Félix Tshisekedi n’aurait jamais dû être interviewé !

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Question pertinente : que retenir d’essentiel de l’interview de Félix Tshisekedi à Christian Lusakweno et Baudouin Amba diffusée le mardi 6 août 2024 ? Visiblement, un chef d’Etat prêt à en découdre avec ses adversaires internes (notamment l’aile radicale de l’Opposition) et ennemis étrangers (Rwanda en particulier). Question : était-ce utile de se livrer à cet exercice au sortir d’une épreuve médicale autour de laquelle des versions se sont télescopées ? Dans l’atmosphère surchauffée par des rumeurs, des humeurs, des horreurs etc., elle peut s’expliquer et se justifier. Mais, en réalité, elle n’était pas utile. Quand la colère va tomber – car elle finira bien par tomber- on réalisera qu’on aurait pu s’en passer. Déjà, la voix trahit l’interviewé. Oui, c’est bien celle de Félix Tshisekedi en chair et en os, mais sans la tonalité habituelle. On perçoit facilement les effets de la convalescence…

Pouvoir d’achat : dollar !

L’année passée, dans l’interview de fin de la campagne électorale pour la présidentielle, la question sur le dollar lui a été posée. On se souvient de la réponse : il avait engagé la responsabilité du Premier ministre Sama Lukonde. Partant de la même logique, c’est à la Première ministre Judith Swaminua Tuluka de savoir la sienne engagée. Pas celle du Chef !

Gouvernement Judith Sumwinua

Et, à en croire le Chef de l’État, il va falloir excuser ce Gouvernement à peine arrivé ! Ok ! Mais, il y a quand même une préoccupation fondée : l’équipe a trouvé des acquis du bilan positif à consolider, acquis ayant permis au peuple congolais de lui renouveler la confiance à hauteur de 73,34% ! Constat normal : le Gouvernement semble flotter ; donnant l’impression d’un retour à la case départ.

Révision de la constitution

Le Chef de l’Etat a attribué à la Constitution la responsabilité des difficultés de la mise en place des installations politiques de la République : Président de la République, Assemblée nationale, Sénat et Gouvernement.

A ce qu’on sache, l’élaboration et l’exécution du calendrier électoral ne sont pas une matière constitutionnelle. Ce sont des matières fixées dans la loi électorale.

Quant à la nouvelle qualité qu’on veut imposer aux Gouverneurs des provinces (Représentants personnels du Chef de l’Etat), elle suscite une autre préoccupation : pourquoi limiter la représentation aux Gouverneurs ? Il faut plutôt l’étendre aux maires, aux bourgmestres, aux chefs des quartiers (en milieux urbains), aux chefs des districts, des territoires, des secteurs, des groupements et des localités (en milieux ruraux).

Et là, une question survient : va-t-on réserver les élections uniquement aux organes délibérants (Assemblées provinciales, Conseils urbains, Conseils municipaux, Conseils des quartiers (en milieux urbains) ainsi que des Conseils des districts, des territoires, des secteurs, des groupements et des localités ? On peut déjà appréhender les crises qui vont surgir entre, d’un côté, les exécutifs représentants personnels du Chef de l’État parce que nommés, et, de l’autre côté, les délibérants élus dont certains ne seront pas de sa famille.

Notons au passage que la Constitution venue d’ailleurs a pourtant permis à Félix Tshisekedi, primo, d’être élu et, secundo, d’avoir eu pour son premier mandat un bilan positif ! Si, aujourd’hui, on attribue à la même Constitution les difficultés du bon fonctionnement, on doit bien se demander par quelle magie le bilan du premier mandat a-t-il été positif !

Détournements et corruption

L’impression dégagée est celle de la formule kamerhienne «pièce contre pièce». C’est comme si Félix Tshisekedi veut prendre à témoin l’opinion pour une comparaison du genre « Lequel du régime Kabila et du régime Tshisekedi a volé, dérobé et détruit le plus le pays ». Puisqu’il déclare : «On va bientôt sortir des cadavres des placards. Et le peuple verra dans quelle mesure le pays a été volé, trahi avant moi », a-t-il déclaré. Espérons qu’il a pris la mesure d’une telle déclaration.

Les Bangala disent : «Ebembe ebandaka kopola te» (Le cadavre ne redoute pas la putréfaction). Combattus systématiquement par l’Udps, les régimes Mobutu et double Kabila peuvent avoir des cadavres dans leurs tiroirs, mais pas le régime Fatshi arrivé aux affaires au nom du Changement auquel les Congolais ont sacrifié jusqu’à leur vie.

En plus, plusieurs Mobutistes et Kabilistes évoluent au sein de l’Union sacrée de la nation. Au travers du déballage total et global annoncé, c’est l’Usn qui va en pâtir.

Croyant finalement menacer ses adversaires internes, Félix Tshisekedi fragilise en réalité les partenaires de sa coalition. Moralité : il ne rassure personne. Le plus grave dans cette déclaration est l’impression donnée de prendre fait et cause pour les personnes soupçonnées de détournements et de corruption. Vrai désaveu pour ses communicateurs.

Sécurité à l’Est

D’abord, il y a lieu de faire observer que le Processus de Luanda est de nature diplomatique. Ne concernant que la RDC et le Rwanda, il n’engage pas le M23, ni l’AFC, ni un autre groupe armé.

La tactique pour les rebelles de prendre des localités et des villes la veille, pendant ou après une rencontre est propre à toutes les guerres. Celles de l’Ukraine et de Gaza le rappellent.

D’ailleurs, Jean-Pierre Bemba peut le témoigner. Le 10 juillet 1999, alors qu’il était attendu en Zambie pour la signature de l’Accord de Lusaka, il avait fait faux bond pour ne se rattraper que le 1er août après avoir, bien entendu, repris ou pris quelques localités et villes. Le RCD avait emboîté le pas au MLC en signant l’Accord le 30 août 1999 ; le temps de grignoter quelques localités et villes. Dans les négociations, le rapport des forces se détermine par le nombre des territoires pris.

En plus, en confirmant l’implication de son prédécesseur dans l’insécurité qui prévaut à l’Est («Joseph Kabila prépare une insurrection, l’AFC, c’est lui !», a-t-il dit dans son interview), Félix Tshisekedi a conscience des effets qui doivent se produire à deux niveaux :

-au premier niveau, la Haute cour militaire est obligée d’ajouter au procès en cours un nouvel élément : la comparution de Joseph Kabila, son procès et sa condamnation à la peine capitale,

-au second niveau, les poursuites à charge des prévenus « Anti-Balle » et Joël Kitenge n’ont plus de sens ! Par conséquent, même désavouée dans cette interview, ‘Force du Progrès’ sort “vainqueur” de l’épreuve.

-on peut même ajouter un troisième élément : le Président de la République ne dénonce pas Kabila pour une insurrection en cours, mais pour une insurrection en préparation ! Le droit a un principe connu : il lui revient de fournir à l’organe de loi les preuves de l’accusation.

Crise au sein de l’Udps

Évidemment, l’interview a été recueillie avant les incidents du 6 août 2024 du Palais du Peuple entre pro et anti Augustin Kabuya. A dire vrai, ces incidents étaient prévisibles pour cause des désordres ayant élu domicile au sein de l’Udps, désordres ayant pour point de départ la violation des statuts de l’Udps depuis février 2017, à la mort d’Etienne Tshisekedi.

Félix Tshisekedi n’avait pas imposé le respect des textes concernant la succession du président national en cas d’empêchement. Les statuts prévoient 30 jours pour suppléer à une vacance. L’Udps a tenu son congrès en mars 2018, soit plus d’un an après. Investi Président de la République en 2019, Félix Tshisekedi a convenu avec Jean-Marc Kabund d’un poste non-statutaire de président intérimaire. Kabund parti, la violation n’a pas été réparée. Au contraire, elle s’est consolidée avec la désignation d’Augustin Kabuya au poste de président intérimaire tout en étant secrétaire général ! Question : à qui faut-il imputer la responsabilité de la crise ?

Réseaux sociaux

Trois fois enfin : le Chef de l’État s’en est pris aux réseaux sociaux. Pourtant, il n’est pas sans savoir que c’est par les réseaux sociaux que l’Udps organise la diabolisation de ses adversaires et de ses ennemis. On découvre maintenant que c’est aussi et désormais la faute à ces réseaux.

Opportunité de l’interview

Retour au constat servant de titre : «Félix Tshisekedi n’aurait jamais dû être interviewé !». Rien, dans tous les cas, ne l’y obligeait, même si l’intention au départ aurait été de tordre le cou aux rumeurs de la détérioration de son état de santé (suivez mon regard).

Le problème de Félix Tshisekedi est d’avoir du micro une addiction trop forte. D’où son adduction consistant à dérouter par moments l’opinion.

A leur corps défendant, ses communicateurs officiels et officieux ne peuvent nullement être accusés de quoi que ce soit. Ils ont fait correctement leur part de boulot. Un boulot dur à exercer avec un chef d’Etat tellement charmeur qu’il en vient souvent à faire danser des serpents qui peuvent pourtant le mordre, à moins de se mordre lui-même la langue !

Avec cette interview post-rencontre médicale, la langue l’a vraiment trahi…

Omer Nsongo die Lema

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