Election présidentielle scrutée : Typologie des candidats et potentiels de victoire électorale

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L’horizon de l’élection présidentielle est brumeux en RDC, dans un climat politique délétère sur fond de la nébuleuse crise militaire à l’Est de la RDC, la cohésion nationale dégradée, et les finances publiques amenuisées. Pire, la CENI fait face aux gigantesques défis opérationnels et aux contraintes budgétaires colossales, avec 30 % seulement de son budget de plus de $ 1,3 milliard décaissé. La CENI est donc dans l’impossibilité de réaliser les élections générales en Décembre 2023, comme l’a reconnu le Président de l’administration électorale, Denis Kadima, dans une interview sur France 24, le lundi 16 octobre, 2023. Par ailleurs, le fichier électoral est acerbement critiqué, voire radicalement rejeté, par les opposants. Ils le considèrent comme étant tripatouillé en faveur de la frange politique au pouvoir. En plus, le bureau de la CENI est taxé de partialité, car il est composé de certains courtisans tribaux et des opportunistes débauchés de l’opposition. Malgré tout cela, il y a 24 candidats qui se sont enregistrés pour la compétition électorale présidentielle. On trouve parmi ces candidats présidents des personnages dont le profil et la trajectoire, la vacuité en investissement sociopolitique, sur fond d’un néant en organisation politique, sont en discordance éducative, expérientielle et politique, avec les exigences canoniques d’un président de la République moderne. Surtout dans un pays dont les défis de la démocratie, du développement et de la paix sont si complexes.

Alors qu’ils exigent des élections crédibles, beaucoup de candidats présidents sont loin d’être eux-mêmes crédibles, par rapport aux standards d’un candidat président contemporain. Ces politiciens Congolais exigeaient les élections à cor et à cri. Ils ont envoyé les jeunes sur les rues, certains à la mort, pour ces élections. Mais beaucoup de ces politiciens faisaient tout sauf se préparer professionnellement, sur le plan de la stratégie, des exigences opérationnelles et logistiques sur toute l’étendue du territoire, pour ces scrutins. Surtout au niveau présidentiel, les candidats présidents par improvisation, par stratagème opportuniste de la politicaillerie, voire par pulsion narcissique, abondent. Chacun de ces 24 candidats présidents de la République a l’ambition de conduire ce vaste pays, porteur du potentiel de propulsion du développement de l’Afrique, vers sa destinée historique.

Dans cette cogitation, J’esquisse une conceptualisation typologique des candidats présidents de la RDC. La démarche explore d’abord l’épineuse problématique de l’électoralisme régressif et artisanal comme une caractéristique du sous-développement tant des acteurs politiques que du système politique. Celui-ci est dépourvu de ce que le Professeur Mulumbati Ngasha de l’UNILU conceptualise en Sociologie Politique comme étant « le pouvoir Immédiat ». Il constitue une puissance de la conscience collective imposant une certaine normativité générale conditionnant les comportements dans la république et aussi nécessitant la conformité au canon présidentiel défini dans une société – en RDC le canon présidentiel est dégénéré. La règle est : n’importe qui peut être président. Le pouvoir immédiat, opérant dans la conscience collective, permet de sélectionner minutieusement le personnel politique de la Res Publica, afin d’élaguer, par rejet sociétal, des personnages inadéquats. Ils encombrent inutilement la compétition électorale présidentielle. Ensuite, l’exploration épingle les paramètres déterminants de la compétition électorale. Elle propose une typologie des candidats en esquissant leurs probables niveaux de productivité électorale. La conclusion souligne l’urgence d’une révolution de notre culture et de notre praxis électorale pour la libérer de son emprise artisanale. Elle propose une révolution vers l’électoralisme d’élévation, porteur d’un rayon de la réinvention du Congo.

 

LA PROBLEMATIQUE DE L’ELECTORALISME REGRESSIF DANS LA PRAXIS POLITIQUE ARTISANALE EN RD CONGO

 

La réflexion profonde sur notre pratique électorale depuis 1960 indique un enracinement dans un électoralisme sous-développé (avec beaucoup d’incultes politiques, mêmes détenteurs des diplômes), artisanal et donc régressif. Cette situation s’explique essentiellement par le fait que l’homo politicus Congolais est encore plus impulsé par son ego que par une cognition cartésienne du bien collectif – qui est le bien suprême comme prescrit Aristote dans Ethique à Nicomaque. Ainsi chacun ignore les autres et la nécessité de la synergie, et se proclame candidat président messianique. C’est pourquoi, l’opposition, en particulier, ne réussit jamais à se souder pour présenter un candidat commun (la cabale-débâcle de Genève nous l’a amplement démontré) face à la majorité. Celle-ci est restée depuis 2006 dans la logique d’une large alliance intégratrice de tous les courants politiques (MP, AMP, FCC, USN). Cet égocentrisme politique frise un nombrilisme absurde. Ainsi, certains intellectuels (surtout de la Diaspora) dépourvus de trajectoire politique, d’immersion sociale, d’investissement et d’organisation politique, même dans un seul district de Kinshasa, et donc censés réaliser qu’ils ne peuvent pas engranger même 0,1 % des votes, affichent toujours le donquichottisme politique incompréhensible d’être candidat président de la République. Par ailleurs, dans les partis politiques, le sens de l’organisation électorale moderne, la planification électorale proactive, la formation pour les élections, la connaissance systématique du terrain, la technologie électorale moderne avec des applications électorales (Dialog Loop, ELIGO eVoting, NemoVote, RankedVote, Vox Vote, etc.), sont toujours au rabais. Alors que les leaders politiques exigent un fichier électoral crédible à la CENI, on ne connait aucun parti politique qui a sa propre base de données de ses membres et des électeurs enregistrés, avec un arsenal informatique. On observe le bricolage et l’amateurisme. Même dans la majorité, on observe des déficiences en méthodologie préparatoire électorale moderne. La notion de leadership électoral et le recours à la techno-informatique électorale sont des denrées rarissimes dans les partis politiques congolais dans la majorité tout comme dans l’opposition.

 

Mais, ce qui est encore plus régressif c’est la finalité de l’électoralisme inhérente à la politicaillerie opportuniste, egocentrique et retardatrice de la société. Dans cette situation, les élections sont comprises dans les partis (et dans un important segment de la société), comme un simple mécanisme d’accès au pouvoir afin de jouir des prébendes et de la gloire y attachés. Les élections ne servent pas la finalité de la sélection des animateurs institutionnels propices au développement. Dans la majorité tout comme dans l’opposition, les alliances se nouent principalement par calcul des gains personnels liés à l’accès aux postes dans la prochaine dispensation politique. Dans une perspective marxiste, il s’agit en fait d’un trait de sous-éclosion superstructurelle qui est le reflet du sous-développement matériel du pays. Ainsi, le peuple maintenu dans une situation où il porte la fausse conscience, continue à voter non pas par la raison libératrice (productrice de la vraie alternance par les porteurs d’innovation), mais par allégeance primaire d’ordre tribal et clientéliste. Il en découle la perpétuation de la prise en otage de toute la société par les pseudo-élites politiques dysfonctionnelles. Cela bloque le système politique dans l’autoritarisme électoraliste, éloigné de la démocratie.

 

LES PARAMETRES DETERMINANTS DE LA COMPETITION PRESIDENTIELLE ET LA TYPOLOGIE DES CANDIDATS

Dans la pratique politique moderne, cinq paramètres déterminent la victoire électorale présidentielle. Le paramètre premier de la compétition électorale c’est le programme électoral référentiel (qui va orienter l’action gouvernementale générale en cas de victoire du candidat). Cet arsenal programmatique est composé selon les normes gouvernologiques (Voire mon ouvrage intitulé La Gestion Politique du Programme de Gouvernement. USALGA, Kinshasa 2016). Essentiellement, comme tout autre programme politique, le programme électoral référentiel (matriciel) est fondé sur une vision découlant d’une idéologie. Celle-ci structure une cognition de la société. Force est de souligner que le programme électoral (même pour les députés) au-delà de sa fonction attractive des électeurs, est porteur de l’hypothèse de la transformation sociétale. Tout en définissant les problèmes, il propose les modalités de leur résolution, en conformité avec les prescriptions idéologiques du candidat, en puisant dans le projet de société de son parti, en tenant compte du cadre logique national et international. Beaucoup de candidats ont publié des documents appelés «programme électoral», mais qui sont en écart avec les normes en la matière et affublés des budgets illusoires. Ce sont donc de simples amalgames de souhaits dénués de rationalité gouvernologique et politologique.

Le deuxième paramètre, qui est prédéterminant, est la possession d’une large organisation politique, l’immersion sociale, avec un réseau ou des embranchements couvrant toute la circonscription électorale (tout le territoire national pour l’élection présidentielle). Une large organisation traduit le professionnalisme politico-électoral. En plus, il démontre un enracinement sociopolitique porteur de la capacité de diffuser les idées, de mobiliser les électeurs et les témoins. Le troisième paramètre ce sont les ressources humaines dont est dotée l’organisation politique. On ne peut pas remporter l’élection sans militants, sans cadres, sans animateurs des comités de campagne. C’est simplement chimérique. Les femmes, les hommes, les jeunes, mobilisés assurent une large et efficiente opérationnalisation de la campagne électorale. Cela permet de dépenser moins, car le candidat aura des relais dans les coins les plus éloignés du territoire, surtout dans un pays immense comme la RDC – où il est impossible pour les candidats présidents de parcourir tous les 145 territoires, de Zongo à Kipushi, de Bansankusu à Kitshanga, de Drodro à Moanda.

Le quatrième paramètre c’est l’argent sur base d’un budget rationnel. Indispensable, il détermine les autres facteurs. Il permet d’assurer le fonctionnement de l’organisation, de motiver les ressources humaines, d’acquérir le matériel de la campagne électorale, de disponibiliser la logistique (avions, bateaux, pirogues, motos, bicyclettes, ordinateurs) et surtout d’assurer la communication.  Le cinquième facteur c’est le génie politique en termes de stratégie et de tactique politico-électorale. Un candidat peut avoir une large organisation, des membres et beaucoup d’argent, mais si sa connaissance du terrain est déficiente, la stratégie et la tactique seront inévitablement aléatoires. Les résultats vont en partir. Une autre dimension à y jouter est celle des réseaux sociopolitiques. En Afrique, et en RDC, en particulier, il faut avoir tissé d’excellentes relations avec les journalistes, les patrons des organes des medias, les personnalités à haute rentabilité électorale (chefs coutumiers, pasteurs, prêtres, Imams, présidents des ONG, artistes). Un réseau informel dans l’administration territoriale voire dans l’appareillage sécuritaire est aussi important.

TYPOLOGIE ET PROJECTION DE LA PRODUCTIVITE ELECTORALE DES CANDIDATS PRESIDENTS DE LA REPUBLIQUE

 

A la lumière de ces cinq facteurs déterminant la victoire électorale présidentielle, éclairés ci-dessus, dans l’optique politologique on peut esquisser la typologie suivante des 24 candidats présidents. Il s’agit des candidats donquichottesques, transactionnels et substiantiels.

 

Candidats donquichottesques (candidats self-messianistes). D’un Idéalisme hallucinatoire, ils sont convaincus qu’ils sont porteurs des vertus exceptionnelles, inégalées, et de la mission messianique de sauver le Congo. Mais, il y a une large portion de fantasme narcissique et de donquichottisme politique dans leur entreprise électorale. En effet, certains souffrent d’indigence abyssale (dont ils sont inconscients) en épistème et praxéologie politique, en organisation politique et en gestion du personnel politique (étant dépourvus d’expérience de gestion même d’un parti communal). Certains d’entre eux qui proviennent de la Diaspora en particulier sont convaincus que seule leur effervescence intellectuelle combinée avec leurs backgrounds professionnels, sur fond des incantations de leurs programmes politiques fantasmagoriques, leur feront remporter les élections. Pourtant, ils n’ont aucun investissement sociopolitique substantiel et durable en RDC qu’ils peuvent capitaliser pour une compétition électorale même relativement crédible et professionnelle. Eblouis par les applaudissements frénétiques dans quelques auditoires dans les capitales étrangères et à Kinshasa, aveuglés par les éloges émanant de jeunes journalistes peu informés (ou improvisés sans formation) qu’ils impressionnent lors des émissions télévisées, ils ignorent que les acclamations populistes et les éloges journalistiques ne se convertissent pas en votes sur terrain. Néophytes politiques, certains entrent dans l’arène du pouvoir pour la toute première fois comme candidat président. Leur campagne est minée par le déficit de pénétration sociopolitique à la périphérie de la capitale et dans les provinces. Ainsi donc, leur productivité électorale sera probablement de moins de 0,1 % des votes pour chacun. Dans leur totalité, ils pourraient engranger moins de 5% de l’ensemble de votes.

 

Les candidats transactionnels sont ceux dont les candidatures ont pour finalité ultime la négociation des postes dans le prochain gouvernement, d’autres positionnés pour contrer les adversaires ou fragmenter leurs électorats, en échange de soutien à ceux qui ont tangiblement plus de probabilité de gagner. Ayant déjà exercé de hautes fonctions, certains candidats transactionnels sont des politiciens chevronnés. Ils sont souvent maitres des manœuvres et autres fourberies politiciennes – comme on l’a vu dans la cabale de Genève. Quelques uns sont des operateurs des partis politiques et autorités morales des regroupements politiques montés de toutes pièces. Dans la compétition électorale actuelle, beaucoup d’entre eux sont des opposants situationnistes provenant de la majorité. Malgré leur notoriété et leur effervescence populiste dans les medias à Kinshasa, voire une certaine capacité de mobilisation dans quelques coins provinciaux, ils sont dépourvus d’organisation électorale et des réseaux politiques sur tout le territoire. Très peu d’entre eux ont des fonds suffisants pour battre une campagne efficace sur toute l’étendue de la RDC. Leur productivité électorale individuelle sera de moins de 2% des votes. Mais, dans l’ensemble ils pourraient en cumulé atteindre moins de 10 % de la totalité de votes.

 

Les candidats présidentiels substantiels portent la plus grande probabilité d’être élu président de la République en conformité avec les paramètres politologiques et opérationnels explicités ci-haut. Ils sont les leaders des partis politiques immensément implantés et de larges coalitions d’envergure nationale. Certains ayant déjà gouverné, ont composé des programmes électoraux plus réalistes en conformité avec quelques exigences principielles en la matière. Les candidats présidents substantiels (substantialité expansive et relative pour certains) sont aux commandes de véritables armadas électorales. Certains d’entre eux ont accumulé des fonds colossaux et ont déjà acquis la logistique. Ils ont aussi une expérience avérée sur terrain – dont sont totalement dépourvus les candidats fantasmagoriques. En plus, ils bénéficient d’un complexe réseau de personnalités sociales à haute rentabilité électorale. Certains maitrisent l’administration territoriale et ont des connections dans l’appareillage sécuritaire. Il y a huit candidats dans ce compartiment typologique : Felix Tshisekedi, Moise Katumbi, Augustin Matata, Adolphe Muzito, Denis Mukwege, Martin Fayulu, Dely Sessanga, Franck Diongo (rangés de la substantialité expansive à la substantialité relative). Certains candidats à substantialité relative, les candidates donquichottesques et transactionnels vont immanquablement désister et se joindre aux compétiteurs de pointe étalant plus de puissance électorale. Au finish, le deuxième et le troisième mieux élu à l’éventuelle compétition électorale présidentielle de décembre 2013, vont cumuler autour de 20 % des votes en addition. Le candidat qui va l’emporter engrangera entre 30 et 40 % des votes à ce seul tour de l’élection présidentielle.

Tableau typologique et paramètres d’une projection chiffrée (l’auteur)

TYPOLOGIE DE CANDIDATS

VISION

ORGANISATION POLITIQUE

RESSOURCES

HUMAINES

RESSOURCES

FINANCIERES

STRATEGIE GEOPOL.

RESEAUX

 

Candidats donquichottesques ou candidats self-messianistes

20 %

0,5- 2 %

0,5 – 5 %

5-10%

2%

 

Candidats Transactionnels

(candidature de négociation politique)

45 %

15-25 %

10-20 %

10-25%

20-30%

 

Candidats substantiels

(Haute rentabilité électorale)

65 %

45-55 %

50-60%

40-60%

40-55 % seul

55-65 % en alliance

 

 

CONCLUSION : VERS L’ELECTORALISME DEVELOPPEMENTAL PROPULSEUR DE LA R.D CONGO

 

En ultime instance, il convient donc de souligner d’un trait épais la philosophie reinventioniste des élections qui est proposée pour la propulsion du Congo – Nation Ishango – vers la réalisation de sa vision Lumumbiste du Congo Etoile Brillante au Cœur de l’Afrique. La matérialisation de cette vision du Père du Républicanisme Nationaliste Congolais, Emery Patrice Lumumba, nécessite la sélection rigoureuse d’un personnel politique choisi par le peuple qui constitue la force la plus déterminante de la mutation qualitative des Etats. Cette vérité scientifique a été démontrée avec sagacité par les Professeurs James Robinson et Acemoglu dans leur célèbre ouvrage bestseller «Why Nations Fail» (Pourquoi les Nations Echouent). Sous cette lumière, la vérité apodictique est : la RDC est fondamentalement le reflet de la qualité des femmes et des hommes animant les institutions de la République, c’est-à-dire son personnel politique cardinal. En d’autres termes, la qualité des élections détermine la qualité de l’Etat et du gouvernement. Ainsi donc, réinventer la RD Congo passe inéluctablement par la réinvention de notre électoralisme : c’est une responsabilité nationale. La RD Congo doit donc se libérer de l’électoralisme artisanal régressif. Et cela, tant à la CENI que dans les partis politiques artisanaux, les coalitions neomobutistes (du genre comité central Zaïrois), à l’âge du la techno-modernité électorale a visée développementale. Cela exige la mise à la disposition de la République d’un personnel politique rigoureusement sélectionné par la société avant et pendant les scrutins, pour la propulsion de la nation vers sa destinée de puissance.

 

Hubert Kabasu Babu Katulondi (Libre-penseur, Ecrivain, Président d’AGIR NEW CONGO)

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