Sous la houette de la Cour Constitutionnelle, une jurisprudence qui ne peut faire jurisprudence Le Professeur Mampuya tacle la Cour Constitutionnelle

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Il a voulu, simplement, que les juristes s’inquiètent du sort de leur discipline si mal famée dans la société. Tout ce qui revient aux juristes, c’est ce à quoi le Professeur Mampuya invite modestement les juristes soucieux du droit, être des lanceurs d’alerte contre un droit dégradé et vilipendé, être engagés à obtenir que cela cesse. Par ailleurs, il invite les juristes à être les derniers naïfs dans le droit, comme le prêtre devrait être le dernier naïf à croire en Dieu quand bien même tout le monde lui aurait tourné le dos.

C’est au Centre CEPAS qu’à lieu ce jeudi 20 juillet 2023, le vernissage du Livre intitulé : « Sous la houlette de la Cour Constitutionnelle, une jurisprudence qui ne peut faire jurisprudence ». Porté sur les fonts baptismaux par le Professeur Jean-Louis Esambo Kangashe, le livre du Professeur Auguste Mamapuya Kanunk’a Tshiabo est édité aux éditions René Descrate et couvre 169 pages.
Devant un pactole de Professeurs des universités de Droit, chercheurs en Droit, avocats et magistrats, ce énième livre vient enrichir l’arsenal juridique dans cet univers de droit où les doctrinaires se disputent le savoir juridique.
Me Kodjo Ndukuma Adjayi, Professeur Associé des Universités, Avocat à la Cour a fait l’économie de cet ouvrage de 169 pages repartis en trois chapitres outre l’introduction. Le Premier chapitre parle du Droit de critiquer la Jurisprudence; le Deuxième chapitre soulève les conditions de la fonction judiciaire et enfin le Chapitre trois évoque les dérives jurisprudentielles.
Ce livre vient susciter débat, un livre provocateur comme l’a dit le Professeur Jean-Louis Esambo et qu’il faudrait s’y attendre à des réactions. Lesquelles réactions doivent venir par les écrits et non par les réseaux sociaux ou de débats à la télévision.
En lisant entre les lignes, tout le monde sait à qui il s’adresse.
Cet ouvrage est Provocateur puisque la jurisprudence qui n’est plus source de droit congolais, fait jaser et suscite polémique et jette en discrédit à la justice congolaise.
La dernière est celle de l’arrêt de la Cour constitutionnelle dans l’affaire Ministère public contre Matata Ponyo et consorts.
A en croire le Professeur Auguste Mampuya, dans cette affaire, il y eut trois arrêts, dont deux émanant de la Cour constitutionnelle encadrant dans le temps le troisième, celui de la Cour de cassation.
“Le premier arrêt de la Cour constitutionnelle est le RP0001 du 15 novembre 2021, par lequel elle se déclarait incompétente pour juger un ancien Premier ministre, affirmant que sa compétence ne concerne que le Premier Ministre en fonction.
A ce sujet, le Professeur Mampuya avoue qu’il n’a pas besoin d’analyser cet arrêt ni même de le commenter. “Toute la suite ayant dépendu de l’interprétation des articles 163 et 164 de la constitution demandée par la Cour de cassation, il s’est limité ici à affirmer que dans son arrêt d’incompétence, la Cour constitutionnelle n’avais pas pu se prononcer sans fournir d’une manière ou d’une autre ce qu’elle entendait par le contenu de ces deux articles.
Ceci dit, les feuilles 14 et 15, on retient que la Cour estime que ces articles 163 et 164 de la constitution concernent le Premier ministre en fonction et que M. Matata Ponyo a cessé d’être Premier ministre, s’alignant ainsi sur l’argumentation, simple et séduisante, de la défense toute imbibée par le charme débonnaire du doyen Nyabirungu
La Cour de cassation se livre à un exercice incompréhensible
Le Professeur note qu’après l’arrêt RP 0001 de la Cour constitutionnelle, par lequel elle se déclarait incompétente pour juger un ancien Premier Ministre, la Cour de cassation fut saisie pour, malgré tout, et à cause de l’incompétence déclarée du juge constitutionnel, juger l’ancien Premier ministre. “Ce qui nous intéresse ici, c’est uniquement la circonstance que par son arrêt RP09/CR, la Cour de cassation ne s’est prononcée que sur les exceptions soulevées par l’inculpé contestant la compétence de la Cour à le juger, ainsi que la recevabilité de l’action du Ministère public. Pour ce faire, je n’ai pas besoin de tenir compte de l’arrêt d’incompétence de la Cour constitutionnelle ni, encore moins, des faits reprochés à M. Matata Ponyo, faits que du reste j’ignore et dont je n’ai pas le moindre besoin pour examiner et apprécier cet arrêt de la Cour de cassation; je ne m’y référerai donc pas”, a-t-il précisé dans son ouvrage.
Ceci justifie cela dans son ouvrage, qu’il est difficile de comprendre la décision de la Cour, dont l’unique point du dispositif dit qu’elle sursoit de statuer dans cette cause et saisit la Cour constitutionnelle.
Néanmoins, ajoute-t-il, que les paragraphes qui précèdent le dispositif devraient expliquer la démarche du juge qui le conduit aux décisions figurant dans le dispositif; ils doivent exposer la motivation du dispositif, consistant à analyser juridiquement les moyens juridiques avancés par les parties, le Ministère public et le défenseur, et justifiant pourquoi le juge rejette tels arguments en retenant tels autres et comment elle construit son propre raisonnement et justifie sa propre décision.
Dans ce sens, la Cour de cassation aurait dû dans ce cas examiner l’exception telle que l’a formulée la défense et expliquer pourquoi elle accepte ou rejette cette exception. “Avec la conséquence qu’en cas de rejet, le procès reprendrait pour examiner dans le fond les faits reprochés à M. Matata, les infractions alléguées contre lui, tandis qu’en cas d’acceptation que l’exception est fondée, la Cour de cassation aurait dû mettre fin au procès engagé devant elle contre l’ancien Premier Ministre”, précise le Professeur Ordinaire Emérite.
Cet ancien juge ad hoc à la Cour internationale de justice note, qu’au lieu de lire et d’analyser l’exception d’incompétence dans les termes et moyens juridiques du défendeur qui rejetait la compétence de la Cour de cassation à son égard, la Cour se livre à un exercice incompréhensible, sauf à renoncer à le comprendre parce qu’il s’agirait alors d’un véritable miracle dans le sens de la Sainte Bible, un véritable mystère auquel il faut croire sans chercher à comprendre. C’est ce dont, il avait qualifié jadis du triple miracle de Cana.
Il poursuit pour dire, que de fait, le seul paragraphe où la Cour examine l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur est celui où elle dit “La Cour de cassation retient que cette exception, mieux cette fin de non-recevoir est en réalité, mieux implicitement, une exception d’inconstitutionnalité réclamant l’application de l’article 162 de la Constitution”.
Pour le Professeur Ordinaire Emérite, c’est un paragraphe tarabiscoté, avec des expressions étrangères au domaine juridiqu en une langue incompréhensible qui fait d’une exception d’incompétence une fin de non-recevoir et en réalité implicitement, une exception d’inconstitutionnalité.
La Cour de cassation commet un détournement de pouvoir ou de prérogative
Poursuivant sa démarche, se référant cette fois-ci aux dispositions procédurales des articles 80 de la Loi organique relative à sa procédure, ainsi qu’à l’article 108 de la Loi organique sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation s’arrête sur les expressions retenues aux articles 163 et 164 de la Constitution, entendu “dans l’exercice de ses fonctions” et “à l’occasion de l’exercice de ses fonctions” s’agissant de faits imputables au Premier ministre, alors que la défense n’en fait nullement le fondement de ses exceptions. “La Cour de cassation, sans doute trouvant ces expression incompréhensibles, sent le besoin de demander à cette haute juridiction de lui donner la portée exacte de ces deux expressions…en ce qui concerne les poursuites engagées actuellement contre le Sénateur Matata Ponyo Mapon Augustin pour les actes posés dans la période om il exerçait effectivement les fonctions de Premier ministre ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions”, a-t-il fait savoir.
Dans cette hypothèse, la Cour manifeste ainsi son intention de saisir la Cour constitutionnelle pour que cette dernière interprète ces deux expressions utilisées par la Constitution. Mais en se référant à l’article 80 de la Loi relative à sa propre procédure et l’article 108 de la Loi portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, dispositions relatives, la première aux infractions alléguées contre des membres du gouvernement autres que le Premier ministre et la seconde aux infractions commises par un Premier ministre en dehors de ses fonctions, on ne voit pas comment ces deux dispositions pourraient fonder le pouvoir pour la Cour de cassation de saisir la Cour Constitutionnelle en interprétation au cours d’une procédure d’exception pré juridictionnelle.
Ainsi dit, l’objet n’est donc plus de saisir la Cour constitutionnelle en inconstitutionnalité mais en interprétation, alors que les articles 163 et 164 avaient déjà fait l’objet d’interprétation par la même Cour constitutionnelle dans son arrêt RP 0001. Or, la Cour de cassation ne peut pas saisir la Cour constitutionnelle en interprétation, suivant les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 161 qui dispose “La Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires, des gouverneurs de Province et des présidents des Assemblées provinciales. La Cour de cassation n’y est pas citée. C’est de la triche!
Le laxisme jurisprudentiel avait déjà permis à la Cour de cassation, par un véritable détournement de prérogative et par abus de procédure, une voie inédite d’obtenir une interprétation dont la constitution ne lui reconnait par la compétence, en évoquant une inexistante exception d’inconstitutionnalité. “Et ce, parce que, dans une tribune consacrée à l’arrêt RP 09 CR, incapable de l’expliquer par le droit connu, j’appelais le triple miracle de Cana, de la transformation de l’exception d’incompétence en une exception d’inconstitutionnalité qui donnait à la Cour de cassation le droit d’en faire une requête en interprétation devant la Cour constitutionnelle, prérogative que la Constitution ne lui attribue pas.
Ceci dit, en matière pénale c’est le principe de la légalité. Il ny a pas de juge et de juridiction sans la Loi.
Par son arrêt RP 0001, tout est fait et tout est consommé par la Cour constitutionnelle. Il faudrait réécrire une autre constitution pour attribuer l’ancien premier ministre son juge, celle du 18 février 2006 ne lui reconnait pas une juridiction et un juge.
En sus, le Professeur Ordinaire Emérite Mampuya invite le Magistrat au devoir d’ingratitude vis-à-vis des politiques qui ont intégré et prêté le prétoire aux Magistrats. Ces derniers ayant la patate chaude ne savent pas la jeter par terre, mais la mange malgré eux! Ce dont la justice congolaise connait une dérive qui jette le discrédit sur le savoir juridique. Ceci est pour vrai, qu’à la différence du Conseil constitutionnelle français qui est un organe régulateur, la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo a toutes les matières dans la Constitution qui n’exige que son application stricte et objective.

Pius Romain Rolland

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