Atlantic Council : Rama Yade explique pourquoi le Maroc pourrait voir son importance augmenter pour Washington lors du 2e mandat de Trump

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Dans cette analyse publiée sur le site de l’Atlantic Council, la directrice principale de ce think tank américain, Rama Yade, explique dans cette analyse pourquoi le Maroc, sous la conduite de SM le Roi Mohammed VI, est le seul pays africain dont la position à Washington et à l’échelle mondiale pourrait être promue grâce à la nouvelle présidence de Trump.

Alors que le président élu Donald Trump et sa vision “America first” s’apprêtent à faire leur retour à la Maison Blanche en Janvier, les réactions des dirigeants du monde restent divergentes. Les dirigeants européens, au-delà de leurs messages de félicitations, ont fait part de leurs inquiétudes en ce qui concerne les taxes et l’avenir de l’Ukraine. Plusieurs dirigeants du Moyen-Orient ont salué le retour de Trump.

Les dirigeants africains au Nigeria, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Égypte et ailleurs ont rapidement félicité Trump à la suite de sa victoire électorale, alors qu’ils auraient pu adopter une approche attentiste vis-à-vis de la nouvelle administration. Cependant, il y a un seul pays africain en particulier dont la position à Washington et à l’échelle mondiale pourrait être promue grâce à la nouvelle présidence de Trump.

Le Maroc est l’un des alliés les plus anciens des Etats-Unis, faisant partie des premiers à avoir reconnu l’indépendance du jeune pays en 1777, lorsque le Sultan Mohammed III a ouvert les ports marocains aux navires américains.

En 1786, cette reconnaissance implicite s’est officialisée avec la signature d’un traité de paix et d’amitié, qui est toujours en vigueur à ce jour. Désigné comme un allié majeur non-membre de l’OTAN en 2004, le Maroc joue également un rôle important dans les activités des Etats-Unis, y compris dans la lutte internationale contre le terrorisme.

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Trump a rappelé ces liens en décembre 2020 lorsque, quelques semaines avant la fin de son premier mandat, il a reconnu “le Sahara occidental” comme faisant partie du Maroc. Un mois plus tard, l’ambassadeur américain au Maroc s’est rendu dans la ville sahraouie de Dakhla pour entamer le processus d’ouverture d’un consulat. Mais le président américain Joe Biden n’a jamais concrétisé ce projet .

Le nouveau soutien de la France à la revendication marocaine (annoncé devant le Parlement marocain lors d’une visite historique à Rabat le mois dernier) pourrait aider le Maroc à accélérer ce programme. Israël fait partie des pays qui ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, et ce depuis 2023. Quelques années auparavant, en 2020, le Maroc avait rejoint la liste des pays du monde arabe ayant normalisé leurs relations diplomatiques avec Israël via les accords d’Abraham . Mais les attaques du Hamas contre Israël le 07 octobre 2023, les bombardements israéliens et l’invasion de Gaza qui en ont résulté ont déclenché des manifestations massives au Maroc en soutien à la population palestinienne. Le Maroc a rapidement envoyé de l’aide aux Palestiniens bloqués à Gaza et a réaffirmé , aux Nations unies, la nécessité de respecter les droits des Palestiniens, mais n’a pas rompu ses relations avec Israël.

Quelle que soit la stratégie de Trump au Moyen-Orient, le Maroc aura sans aucun doute un rôle central à jouer dedans. Mais sous la direction du Roi Mohammed VI, le Royaume s’est fixé un rôle futur bien au-delà du Moyen-Orient.

Au sud, le Maroc, qui a réintégré l’Union africaine en 2017, continue d’approfondir son empreinte africaine. Prenant acte du rôle du Maroc dans le continent, la France a réfléchi à la manière dont elle pourrait s’appuyer sur le Maroc pour regagner le terrain perdu en Afrique, notamment au Sahel ; Washington pourrait suivre son exemple.

En novembre 2023, Mohammed VI a annoncé une nouvelle initiative visant à “permettre aux pays du Sahel [Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso] d’avoir accès à l’océan Atlantique” via des projets de développement de grande envergure. Ce plan comporte un volet atlantique ambitieux qui nécessitera sans doute une coordination avec les États-Unis. Cela peut se faire grâce au Partenariat pour la Coopération Atlantique, lancé en septembre 2023 et qui regroupe de nombreux pays africains, dont le Maroc et des pays sahéliens comme le Sénégal et le Nigéria.

Il existe d’autres initiatives et défis sur lesquels les États-Unis et le Maroc peuvent collaborer, notamment la lutte contre le trafic de drogue qui s’étend de l’Amérique du Sud au Sahel – et qui est de plus en plus lié aux mouvements terroristes qui sèment le chaos au Sahel depuis vingt ans.

La manière dont l’administration Trump abordera ces projets atlantiques déterminera l’orientation des relations des États-Unis avec le Maroc en raison du rôle central de Rabat dans ces initiatives.

Ce que Trump a apporté à la Loi sur la Réduction de l’Inflation (IRA) pourrait aussi affecter la place du Maroc sur la carte de Washington. L’économie marocaine a bénéficié de l’IRA, qui s’appuie, entre autres, sur des approvisionnements en provenance de pays liés par des accords de libre-échange avec les États-Unis (le Maroc a un accord de libre-échange avec les États-Unis depuis janvier 2006).

Avec l’IRA en place, les entreprises chinoises se sont même tournées vers le Maroc, y investissant pour conserver leur accès aux marchés américains. Par ailleurs, pour le Maroc, c’était un système gagnant qui favorisait la création d’emplois sur son sol et les transferts de technologie et renforçait sa position d’acteur incontournable de l’industrie verte en Afrique.

Le Maroc compte sur son économie, l’une des plus fortes d’Afrique, pour réaliser ses ambitions régionales et renforcer son impact – il est déjà le deuxième investisseur du continent, après l’Afrique du Sud.

Mais si Trump travaillait avec le Congrès, contrôlé par les républicains, pour abroger l’IRA ou restreindre cette politique, le Maroc pourrait devenir moins attractif pour la Chine , et donc entraîner moins d’investissements. En cas de tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine, le Maroc pourrait revoir sa stratégie d’équidistance entre ces deux puissances. La Chine étant désormais le premier partenaire commercial de l’Afrique (le volume de ses échanges commerciaux avec le continent est cinq fois supérieur à celui des États-Unis). La manière dont Trump abordera le partenariat marocain en dira long sur ses intentions pour l’Afrique.

L’Afrique qui attend la deuxième administration de Trump n’est pas celle que sa première administration a laissée en 2021. Le paysage au continent a été profondément modifié par la pandémie, la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine, une série de coups d’État au Sahel, la guerre civile au Soudan, le renforcement du groupe des BRICS, les économies émergentes… Sur chacune de ces questions, le Maroc a une voix qui aura du poids à Washington.

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