Depuis la lettre de soutien de la France à la marocanité du Sahara, le régime algérien se comporte comme quelqu’un qui a reçu un choc électrique. Il ne sait plus où donner de l’indignation, de la colère ou de l’amertume.
Quelques jours avant le 30 juillet, date du tournant français sur le Sahara, Alger avait déjà diffusé un communiqué officiel dans lequel la diplomatie algérienne étalait une gamme de menaces contre Paris et prévenait, par la même occasion, le monde que la France allait se ranger auprès du Maroc dans la crise du Sahara. L’objectif de ce communiqué était de tenter de dissuader les autorités françaises d’entamer leur coming out pro-marocain. Mais sans succès, puisqu’Emmanuel Macron a appuyé sur le bouton d’envoi de son message et a reçu une invitation officielle à venir effectuer sa visite d’État au Maroc.
Et l’on apprend dans le sillage de cette crise, par la bouche du ministre algérien des Affaires étrangères, que le président français Emmanuel Macron avait informé son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune lors de leur rencontre à Bari en Italie le 13 juin dernier, en marge du sommet du G7. Sans aucun doute par courtoisie diplomatique, Paris avait voulu mettre Alger dans le parfum de sa future stratégie maghrébine, non pas pour lui demander une quelconque bénédiction, mais pour l’informer simplement et lui ôter la possibilité de crier plus tard que Macron avait poignardé le régime algérien dans le dos.
Il faut dire à ce sujet que la diplomatie tactile de Macron à l’égard de Tebboune, avec des accolades à n’en plus finir et des bisous appuyés dans le creux de l’oreille, donnait cette étrange impression d’une proximité entre les deux hommes, rendant impossible leur divorce politique.
Et pourtant, c’est ce qui vient de se passer. Après une longue hésitation, Macron a fini par choisir le Maroc. Le régime algérien a réagi de manière sanguine : retrait de l’ambassadeur et menaces de prendre d’autres mesures punitives à l’encontre de la France. Dans ce registre, il existe le précédent espagnol où les relations économiques ont été atteintes et où les relations tout court ont été abîmées, avant que le régime algérien ne s’aperçoive de l’inutilité de ces sanctions et tente de revenir à la normale sans que Madrid ne puisse changer quoi que ce soit dans ses nouvelles relations avec Rabat.
Entre Alger et Paris, entre Macron et Tebboune, les prémices d’un divorce sont réunies, mais ont peu de chances de prendre le chemin de l’expérience espagnole. Les intérêts de l’élite politique et militaire algérienne en France sont tels que le régime algérien réfléchirait à deux fois avant d’entamer la moindre procédure de vengeance et de sanction à l’égard de la France.
En revanche, un grand mystère plane toujours sur la prochaine visite de Tebboune en France, prévue début octobre, après les formalités de la présidentielle algérienne du 7 septembre et la prolongation de son mandat. Là, le régime algérien semble pris dans le piège français. Soit maintenir cette visite à laquelle Tebboune tient beaucoup puisqu’il la considère comme faisant partie des étapes de sa légitimation, et donc valider de manière spectaculaire le tournant marocain de la France, soit l’annuler et courir le risque d’accentuer l’isolement international de l’Algérie, qui souffre déjà de la détérioration de ses relations avec une grande majorité de pays et de puissances.
Pour la majorité de ceux qui s’intéressent à l’évolution des relations entre la France et l’Algérie, cette démonstration algérienne de colère et de refus ne serait rien d’autre qu’un show destiné à la consommation intérieure, avec pour objectif de continuer à investir dans la traditionnelle haine de la France, perçue comme un des fondements de la légitimité du pouvoir en place.
À l’égard du Sahara, le plafond que ce régime algérien peut atteindre est de continuer à s’enfermer dans une attitude autiste : ni guerre ouverte pour crever les abcès, ni paix durable pour libérer les dynamiques de cette région. Pour le régime algérien, le Polisario est un moyen d’existence et de survie.
La nouveauté aujourd’hui est que la clarification française va inévitablement handicaper le régime algérien dans la construction de sa mythologie. Elle aura pour conséquence immédiate d’abréger l’heure de vérité où l’Algérie devra choisir, à terme, entre l’isolement et la normalité.
Mustapha Tossa