On aurait dû laisser Félix Tshisekedi exercer son pouvoir d’arbitrage au lieu d’imposer cette épreuve ayant pour conséquence de donner à Vital Kamerhe moins de la moitié des 470 voix de la Majorité parlementaire Usn, soit 183 voix…
Prévues pour le mardi 23 avril 2024, les primaires pour la désignation du candidat à l’élection du président du Bureau définitif de l’Assemblée nationale ont suscité, dès leur annonce la veille, des réactions dans tous les sens. Au nombre desquelles celles de l’honorable Augustin Kabuya exprimées en ces termes : « Ce sont les candidats eux-mêmes qui ont proposé cette primaire puisqu’ils n’arrivaient pas à s’entendre ». Déjà, c’est faux que trois personnes aient eu la même idée au même moment pour le même enjeu. L’idée est partie de quelqu’un. Soit de l’un des trois concurrents, soit d’une personne tierce…
Le vin étant tiré, il faut le boire…
Était-ce une raison pour entériner une formule de nature à fragiliser plutôt qu’à consolider la plate-forme, et encore en début du second et dernier mandat de Félix Tshisekedi, mandat tiraillé par des enjeux sécuritaires, politiques, diplomatiques, économiques et sociaux ? La réponse est NON !
En tant qu’autorité morale, le Président de la République avait le devoir d’arbitrage. En croyant l’épargner de ce devoir ou s’en épargner lui-même, il s’est en réalité fragilisé.
Le vin étant tiré, il faut le boire.
Ainsi, le jour de l’épreuve, les observateurs avertis ont entendu les concurrents s’adresser au même électorat. Leurs prestations ont eu parmi les points communs l’encadrement social des députés nationaux.
Vital Kamerhe, exhortant les députés à croire en lui par rapport au social, a rappelé qu’a son époque les honorables percevaient l’équivalent de USD 10.000 pour les vacances parlementaires. Il s’est abstenu d’avancer un chiffre par rapport aux émoluments. C’est plus prudent et sage.
Modeste Bahati s’est engagé, lui aussi, à améliorer les conditions sociales et salariales des députés, des assistants et administratifs, les étendant aux soins de santé. Il a eu, lui aussi, la présence d’esprit de ne pas aller dans les détails – lieu où loge le diable – concernant les émoluments. Même prudence, même sagesse.
Christophe Mboso a préféré utiliser la voie de la vérité. Il a rappelé qu’à son arrivée, les députés nationaux touchaient environ 4.000 USD. Maintenant, a-t-il laissé entendre, chaque député sait ce qu’il touche. Il n’en a certes pas révélé la hauteur que certaines langues situent autour de USD 21.000 au cours de la dernière législature et qui seraient, selon certaines langues, autour de USD 33.000 pour la nouvelle législature. Le candidat à sa succession s’est attribué l’octroi des véhicules Hyundai Palissades autour duquel la vérité annoncée (crédit) a été rattrapée par la vérité vécue (cadeau).
Chacun des trois concurrents a annoncé son programme de gouvernance
Hélas ! Christophe Mboso n’aurait dû évoquer cette affaire d’émoluments, ni de véhicules car il pouvait tout ignorer, sauf la clameur publique décriant la corruption. Dans sa prestation, il a reproché à ses concurrents de ne pas condamner Paul Kagame ; s’octroyant l’action d’éclat selon laquelle c’est sous sa présidence que le monde sait que Paul Kagame est l’agresseur de la RDC. Là, il a vraiment glissé en ce qu’il a donné l’impression d’avoir devancé le Président Félix Tshisekedi. Or, Fatshi a fait de la descente en enfer de son homologue rwandais l’œuvre de sa vie.
Modeste Bahati a flatté l’orgueil du Chef de l’Etat en le qualifiant de juste, démocrate, mwana mboka, champion de la masculinité positive et vrai pacificateur, comme pour disqualifier son concurrent Vital Kamerhe qui passe pour le « pacificateur ». Il a promis de renforcer la diplomatie parlementaire, d’entamer de véritables réformes institutionnelles et d’équilibrer les missions à l’intérieur et à l’étranger, mais aussi de mener la lutte contre la corruption, fléau devenu _«presque institutionnel_». Il s’est dit favorable à l’appui de la cour des comptes et à la bonne exécution du budget de l’État.
Quant à Vital Kamerhe, il a rappelé son passage à l’Assemblée nationale sous la première législature entre 2006 et 2009. Bien entendu, il a aligné ses atouts et ses acquis parmi lesquels la liberté d’expression reconnue aux députés nationaux pendant les plénières retransmises en direct sur la Rtnc pour éclairer l’opinion sur la gestion de la chose publique. L’innovation qu’il veut introduire consiste à voir l’IGF (Service rattaché au Président de la République) déposer aussi ses dossiers à l’Assemblée nationale, de même qu’à réserver à la journée de mercredi l’audition des membres de l’Exécutif, non sans garantir l’immunité parlementaire de plus en plus malmenée. Naturellement, il y est allé lui aussi, avec son ode à Félix Tshisekedi, son frère, son allié depuis Nairobi et dont il salue l’ingéniosité lui ayant permis, sans majorité au départ, de convaincre tous les autres pour créer l’Union sacrée.
Au final, chacun des trois concurrents a annoncé son programme de gouvernance de l’institution « Assemblée nationale ».
Sans préjuger de quoi que ce soit, Vital Kamerhe partait favori avec un atout que personne ne peut lui contester : les talents prouvés dans la gestion de la chambre basse.
Où sont passés les 100 députés nationaux absents ?
A l’heure où la Chambre basse a besoin d’une remontada devant effacer le gâchis des législatives de 2023, l’Union sacrée de la nation s’est retrouvée devant un choix responsable. Et là, l’Udps se devait de prendre conscience du fait qu’en acceptant la charge d’organiser des primaires à l’initiative du présidium de l’Usn, il ne sortait pas de l’auberge. Au contraire !
Les chiffres sont éloquents. On ne saura pas évaluer l’apport du parti présidentiel à la victoire de Vital Kamerhe qui a obtenu 183 voix ; Christophe Mboso le talonnant avec 113 voix pendant que Modeste Bahati s’est contenté de 69 voix.
Sur 376 votants pour une Majorité s’affichant avec 470 députés, presque 100 électeurs étaient absents. On ne peut pas dire qu’ils soient membres de l’Unc et de l’Afdc. Car les électeurs Unc et Afdc avec leurs alliés respectifs ne pouvaient que porter à 100 % leur choix sur les leurs.
Une première depuis 2006. Une mauvaise
A l’analyse des résultats, le plus surprenant est celui de Christophe Mboso. Avec son poids politique léger, atteindre 113 voix signifie qu’il a été le premier et le plus grand bénéficiaire d’une « consigne ». Et même s’il n’y a pas eu formellement une consigne, au moins le message est passé. Reste à savoir si c’était pour contrer Vital Kamerhe ou pour avoir succombé plutôt au discours sur les avantages sociaux promis par ce candidat. De toutes les façons, Christophe Mboso n’aurait dû jamais se porter candidat à sa succession. A 80 ans, il devait se retirer après avoir présidé le Bureau de l’Assemblée nationale de 2021 à 2024.
Modeste Bahati n’a vraisemblablement pas été modeste. Sa tentative de passer sans transition de la présidence du Sénat à celle de l’Assemblée nationale était osée ! Trop osée.
Vainqueur finalement des primaires, Vital Kamerhe a réussi son come-back. Mais, à quel prix ? _«Je n’avais jamais demandé d’être candidat Président de l’Assemblée nationale. J’étais en réalité le choix du Président de la République depuis plus de deux mois. Les autres sont venus exprimer leurs désidératas. Le Président a essayé d’aplanir les angles des uns et des autres_», a-t-il déclaré. Autant dire une invite à la méditation.
Ce mercredi 24 avril 2024, reçu en audience par le Chef de l’Etat à la Cité de l’Union africaine, il a remercié le présidium de l’Union sacrée et rassuré ses concurrents. _«Je voudrais leur dire que nous avons gagné ensemble ; nous avons pris l’engagement devant le Président de la République de mener un combat loyal et démocratique_», a-t-il dit, ajoutant en substance, au sujet des réformes : _«Nous allons faire en sorte que la séparation des pouvoirs soit une réalité. Nous allons pousser le gouvernement à remplir ses assignations à travers un contrôle parlementaire. Nous ferons en sorte que les cris de détresse des populations particulièrement sur l’agression soient relayés dans les débats parlementaires et nous ferons en sorte que les réformes soient élaborées et adoptées_ ».
N’empêche qu’on aurait dû laisser Félix Tshisekedi exercer son pouvoir d’arbitrage au lieu de lui imposer cette épreuve des primaires. Car, au finish, le futur speaker national aura obtenu moins de la moitié des 470 de sa Majorité parlementaire, soit 235 voix.
C’est une première dans l’histoire des législatures depuis 2006.
Une première dont l’Union sacrée de la nation se serait passée pour le bien de tous les sociétaires.
Chacun des protagonistes sait désormais à quoi s’en tenir…
Omer Nsongo die Lema