Le groupe OCP affiche de nouvelles ambitions à l’horizon 2027. Le géant de l’industrie phosphatière et chimique compte ainsi consolider sa position de leader mondial intégré de phosphates et il s’en donne les moyens en mobilisant un programme d’investissement de 130 milliards de DH sur la période 2023-2027. À la clé, un accroissement des capacités de production d’engrais, tout en s’engageant à atteindre la neutralité carbone avant 2040, en faisant levier sur le gisement d’énergies renouvelables du Royaume et sur ses avancées dans ce domaine depuis plusieurs années. Le groupe engage également toute sa machine de recherche et d’innovations pour diversifier ses produits et services, exploiter les nouvelles opportunités, notamment sur le marché des batteries électriques, et tirer profit de la dynamique attendue de la demande mondiale.
Le groupe OCP entend bétonner son rang de premier producteur intégré de phosphates et maintenir un positionnement flexible sur la chaîne de valeur (roche, acide et engrais), tout en renforçant son offre de produits dérivés. Dans son nouveau programme stratégique de développement 2023-2027, le géant mondial de l’industrie phosphatière mise gros sur l’augmentation de ses capacités de production d’engrais pour répondre aux défis de la sécurité alimentaire mondiale tout en atteignant la neutralité carbone d’ici 2040, et ce grâce à des investissements majeurs dans les engrais verts innovants et les énergies renouvelables. Le Plan d’investissement vert, qui représente la consolidation de l’engagement de l’OCP en matière de durabilité, entraînera une contribution globale de 13 milliards de dollars entre 2023 et 2027. L’objectif spécifique de cette stratégie est d’augmenter la capacité de production d’engrais de 12 millions de tonnes actuellement à 20 millions d’ici 2027.
À la clé, une expansion des capacités minières qui comprendra l’ouverture d’une nouvelle mine située à Meskala dans la région d’Essaouira, ainsi que l’établissement d’un nouveau complexe d’engrais situé à Mzinda. Cette unité de production traitera les roches provenant des mines de Benguérir et de Youssoufia, ainsi que de la nouvelle mine de Meskala. Pour concrétiser ses nouvelles ambitions, le groupe entend mettre en œuvre plusieurs opérations stratégiques. Il s’agit, d’abord, d’améliorer l’efficacité et augmenter la capacité industrielle.
En effet, compte tenu de la croissance de la demande mondiale d’engrais et de la position compétitive du groupe, l’OCP s’est engagé, depuis 2008, dans un important programme d’investissement visant à préempter la croissance de la demande future et à renforcer sa position de leader sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
La première phase du programme d’investissement a porté sur le renforcement des capacités de production, visant à doubler les capacités minières et à tripler les capacités de transformation chimique. De même, le géant de l’industrie phosphatière et chimique a réalisé d’importants investissements visant à transformer la chaîne logistique (l’utilisation des slurry pipelines, par exemple) ainsi qu’à accroître son efficacité opérationnelle et environnementale. Ces investissements constituent un premier pas vers l’ambition du groupe de se donner les moyens de capter 50% de l’augmentation de la demande d’engrais phosphatés à l’échelle mondiale, tout en assurant une présence équilibrée sur les trois principaux maillons de la chaîne de valeur.
Dans la deuxième phase, l’OCP planche sur une montée de la production de roches allant jusqu’à 26 millions de tonnes d’ici 2030, grâce au développement de nouvelles mines et à l’expansion des mines existantes.
En parallèle, le groupe procède également à l’augmentation de ses capacités de production d’engrais et d’acide phosphorique sur ses différents sites, en plusieurs phases. Concrètement, d’ici 2027, le géant industriel prévoit d’augmenter sa capacité de production d’engrais de 8 millions de tonnes grâce à l’ajout de 3 unités de granulation d’un million de tonnes chacune au niveau de Jorf Lasfar, du développement d’un nouveau complexe chimique au niveau de Mzinda avec une capacité de 4,2 millions de tonnes à ce même horizon, ainsi que la construction d’un nouveau complexe chimique à Laâyoune d’une capacité de 1 million de tonnes à horizon 2025. Ces augmentations de capacité vont permettre au groupe de renforcer sa position de leader dans la chaîne de valeur du phosphate.
Sur la base des plans actuels, les coûts totaux estimés du Programme depuis son lancement en 2008 jusqu’en 2027 sont d’environ 21 milliards de dollars, dont environ 8 milliards investis pendant la première vague d’investissement entre 2012 et 2021, le reste devant être dépensé sur la période 2022-2027.
Par ailleurs, la société entend poursuivre son développement en Afrique, qui est la région qui devrait connaître la plus forte croissance au monde en termes de demande d’engrais au cours des prochaines années selon l’Association internationale de l’industrie des engrais (IFA). Le groupe OCP devrait, en effet, continuer à augmenter ses ventes sur le continent et s’est même engagé à investir dans de nouvelles capacités en Afrique, par exemple en Éthiopie, au Nigeria, au Ghana et au Rwanda.
Industrie des phosphates : s’assurer le leadership par les coûts
Le groupe OCP fait partie des acteurs ayant les coûts de production les plus bas de l’industrie des phosphates. Dans le cadre de sa stratégie, l’opérateur mondial affirme être activement engagé dans l’amélioration permanente de l’efficacité opérationnelle et la réduction du coût unitaire de ses opérations, en particulier ses activités minières et de transport par l’adoption de nouveaux processus, procédures et technologies. Ainsi, l’utilisation du slurry pipeline au lieu du train pour le convoyage de la roche permet de réduire sensiblement les coûts logistiques du groupe. En outre, le développement de Jorf Phosphate Hub permet au groupe d’augmenter ses capacités de production tout en réalisant des économies d’échelle jugées importantes, en s’appuyant notamment sur les plateformes déjà existantes et en mutualisant certaines opérations industrielles.
Pour doper son agilité commerciale et sa flexibilité industrielle, le groupe entend monter davantage en capacité sur les trois maillons de la chaîne de valeur du phosphate, c’est-à-dire la roche phosphatée, l’acide phosphorique et les engrais. Le management du groupe estime, d’ailleurs, qu’il sera mieux à même de répondre aux changements de la demande et des conditions du marché. L’entreprise estime en particulier que les engrais représentent une opportunité de croissance significative au sein de ses marchés, tirée par le développement et la demande de nouveaux produits, de services et d’engrais spécifiques/«customisées» qui, en 2020, concernaient plus de 40 formules différentes, contre 9 en 2014.
Le groupe a également l’intention de poursuivre des partenariats stratégiques axés principalement sur la réalisation de synergies avec ses activités, ses opérations et sa gamme de produits existants ou sur leur complémentarité, renforçant ainsi sa position dans la chaîne de valeur. En 2018, l’OCP avait établi un partenariat stratégique avec Fertinagro Biotech, S.L., une société espagnole spécialisée dans la commercialisation de solutions innovantes de nutrition des plantes. Ce partenariat aide la société à progresser vers son objectif stratégique de créer des solutions de fertilisation innovantes, adaptées à différents sols et cultures, et répondant aux besoins des agriculteurs du monde entier.
De même, le groupe a ouvert des bureaux de représentation et des filiales dans un certain nombre de zones géographiques clés, dont, entre autres, la Chine, l’Éthiopie, le Kenya, Singapour, les Émirats arabes unis, les États-Unis, le Brésil, l’Inde et l’Argentine. Ces entités renforcent du coup la position de la firme dans le domaine des produits fertilisants finis, au niveau mondial, et sa présence sur les marchés clés.
Valorisation du phosphogypse : de nouvelles options d’utilisation à l’étude
Par ailleurs, le groupe s’engage activement à valoriser durablement toutes les possibilités sous-jacentes à ses ressources et à ses capacités. Il a ainsi adopté une approche équilibrée d’exploitation de projets matures et d’exploration de produits, services et technologies qui pourraient permettre au groupe d’avoir un avantage concurrentiel sur tout marché existant ou nouveau. La société affirme ainsi se concentrer sur l’amélioration de la manière dont elle exploite ses réserves et sur l’amélioration de la manière dont il exploite ses capacités et son capital humain, ainsi que sur le développement de nouvelles activités et de nouveaux services impliquant une expertise basée sur la technologie, l’ingénierie, le conseil et l’analyse, ainsi que la maintenance et la machinerie.
Le développement de produits spécialisés à base de phosphate au-delà du marché agricole permettrait au groupe de se diversifier dans des produits à plus forte valeur ajoutée, tels que la nutrition animale et la production d’intrants pour les industries chimiques. Rappelons qu’en 1998, le groupe avait commencé à produire du phosphore purifié (PPA), un acide phosphorique de haute qualité, par le biais d’Emaphos, une joint-venture avec Prayon et Budenheim. En 2021, la Société et ses partenaires ont décidé de doubler leur capacité de production de PPA et de lancer la construction d’une deuxième unité de PPA, Emaphos II. Cependant, le PPA n’est que la première étape en amont de la chaîne de valeur des phosphates industriels. Cette chaîne de valeur comprend également les sels de phosphate industriels, qui comprennent une large gamme de produits phosphatés ayant des applications dans les secteurs alimentaire, pharmaceutique et industriel. Le phosphate est également utilisé dans d’autres applications de niche, telles que les batteries, qui ont suscité une attention supplémentaire suite à l’annonce faite par Tesla en 2020 de développer des batteries à base de phosphate. Le groupe pourrait également envisager une intégration en aval dans des produits à plus forte valeur ajoutée et des marchés en croissance. Au-delà du phosphate, la roche marocaine contient différents éléments qui peuvent être récupérés tout au long de la chaîne de valeur, comme le fluor, les terres rares et le vanadium. Par exemple, le fluor peut être récupéré à partir du FSA, un sous-produit de l’acide phosphorique. Il peut être monétisé en le vendant directement ou en le transformant en un produit à marge élevée comme le CaF2, le HF ou d’autres produits en aval. En outre, l’OCP étudie actuellement des options innovantes pour la valorisation du phosphogypse, telles que des applications pour l’agriculture et les matériaux de construction. Ces possibilités de monétisation offrent ainsi au groupe l’occasion de diversifier son portefeuille et de gérer durablement ses déchets.
Croissance verte : l’énergie renouvelable, la clé pour la neutralité carbone
En tant que dépositaire des plus grandes réserves de phosphate au monde, le groupe affirme être résolument engagé dans l’exploitation durable de cette ressource, afin de supporter la sécurité alimentaire et la résilience de l’agriculture mondiale. « Du fait de son activité inhéremment durable, le groupe OCP a toujours placé la durabilité au centre de sa stratégie et de ses projets de développement », fait valoir l’entreprise. Cela s’est particulièrement illustré à travers le premier programme d’investissement mené de 2012 à 2021, marqué par la gestion proactive de l’impact environnemental et le soutien apporté au tissu industriel local ainsi qu’aux communautés riveraines. Dans la continuité, le groupe rappelle que le nouveau programme d’investissement vert qui a été lancé fin 2022 prévoit un investissement global de l’ordre de 130 milliards de dirhams sur la période 2023-2027. Il s’articule autour de l’accroissement des capacités de production d’engrais, tout en s’engageant à atteindre la neutralité carbone avant 2040, en faisant levier sur le gisement d’énergies renouvelables du Royaume et sur ses avancées dans ce domaine depuis plusieurs années. Le groupe s’engage à atteindre la neutralité carbone en 2040 sur les scopes 1, 2 et 3, renouvelle son ambition pour une autosuffisance en eau en 2024 et s’engage également à ce que 100% de ses besoins électriques proviennent de sources renouvelables ou propres en 2027. Ces évolutions reflètent l’engagement du groupe en matière de développement durable. Rappelons que l’OCP produit déjà de l’électricité (~2,8 TWh en 2022) à partir d’installations existantes et a de l’expérience dans l’exploitation de centrales électriques. Cette capacité de production et cette expérience constituent ainsi une base pour soutenir l’utilisation intermittente des énergies renouvelables. Autre avantage, le groupe dispose de terrains “prêts à l’emploi ” à proximité de ses sites de production, avec une irradiation solaire élevée et un potentiel photovoltaïque important. Notons que l’activité du groupe a des besoins importants en électricité (4 TWh en 2022, soit 10% de la consommation nationale) et en ammoniac (la consommation de NH3 a atteint ~1,6 MT en 2019, soit ~10% du marché trade), ce qui incite fortement à développer des solutions énergétiques durables. En matière d’électricité, sa consommation d’électricité est déjà à 83% renouvelable/propre (0 carbone), et le sera à 100% d’ici 2027, grâce à la cogénération et le recours à l’énergie éolienne, conjugués aux efforts permanents en termes d’efficacité énergétique. La société entend notamment produire 5GW d’énergie propre (éolienne et solaire) d’ici 2027. Cette capacité d’énergie renouvelable servira également la production d’ammoniac vert, et s’inscrit dans le plan de neutralité carbone à l’horizon 2040. Et ce n’est pas tout. Le groupe affiche l’ambition d’atteindre une production de 1 million de tonnes d’ammoniac vert en 2027 et 3 millions de tonnes en 2032.
Investissements verts : des projets à la pelle
Dans le cadre du Programme d’investissement vert, le groupe a également obtenu un prêt de 100 millions d’euros de l’IFC pour financer les projets solaires du groupe et construire quatre centrales solaires photovoltaïques pour alimenter les installations du groupe au Maroc. Les installations, d’une capacité totale de 202 mégawatts, seront construites près des villes minières de Benguérir, dans la région de Rehamna, et de Khouribga, à 120 km au sud-est de la capitale économique Casablanca. La construction de ces centrales solaires photovoltaïques s’inscrit dans la démarche du groupe visant à couvrir l’ensemble de ses besoins en électricité par l’éolien, le solaire et la cogénération (récupération de l’énergie thermique dégagée lors de la production de l’acide sulfurique) d’ici 2027. La filiale du groupe récemment créée, OCP Green Energy, devrait superviser la mise en oeuvre de la première phase de ce projet. Le groupe envisage également un certain nombre de projets supplémentaires sur ses sites chimiques, dans le cadre de la deuxième phase du programme de dépenses d’investissement. Les principaux projets de la deuxième phase portent sur la construction d’une nouvelle ligne d’acide phosphorique (ligne F) d’une capacité de 450.000 tonnes d’acide phosphorique, dont la mise en service est prévue cette année même à Jorf Lasfar. Sur ce même site, l’entreprise planche sur la construction de trois lignes de granulation d’une capacité d’un million de tonnes chacune, dont le groupe prévoit la mise en service avant la fin de l’année 2024. Ces lignes bénéficieront de l’acide phosphorique provenant de la ligne F et de la capacité libérée par les programmes d’efficacité. À Jorf Lasfar, l’OCP entend aussi réaliser des gains de capacité supplémentaires pour l’acide phosphorique grâce à une efficacité accrue, qui s’élèveront à un total de 350 kilotonnes de capacité d’acide phosphorique. Un projet qui a déjà démarré. Le tout assorti de la construction d’usines d’acide sulfurique d’une capacité totale de 3,3 millions de tonnes (la construction a commencé) en plus de l’aménagement d’une capacité supplémentaire pour les engrais personnalisés (400 kilotonnes de MAP soluble dans l’eau) d’ici à 2026. À cela s’ajoutent la construction d’unités de production d’engrais TSP, d’une capacité d’environ 1.000 kilotonnes d’ici à la fin de 2024 et d’usines de production pour la récupération et la valorisation du fluor avec une capacité d’environ 20.000 tonnes de AHF d’ici 2026. Sans oublier la construction d’unités de production de composants pour les batteries au phosphate de fer lithié (LFP) d’une capacité d’environ 30.000 tonnes du composé matériel LiFePO4 d’ici à 2027.
Fertilité des sols : des pratiques innovantes à disséminer à l’échelle mondiale
Au-delà de son activité de produits phosphatés de commodités, le groupe affirme poursuivre l’objectif d’être un fournisseur mondial majeur de solutions pour la fertilité des sols. Pour atteindre cette ambition, l’OCP entend développer un portefeuille de produits et de services personnalisés qui apportent une valeur ajoutée aux agriculteurs en répondant aux nouvelles tendances et aux nouveaux défis auxquels l’industrie agricole est confrontée, tels que le développement des technologies numériques ou la prise de conscience environnementale. C’est dans ce sens que le groupe se concentre davantage sur l’innovation et la technologie. En fait, le groupe a d’abord mis en oeuvre son approche en Afrique, en développant des produits personnalisés, en offrant des services et des outils numériques pour mieux soutenir l’agriculture dans la région. La forte croissance sur le continent affirme l’ambition du groupe d’être un partenaire de l’agriculture et du développement africain à travers sa filiale, OCP Africa. Cette stratégie cible un produit fertilisant mieux adapté aux sols et aux cultures locales.
De même, depuis 2018, l’OCP a lancé l’initiative de développement agricole « Al Moutmir » qui est une offre multiservices comprenant des solutions innovantes et personnalisées pour mieux accompagner les agriculteurs et surtout les petits. Cette initiative est axée sur la promotion des meilleures pratiques agricoles, techniques et de gouvernance, et en particulier la fertilisation raisonnée comme véritable levier pour améliorer la productivité et préserver les ressources naturelles. Incubée au niveau de l’UM6P depuis juillet 2022, ce programme jouit aujourd’hui du soutien de l’écosystème d’innovation et de recherche appliquée de l’UM6P. Il comprend une offre customisée allant de l’identification des besoins des sols, à la mise à disposition d’intrants pour la fabrication de solutions de fertilisation sur mesure, en passant par l’accompagnement de l’agriculteur pour une meilleure adoption des bonnes pratiques agricoles ainsi que sa connexion au marché.
SAÏD NAOUMI