes structurelles, visant par exemple à accélérer l’intégration commerciale et à améliorer le climat des affaires pour attirer davantage d’investissements directs étrangers, pourrait permettre de diversifier les sources de financement et l’économie. Les pays d’Afrique subsaharienne ont besoin de plus de soutien de la part de la communauté internationale, et les banques de développement multilatérales et régionales pourraient envisager d’avoir davantage de recours à l’effet de levier sur leurs bilans pour favoriser un avenir plus inclusif, durable et prospère.
Notes des Perspectives économiques régionales. Une série de notes analytiques sont consacrées aux thèmes suivants :
1) stratégies pour rééquilibrer les finances publiques tout en limitant les effets négatifs sur les conditions socioéconomiques (voir « Réduire les déficits budgétaires en Afrique subsaharienne sans compromettre le développement ») ; 2) moyens de tirer parti des abondants gisements de minerais essentiels de la région (voir « L’Afrique subsaharienne en quête de ressources : tirer parti de l’abondance des minerais essentiels »), et 3) importance d’accroître l’investissement dans l’éducation (voir « Bâtir la main d’œuvre de demain : éducation, opportunités et dividende démographique de l’Afrique »).