
Aussi étonnant et incompréhensible que cela puisse paraître. Un parti, pas le moindre du paysage politique Rd congolais, tient à la reconquête du pouvoir sans passer par aucun de ses modes d’acquisition. C’est le moins que l’on puisse dire du parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila qui, dans sa nouvelle version, refuse de s’engager dans le processus démocratique normal pour reconquérir le pouvoir. Et quand on l’accuse de s’engager dans une révolution pour renverser le pouvoir à Kinshasa, il clame son innocence. Comment dès lors, le PPRD compte-t-il reconquérir le pouvoir ? Lui seul, le sait !
Démocratie électorale
L’histoire retiendra que le PPRD aura été le premier parti à accéder au pouvoir à l’ère de la démocratie électorale sous la 3ème République en 2006. C’est ce parti, né dans le pouvoir, lors des soubresauts de la crise politique après l’entrée de l’AFDL, qui avait battu campagne pour le oui, pendant le référendum constitutionnel de 2005. Alors que son initiateur, Joseph Kabila était président de la République sous le schéma 1+4, le PPRD s’était montré démocratique en soutenant le processus électoral de 2006 à travers lequel, il a fini par confirmer son statut de première force politique à l’issue de la présidentielle et des législatives nationales combinées. A ce moment, la démocratie électorale était un exercice plaisant pour le PPRD. Même l’appel au boycott du processus électoral initié par l’UDPS, “populaire” parti de l’opposition, ne pouvait pas l’empêcher d’asseoir l’irréversibilité de ce processus. Le parti d’Étienne Tshisekedi s’était, en vain, soustrait du processus électoral. Le ciel n’était pas tombé sur la RDC qui a vu ses institutions être mises en place.
Cycle électoral 2023
Pendant 12 ans, le PPRD a su préserver son hégémonie sur d’autres partis politiques, y compris sur le Palu d’Antoine Gizenga et l’UDPS d’Étienne Tshisekedi, en dépit de leur ancienneté dans l’arène politique du pays. Ainsi, son initiateur a été réélu président de la République en 2011, gardant ainsi sa place de première force politique à la 2ème législature de la 3ème République.
Mais lors des élections générales de 2018, ce parti commence à subir des secousses. Il perd la présidentielle, mais garde la majorité parlementaire. L’exercice “non aisé” du pouvoir de son partenaire de coalition, à savoir le président Félix! Tshisekedi, a conduit au renversement de cette majorité parlementaire. Ceci était rendu possible par ce que d’aucuns ont qualifié de débauchage des sociétaires du FCC, plateforme politique de Joseph Kabila, pour en faire membre de l’Union Sacrée de la Nation, plateforme politique de Félix Tshisekedi. Ça aura été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le PPRD va, dès cet instant, perdre son goût à la démocratie électorale.
Lors des élections de 2023, c’est un PPRD “New-look” qui se révèle. Le parti n’en avait pas encore fini de digérer sa débâcle parlementaire, lorsqu’il fut invité à se présenter aux élections de 2023. Il lui fut donc judicieux de se soustraire de ce processus électoral. A cette époque, son combat n’était pas l’opposition républicaine ou radicale, mais la résistance. “Nous devons résister “, disait Joseph Kabila chaque fois qu’il en avait l’occasion pour galvaniser le moral de ses acolytes. L’option était claire: “ne pas participer aux élections de 2023”. Ce choix, était pour plusieurs observateurs irréfléchis pour le PPRD, qui a vu l’UDPS boycotter les élections de 2006, sans que le ciel ne s’abatte sur la RDC. D’aucuns se posaient la question de savoir, comment le PPRD pourrait-il reconquérir le pouvoir sans participer aux élections ?
La Révolution
La révolution est un des 5 modes d’acquisition du pouvoir politique étudiés en sciences politiques. Seulement, elle est antidémocratique. Après son refus de participer aux élections de 2023, le PPRD a été accusé de s’engager dans une voie révolutionnaire pour récupérer le pouvoir qui lui a échappé en 2018. La rébellion de l’AFC annoncée par Corneille Nangaa le 15 décembre 2023 et le ralliement de plusieurs jeunes du PPRD à ce mouvement, étaient vus comme des preuves que l’ancien parti au pouvoir avait choisi cette voie pour reconquérir le pouvoir à Kinshasa. Pendant un long moment, les structures de ce parti étaient devenues aphones sur la situation politique du pays. A l’usure du temps, la situation sécuritaire se dégrade dans l’est du pays, le M23/AFC soutenu par le Rwanda occupe plusieurs zones dont les villes de Goma et Bukavu, le président du PPRD Joseph Kabila rond son silence. La position de celui que les congolais ont surnommé “recteur de l’université de KARA”, faisant allusion à son silence légendaire, étonne plus d’un. Joseph Kabila s’en était pris à l’armée sud-africaine venue à la rescousse des FARDC, suscitant ainsi les critiques des congolais qui l’ont soupçonné de soutenir le Rwanda et le M23/AFC.
Dès cet instant, un activisme politique se constate du côté du PPRD qui disait désormais être prêt pour des “actions clandestines”, à en croire Aubin Minaku. C’est là que les congolais ont lié le PPRD à la révolution montante.
Ni démocratie électorale, ni révolution
Le comble est qu’après les élections de 2023, le PPRD n’a compté aucun élu tant au parlement que dans les assemblées provinciales. Sa reconquête du pouvoir par les élections est indéniablement à écarter. Cependant, en réaction à l’accusation portée contre lui, de vouloir renverser le pouvoir à Kinshasa, le PPRD clame son innocence. Invités à l’Auditorat militaire suite aux soupçons d’entretien de la milice Mobondo dans le grand Bandundu et un lien avec la rébellion de l’AFC dans le Nord-Kivu, des hauts cadres du PPRD, Emmanuel Ramazani Shadari, Aubin Minaku et Ferdinand Kambere, ont mis quiconque au défi d’en apporter les preuves. “En droit pénal, on ne juge pas sur base des rumeurs, mais plutôt sur bases des faits, des preuves “, a soutenu India Omari, un autre cadre du PPRD. Comme pour dire que les ralliements des jeunes du PPRD à l’AFC sont des actes individuels qui n’engagent que leurs auteurs et non le parti.
La défense du PPRD face aux accusations paraît légitime, sauf en cas des preuves tangibles. Seulement le parti de Joseph Kabila semble dire au monde qu’il a opté pour un autre mode d’acquisition du pouvoir que la démocratie électorale encore moins la révolution. Il en restera à ce moment-là trois, la cooptation, l’hérédité et le coup d’Etat. Seul, le PPRD “New-look” est mesure de dire aux congolais, par quel mode pense-t-il reconquérir le pouvoir en tant que parti politique.
Ambroise Mamba Ntambwe, journaliste et chercheur en sciences politiques