Dorcas Ndosimau : « Sur les 40 ans, moi j’ai 28 ans de vie avec le VIH/SIDA »

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Le monde va célébrer ce vendredi, 1er décembre 2023, la Journée contre le VIH/SIDA. Une commémoration qui coïncide avec les 40 ans d’existence depuis que ce virus a été découvert. Sans médicaments jusque-là. Cependant, Dorcas Ndosimau, personne vivant avec le VIH (Pvvih) il y a de cela 28 ans, mère de deux enfants et actuellement chargée des Programme au sein de l’Ong «  Oasis », estime que les progrès sont énormes même s’il y a encore des sérieux problèmes dans la prise en charge des malades. Elle plaide pour une prise charge complète en incluant l’aspect alimentaire. C’est ce qu’elle a dit dans cet entretien accordé à congocroissance.com

« Sur les 40 ans de l’existence du virus du VIH, moi  ça fait 28 ans de vie avec le VIH/SIDA. C’est depuis l’âge de 8 ans que  j’ai été dépistée VIH positive et depuis j’ai été soumise au traitement. Bien sûr, ce n’était pas le traitement contre le VIH proprement dit, parce qu’à l’époque il n’y en avait pas. Mais depuis ces années-là, je prenais les médicaments sans savoir la raison. Seuls mes parents le savaient. Et donc, cela fait aujourd’hui, 28 ans que je suis VIH positive », a indiqué la chargée des Programmes au sein de l’Ong «  Oas Rdc », spécialisée dans la défense des droits des Pvvih.

«  Ce n’était pas facile lorsque j’ai su que je suis Pvvih positive comme jusqu’à nos jours de vivre avec le VIH. Ce qui est vrai est je n’avais pas reçu le message positivement. J’avais des doutes et j’étais même énervé. Je n’avais cru.  Ce n’était pas facile, surtout qu’à l’époque  je ne connaissais pas d’hommes, parce qu’on disait que c’était une maladie sexuellement transmissible. Alors que  moi je ne connaissais pas d’hommes (…). Heureusement pour moi j’avais un bon psychologue qui m’avait accompagnée,  m’expliquant que j’ai eu à contracter le virus en telle année et que les produits que je prends  c’est pour  mon bien et que si je ne prends pas, je ferai la maladie (…). Mais j’avoue que ce n’était pas facile quand je l’’ai su », a-t-elle affirmé, avec un peu regret. C’était avant de souligner ceci :

«  La vérité est que j’ai été à un moment discriminée dans ma propre famille. Mon statut a été divulgué sans mon consentement. Il y avait une histoire cachée et si je connaissais la loi comme à l’époque, j’allais porter plainte.  Aussi, j’ai été l’objet de rejet dans la propre famille. Il y a eu des moments où ma propre tante me disait qu’on ne pouvait pas utiliser la même cuve avec toi. Tu risques de nous contaminer (…). C’était dur et c’est ce jour-là que j’avais décidé de quitter la famille maternelle pour aller vivre ailleurs loin de tout ce qui pouvait me faire mal. Ce qui n’était pas avec mes amis. Mes amies m’ont soutenue.  Je n’ai pas rencontré un quelconque rejet de leur part.  A l’église où je chante, dans mon milieu professionnel… Je n’ai pas connu le rejet ou encore la discrimination venant d’eux ».

La prise en charge, Dorcas plaide  pour la prise en charge psycho-social et alimentaire

« Dans la prise en charge, il y a un sérieux problème ici dans notre pays.  J’avoue que la prise en charge VIH positive est gratuite. Cependant, je ne vais pas insister seulement pour ce qui me concerne. Parce que moi je suis forte et en plus, je travaille. On m’a acceptée pour travailler. Mais il y a plusieurs  autres Pvvih, qui sont affaiblies par le VIH et ne peuvent plus travailler. Et le VIH  nous détruit chaque jour. Moi par exemple, je suis diabétique et hypertendue. Et donc à l’exception des Arv que je prends gratuitement, je suis obligée d’assurer ma santé. Ce qui fait que je dois acheter à mes frais les encylines qui coutent chers. Je dois acheter mes produits pour la tension qui coutent aussi chers.  En fait le VIH est en train de nous détruire. La psychologie de la Pvvih n’est pas assurée, parce qu’il y a quelques chose qui nous ronge. Je peux être forte, je m’accepte mais ce qui est évident est que je ne vis pas comme tout le monde. Moi pour vivre je dois prendre les molécules. Et donc, déjà la psychologie  est touchée. Ce qui fait que la plupart des Pvvih ont un problème rénal.  La prise en charge dans mon pays est incomplète. Facilement moi, je peux travailler. Parce que j’ai cette force et aussi parce que je ne suis pas clandestine. Et ceux qui sont clandestins ? Ils ont peur d’aller chercher de l’emploi. Et comment font-ils quand ils prennent les Arv lorsqu’on sait  que le mangé pose problème dans notre pays ? Nous avons la prise en charge thérapeutiques avec les Arv qui sont gratuits. Cependant, nous avons besoin d’une prise en charge psycho-social et alimentaire ».

A l’en croire, la plupart des Pvvih ont un problème rénal actuellement en plus de plusieurs autres maladies qui s’en suivent. A cet effet, elle souhaite que la prise en charge soit  améliorée et complète.

« Depuis que j’ai su que je suis Pvvih positive, je prends chaque jour mon produit, un seul comprimé chaque jour à 07H00, et  mes trois piqures journalières. Ce m’épargne d’une mauvaise adhérence. Je m’assure de prendre mon médicament chaque jour et c’est pour toute la vie en attendant qu’il y ait un médicament qui mettra fin au VIH/SIDA. Il y a aussi d’autres comprimés que je prends contre la tension, le diabète. Une belle expérience à encourager », a-t-elle souligné avant de lâcher un sourire.

La clandestinité, une auto exclusion à bannir….

«  Je m’aimerai encourager mes sœurs qui sont dans  la clandestinité (…) Parce qu’il y a encore un sérieux problème de discrimination, de rejet dans notre pays et ailleurs. Aujourd’hui, je parle de mon statut sans être derrière le mur, parce que je suis en bonne santé. J’ai la force, je peux me battre  contre tout vent (…) et aussi je connais la loi qui me protège. Cependant, avec mes amis qui ont le même sang que moi, il y a la honte.  On a honte parce qu’on sait que le VIH est une maladie de honte (…). Ici, je souhaite que l’on communique assez afin de faire comprendre aux gens avec des messages clairs que le VIH est différent du SIDA, et qu’une personne peut vivre longtemps en bonne santé avec le VIH. Aussi dire que le SIDA ne tue plus une fois qu’on est en harmonie avec son traitement. Avec ce genre des messages,  je pense qu’il n’y aura plus des Pvvih qui continueront à ivre dans la  clandestinité.  Parce que si j’ai l’information, je n’aurai pas honte de dire que je suis  Pvvih positive, parce que personne n’a préparé le malheur pour sa vie (…). Alors, pour que nous soyons forts, pour qu’on nous accompagne et que nous reconnaisse et accepte, nous devrons sortir derrière les murs, parce qu’au fur et à mesure que nous  (Ndlr : Pvvih) parlons derrière les murs, nous ne serons pas prises en compte.  Nous devrons montrer à la face du monde que nous existons. Ainsi, si nous sommes soutenues et accompagnées convenablement, nous ferons en sorte que la transmission du VIH soit coupée conformément à  la stratégie 95, 95,95 de l’ONUSIDA afin d’avoir un Congo sans SIDA. Ce qui est possible. Je suis sûre que pour y arriver, il faudra que nous qui sommes porteurs du virus, fassions comprendre à la population que vaux mieux se faire dépister. Connaitre si on est positif et prendre les Arv, et supprimer  la charge virale pour vivre heureux et en bonne santé. Car, une personne qui connait bien son statut sérologique peut très bien se protéger et protéger son partenaire ainsi que son environnement…  Mais si nous continuons d’avoir peur, nous n’aurons pas  une bonne adhérence. Je connais l’expérience ».

De la Pvvih à devenir mère sans que les enfants ne soient  contaminés du VIH, c’est possible

«  De nos jours, il faut comprendre que dans le VIH il y a la discordance. Et donc, il y a des couples qui s’acceptent comme tel.  Me concernant, je ne cache pas mon statut.  Quand tu viens vers moi, je te parle de ce que je suis et explique que je ne peux pas te contaminer, parce je ne transmets plus le virus Une personne qui a une bonne adhérence, dépistée aujourd’hui et six mois après  une bonne adhérence, cette personne dépistée ne peut plus contaminer.  Et moi qui en ai fait des années…. Ce sont des choses que j’explique à mon partenaire.  Et comme tu le sais, la vie du Pvvih doit toujours être accompagnée par un médecin.  Et donc, tu m’approche, je dois connaitre le statut de cet homme qui vient vers moi. Et une fois que c’est bon, on décide de s’engager ou pas. Et c’est comme cela que je m’étais engagée avec mon partenaire jusqu’avoir deux enfants.  Mes enfants vont très bien. Ma première fille a 15 ans aujourd’hui. Aussi un bébé de deux ans en parfaite santé.  Mes enfants ne sont pas VIH positifs, parce que j’étais passée par la prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME) quand j’étais enceinte et aussi par l’élimination de la transmission de la mère à l’enfant (ETME) après l’accouchement. Ma fille a suivi son traitement pendant 45 jours et on a fait le teste quand elle a eu ses deux ans. Elle est négative et elle est en bonne santé. Mon partenaire, lui n’est pas VIH positif.  Il m’accompagnait quand je prenais mon traitement, il était là pour veiller à mes heures de prise de médicament. Aussi et surtout il m’a accompagnée psychologiquement et  jusqu’à nos jours il n’a pas contracté le virus parce que je prends bien mes Arv. Je me protège et protège mes enfants ainsi que mon entourage.

La stratégie 95%,95%,95%, une expérience à capitaliser

« Le vendredi prochain, nous allons célébrer la Journée mondiale contre le VIH/SIDA, édition 2023.  C’est une fête que je célèbre avec tout mon cœur. Une date qui réunit plusieurs  Pvvih clandestines ou pas. J’en profite parce que le thème de cette année parle du leadership des communauté dans la lutte contre le VIH, pour inviter la communauté à propager les messages sur le dépistage, faire comprendre aux gens que le SIDA ne tue plus quand on prend respectueusement ses médicaments, on peut travailler avec son VIH…. Nous sommes en train  de nous battre pour atteindre la stratégie de l’ONUSIDA, les trois 95% Le premier 95% dit que sur les 100% d’habitants, 95% de ceux derniers doivent connaitre leur statut sérologique. D’où l’importance du dépistage. Ensuite nous irons au deuxième 95%, qui oblige que tout patient dépisté positif soit placé sous traitement Arv. Très bien prendre ses médicaments et supprimer la charge virale. Ce qui va nous amener  au dernier 95, qui dit que tout patient  qui a bien pris ses Arv, doit  supprimer sa charge virale. Je pense  que si on atteint ces trois objectifs, nous allons mettre fin au SIDA d’ici 2023 », a-t-elle conclu.

Prince Yassa

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