C’est par un silence diplomatique mutique que Paris et Rabat ont reçu le bouillant communiqué d’Alger sur la reconnaissance française à venir de la marocanité du Sahara. Sans doute pour ne pas jeter de l’huile sur le feu, les deux capitales ont décidé de l’ignorer. Paris parce que occupé à organiser les jeux olympiques, tout en cherchant à former un gouvernement. Et Rabat car ne se veut pas tomber dans le piège de la provocation et de la manipulation.
Car en réalité, il s’agit d’une des bizarreries diplomatiques les plus originales, celle de voir le régime algérien informer le monde entier que la France vient de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Ce fut à travers un communiqué rageur, empli d’amertume et de menaces. Comme dans tentative diplomatique désespérée de faire avorter une démarche française inévitable.
Dans la réalité des faits, la logique voudrait que la diplomatie française, ayant solidement mûri sa décision, comme l’ont déjà énoncé les multiples déclarations des ministres français qui se sont succédés au Maroc ces derniers mois, Stéphane séjourné, Franck Riester ou Bruno Le Maire, a fait part au régime algérien de son intention de proclamer la marocanité du Sahara.
Il est aisé de deviner que dans les pratiques diplomatiques entre les pays, et encore plus entre la France et l’Algérie qui entretiennent des relations effervescentes, la moindre des courtoisies diplomatiques était d’informer en priorité le pays dont le sort du Polisario importe le plus. Le régime algérien aurait reçu cette nouvelle position en cours de construction et d’annonce et au lieu d’encaisser en silence ce nouveau tournant français et de respecter la confidentialité de la démarche, Alger a préféré monter sur les toits et claironner son opposition à une position française qui n’a pas encore été officiellement exprimée.
Car jusqu’à l’apparition du fameux communiqué de ministère des affaires étrangères algérien, Paris tentait de tenir le manche par le milieu. La diplomatie française soutient certes le plan de l’autonomie proposé par Rabat depuis 2007, mais elle le considérait aussi comme l’une des solutions à cette discorde régionale sur le Sahara. Cette ambiguïté française permettait à Paris de faire croire aux Algériens qu’il peut basculer à n’importe quel moment vers les autres solutions proposées par les adversaires du Maroc et aux Marocains de leur vendre l’idée que la France a toujours été à leurs côtés.
Cette ambiguïté française avait pour impact direct de créer les conditions du maintien et de la permanence de cette crise. Et comme la France, ancien puissance coloniale de la région, pays moteur de l’Union européenne, membre du conseil de sécurité, la clarification de sa position était déterminante pour l’évolution politique du conflit du Sahara.
Et c’est pour ces raisons que le Roi du Maroc Mohammed VI a exigé de la France la nécessité de sortir du clair-obscur, du double langage au nom du partenariat exceptionnel entre la France et le Maroc, mais surtout au nom de l’impérieuse nécessité de clore ce conflit. Paris a été sensible à l’argumentaire marocain et a donné des signaux selon lesquels il allait procéder à cette clarification.
Et c’est le corps du message qui a été transmis aux autorités algériennes. Logiquement, puisque le régime algérien affirme dans les forums internationaux qu’il n’est pas partie prenante à ce conflit et que c’est au nom de cette « neutralité » qu’il refuse de participer aux tables rondes proposées par les Nations Unies, il aurait dû encaisser en silence la position française et observer en silence la posture amère des vaincus.
Au lieu de cela, le régime algérien a élevé le volume sonore de ses menaces contre la France. À tel point qu’il est pertinent de savoir ce qu’Alger pourra entreprendre comme démarche pour punir la diplomatie française d’avoir fait le choix de la marocanité du Sahara. Y-aura-il une convocation éruptive de l’ambassadeur algérien en France, une remise en cause des échanges économiques, y compris la précieuse carte du Gaz, entre les deux pays comme cela avait été le cas avec l’Espagne, avant de constater que cela n’avait strictement servi à rien ?
Il faut parier que rien de tout cela ne se fera. Le président algérien Abdelamjid Tebboune, qui s’apprête à prolonger son mandat le 7 septembre prochain, avait programmé une visite en France début octobre, visite à laquelle il tient comme la prunelle de ses yeux, puisqu’elle participe à légitimer son maintien forcé au pouvoir.
Il n’empêche que le communiqué du ministère algérien des affaires étrangères devrait être une source d’inquiétude et d’angoisses pour l’ensemble de la région. Même si à minima on peut lui appliquer l’adage qui dit « Chien qui aboie ne mord pas », il faut s’attendre à tout d’un régime pyromane et qui ne peut espérer survivre que dans la tension permanente et le chaos entretenu.
Mustapha Tossa