Comme cela a été le cas avec la nomination prématurée de l’informateur, la méthodologie adoptée pour la délivrance de la Carte d’Identité procède de la mise de ma charrue avant le bœuf…
Les étapes sont comme planifiées
Depuis le vendredi 26 avril dernier, l’Office National d’Identification de la Population (ONIP) a repris l’opération de délivrance de la Carte nationale d’identité.
Plusieurs officiels se sont rendus dans ses installations pour se la procurer.
En consultant son site Web, il ressort que l’office a des missions suivante : Identification systématique et effective de la population congolaise vivant en RDC et à l’étranger ;
Identification systématique et effective des étrangers vivant en RDC ;
Constitution et Entretien du Fichier général de la population (FGP) ;
Délivrance de la Carte d’Identité Nationale (CIN), de la carte de résident pour étrangers et d’autres imprimés produits à partir du Fichier général de la population ;
Attribution d’un Numéro d’Identification Nationale (NIN), unique pour chaque individu, pouvant permettre sa traçabilité et
Emettre un avis sur la politique de l’Etat en matière de la constitution et de gestion du Fichier général de la population.
Sauf erreur d’appréciation de notre part, les étapes sont comme planifiées.
L’une de ces pièces est exigée :
-le Permis de conduire (valide ou pas),
-la Carte d’électeur lisible (pas une carte brûlée) ;
-l’Acte de naissance ;
-le Jugement supplétif ;
-le Passeport ;
-la Déclaration des trois (3) témoins détenteurs de la carte d’identité.
Planification de la fraude à la nationalité et à l’identification congolaises
En attendant de savoir comment va-t-on faire avec la carte d’électeur “biodégradable”, retenons déjà que le passeport n’est pas accessible à la majorité de la population congolaise.
Pour l’obtenir, ce n’est pas moins de 200 USD qu’il faut débourser.
Le permis de conduire n’est pas une garantie de nationalité (un étranger peut s’en procurer). D’ailleurs, il est fixé à 38,5$ pour les motos et tricycles et à 71,5$ pour les véhicules de 3,5 tonnes.
L’acte de naissance est à 10 USD.
Le jugement supplétif coûte près de 150 USD.
Avec de tels frais, tout étranger déterminé à obtenir la nationalité congolaise n’hésiterait pas de les engager.
Quant aux trois témoins, ils ne sont pas non plus une garantie de nationalité. Ils peuvent être des étrangers et s’appliquer la solidarité.
Première leçon à tirer : à ce stade, la majorité des Congolais pourrait ne pas accéder facilement à ce qui lui revient normalement et gratuitement de droit.
Dans l’exposé des motifs justifiant sa création, l’ONIP dit exactement ceci : “Depuis près d’un demi-siècle, les Congolais n’ont pas bénéficié d’une carte d’identité. La nationalité et l’identité congolaises sont livrées aux aléas des déclarations des uns et des autres, rendant ainsi toutes les fraudes liées à l’identité possibles et même monnaie courante. Par ailleurs, l’effectif de la population congolaise et sa répartition sur le territoire national ne sont aujourd’hui que des estimations à cause de l’inexistence d’un Fichier général de la population. Ces défaillances sont des obstacles majeurs à l’élaboration des politiques de bonne gouvernance par les décideurs et un frein à l’atteinte des ODD”.
En vérité, l’ONIP a été mis sur pied avec priorité l’Identification systématique et effective de la population congolaise.
Pour y arriver, il est appelé à procéder au recensement général de la population, le dernier en date remontant à 1984.
A elle seule, la phrase mise en gras est suffisamment éloquente.
En effet, avec les conditions d’octroi exigées, on réalise vite qu’on est de plain-pied dans la délivrance des cartes selon les “aléas des déclarations des uns et des autres, rendant ainsi toutes les fraudes liées à l’identité possibles et même monnaie courante” !
Qu’on hésite alors pas se le dire : la méthode adoptée pour la délivrance des cartes d’identité planifie à grande échelle la fraude à la nationalité et à l’identité congolaises, et cette fois de la façon la plus officielle qui soit. Simplement parce qu’on met la charrue avant le bœuf.
Amener à refaire les erreurs du passé
Normalement, on devrait commencer par le recensement général, en y allant, pour les milieux urbains et péri-urbains, de parcelle en parcelle et, pour les milieux ruraux ou semi-ruraux, de village en village.
Concrètement parlant, ce n’est pas à la population d’aller vers les agents de l’ONIP ; c’est plutôt l’inverse. Car, c’est dans la parcelle ou dans le village et non sur le lieu de travail qu’on établit la fiche identifiant tous les résidents. En plus, c’est sur la base de cette fiche et avec l’aide des chefs de rue ou de village qu’on établit la carte d’identité à délivrer même plus tard.
D’ailleurs, l’occasion serait indiquée en procédant au préalable à l’élection des membres du Conseil et du chef de la localité chargés de veiller sur la bonne conduite de l’opération.
Sans être de la Génération Internet, les Belges sous la colonisation et les Congolais entre 1960 et 1984 faisaient du porte-à-porte.
On peut certes réinventer la roue – ce qui est une caractéristique dominante dans le ” nouvel homme” congolais, mais c’est à force justement de changer les règles établies qu’on en est là aujourd’hui.
Ce qui vaut la peine d’être retenu est qu’à la différence de la CENI coincée généralement un calendrier électoral contraignant, l’ONIP peut travailler sur une longue durée. Par exemple deux ou trois ans, voire plus ! Quarante ans après le dernier recensement général, patienter trois ou quatre, et même cinq ans de plus n’est pas une mer à boire.
Or, telle que l’opération est menée, n’importe qui, moyennant un document qu’on peut acheter rapidement et facilement dans n’importe quelle officine, peut s’octroyer la nationalité congolaise.
Et cela est en train d’arriver sous le mandat de Félix Tshisekedi que l’on veut amener à refaire les erreurs du passé.
Pourtant, s’il est une opération que le Chef de l’Etat ne doit absolument pas rater dans son mandat, voire dans sa carrière d’acteur politique, c’est bien celle du recensement général conditionnant la délivrance de la Carte d’Identité Nationale. Et non le contraire.
Pour paraphraser le jeune homme ouestafricain qui crie dans la vidéo “Ces élections sont à refaire”, les Congolais peuvent aussi dire : “L’opération relancée par l’ONIP est à refaire”…
Omer Nsongo die Lema