
La priorité, toutefois, est à réserver au Dialogue interne, celui de la Cohésion nationale ! Puisse les déclarations rassurantes de Mgrs Fulgence Muteba et André Bakundowa sur RFI le jeudi 20 mars 2025 convaincre les radicaux qui gravitent autour de Félix Tshisekedi du bien-fondé du Dialogue comme unique voie de solution aux crises multiformes et multisectorielles actuelles. Surtout quand leurs causes et conséquences ressemblent à celles des fora précédents. Le prélat protestant déclare à ce sujet : « … demander le départ de quelqu’un qui a un mandat, nous croyons que ce n’est pas une bonne chose».
Il refaisait le vase mal façonné
En effet, à quelques exceptions près, ce qui arrive aujourd’hui ressemble à ce qui s’était passé entre 1999 et 2003 avec, précisément les Accords de Lusaka entre belligérants, les Accords de Luanda entre la RDC respectivement avec le Rwanda et l’Ouganda ainsi que le Dialogue intercongolais. Il y en avait eu trois à l’époque et, comme par coïncidence, il y en a trois aujourd’hui, à savoir :
-le Dialogue avec les groupes armés congolais. C’est le Processus de Nairobi ;
-le Dialogue avec les États soutenant ces groupes armés. C’est le Processus de Luanda intégrant désormais Doha, et
-le Dialogue avec les forces politiques et sociales rdcongolaises. C’est l’initiative de la synergie CENCO-ECC dénommée Pacte Social.
Si l’on y revient, c’est qu’à l’époque tout n’avait pas été dit, tout n’a pas été fait.
En d’autres termes – sans nécessairement se livrer à la prophétie de malheur – rater le coche aujourd’hui avec une solution bâclée revient à condamner la RDC à vivre le fameux «Jamais deux sans trois». Quand ? Dans 20 ans ? 30 ans ?
Pour l’instant, il y a lieu de s’inspirer de l’exemple du potier de la Bible. Il refaisait chaque vase «mal façonné». C’était de sa part un acte de responsabilité.
C’est à pareil acte que le peuple est appelé dès lors que l’objectif est de façonner le «Congo du Centenaire de l’Indépendance». Dans 35 ans à dater de cette année.
Poser les bases d’une paix durable
Pour l’heure, retenons de la même interview du 20 mars 2025 à RFI les propos tout aussi rassurants de Mgr Fulgence Muteba. Du rendez-vous du 18 mars 2025 à Luanda pour lequel il a salué la bonne volonté manifestée par le Chef de État, il déclare : « …ça fait des semaines que nous demandons qu’il y ait ce dialogue parce que nous ne croyons pas du tout à une solution militaire à notre problème. Vous savez, la violence engendre la violence, comme on dit. Et pour nous, il faut que les Congolais puissent se retrouver autour d’une table, qu’ils puissent retrouver le consensus national, la cohésion nationale. Et ça, ça demande que chacun puisse se dépasser. C’est pourquoi nous saluons la décision du président Félix Tshisekedi et il s’est dépassé, même si autour de lui, il y a des gens qui ne sont pas d’accord. Mais là, il a pris ses responsabilités et nous l’encourageons à aller plus loin».
Le prélat poursuit sur la même lancée : «le dialogue ne doit pas seulement se limiter entre une délégation du gouvernement et ceux qui ont pris les armes, mais il faut que ça soit, comme le révérend l’a dit tout à l’heure, un dialogue entre les Congolais, qui soit le plus inclusif possible, le plus transparent, et qu’on puisse aborder tous les problèmes qui fâchent de telle manière que, fort de cette cohésion au plan interne, nous puissions aller au niveau de la sous-région pour poser les problèmes qui nous divisent avec les pays de la sous-région». Et il conclut : «De cette manière, nous pensons qu’on peut poser les bases d’une paix durable».
Ceci après l’audience accordée à la synergie le 19 mars 2025 par Emmanuel Macron à Paris.
Le 20 mars, cette fois à Bruxelles, après le même exercice, le ministre belge des Affaires étrangères Prevot Maxime s’exprime sur son compte X.com : «Après leur rencontre avec le Président @EmmanuelMacron, j’ai reçu ce matin une délégation des églises engagées pour la paix en RDC et dans la région. C’est une initiative de dialogue à saisir pour renforcer la cohésion et aborder les causes profondes du conflit dans l’Est de la RDC. Je leur souhaite plein succès dans leurs démarches ouvertes et inclusives qui s’inscrivent dans l’ordre constitutionnel». Londres et Washington probablement pour bientôt.
L’axe Bruxelles-Paris, on le sait, pèse sérieusement dans les enjeux des Grands Lacs aux côtés de l’axe Washington-Londres.
Jouer le jeu de l’ennemi consiste justement à rejeter tout face-à-face
A ceux qui s’inquiètent du sort de Félix Tshisekedi, Mgr André Bakundowa donne la réponse espérée : «Je crois que nos bien- aimés vont revenir dans le bon sens de voir comment nous pouvons aller jusqu’à la fin de son mandat et organiser des bonnes élections pour l’avenir de notre pays».
A ce propos, il est indiqué de rappeler à la conscience collective les faits suivants :
1.à l’avènement de la Transition en 1990, le discours d’Étienne Tshisekedi était la démission à tout pris du maréchal ;
2.à l’enclenchement de sa guerre en 1996, l’Afdl avait pour discours la démission à tout prix du maréchal ;
3.à l’enclenchement de leur guerre en 1998, le Rcd et le Mlc avaient pour discours la démission à tout prix de L-D. Kabila ;
4.à l’avènement de Joseph Kabila en 2001 jusqu’à son départ en 2019, le discours de l’opposition armée et de l’opposition politique était sa démission à tout prix.
Finalement, à l’exception de Laurent-Désiré Kabila assassiné en pleine fonction, seuls les prédécesseurs de Félix Tshisekedi à se montrer coopératifs ont survécu à l’ouragan.
C’est pour dire que la volonté du chef de l’État l’emporte sur toutes autres considérations.
Le Congo étant alors à l’heure de la vérité, jouer le jeu de l’ennemi pourrait consister aussi à rejeter tout face-à-face jusqu’à indisposer même les Etats voisins qui veulent du bien du Congo.
Ne le perdons pas de vue : quelle que soit la nature des sanctions infligées et à infliger au Rwanda, ce pays continuera de jouir du soutien de la communauté internationale, Occident en particulier, du fait que la sous-région stratégique des Grands Lacs n’est pas utile rapport à l’accès à l’océan Atlantique. Elle l’est par rapport à l’accès à l’ océan Indien. Océan de tous les enjeux. Américains, Européens et Asiatiques qui s’intéressent aux richesses minières de la RDC concentrées à l’Est et qui doivent absolument être présentes dans cet océan ont pour passage obligé le Soudan du Sud, l’Ouganda, le Burundi et, bien entendu, le Rwanda, pays tampons avec le Kenya maritime !
Ceux qui rêvent d’écraser le Rwanda doivent avoir une lecture pragmatique de la géopolitique.
Voilà pourquoi, s’il y a un ordre de priorité à établir pour les 3 Dialogues s’avérant inéluctables, Kinshasa gagnerait plus à privilégier le Dialogue Intercongolais. Ce qui lui permettrait de consolider l’unité nationale au travers de la Cohésion nationale. C’est la condition sine qua non pour affronter le Rwanda certes, mais aussi le Soudan du Sud, l’Ouganda et le Burundi.
Faut-il encore disposer du plan B !
Encore 3 ans, Félix Tshisekedi consomme son second et dernier mandat. Va-t-il les passer dans les tiraillements allant crescendo ?
Lee Iacocca le lui rappelle : “Toute bonne décision prise trop tard devient une mauvaise décision».
Omer Nsongo die Lema