« La levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort : un couteau à double tranchant » (Jean-Claude Katende)

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La levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort est devenue effective depuis la décision prise par le Gouvernement en date du 09 février 2024. Il me semble que la grande partie de la classe politique et du peuple congolais soutient cette décision. Ceux qui ne la soutiennent pas sont considérés comme des traitres, des non patriotes, des complices des rebelles…, ce qui est un jugement totalement émotif.

Une société où on exclut la confrontation d’idées est une société vouée à la médiocrité et à l’obscurantisme. Ce n’est pas d’une telle société que je rêve.

Je rêve d’une société effectivement démocratique où la majorité est toujours prête à protéger la minorité, à l’écouter et à examiner ses prétentions.

Pour ce qui me concerne, je considère la lavée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort comme étant un recul majeur relativement à la protection des droits humains et une violation flagrante de la Constitution de la République qui protège le droit à la vie en toutes circonstances (article 61)

Je ne soutiens pas cette décision pour les raisons suivantes :

1. C’est une décision motivée par un esprit de vengeance de la classe politique qui croit que la peine de mort va régler tous les problèmes de l’armée et du banditisme.

Cet esprit de vengeance se dégage des verbes qui sont utilisés dans la circulaire de la Ministre de la Justice : « En vue de débarrasser l’armée de notre pays… ». Dans une République, la justice n’est pas organisée pour se débarrasser des autres citoyens, mais pour leur donner l’occasion de s’exprimer, de répondre de leurs actes qui auraient troublés l’ordre public. En plus, il est encore dit que c’est pour « … endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain… ». Il n’y a que l’esprit de vengeance aveugle qui peut convaincre la classe politique qu’en appliquant la peine de mort, il sera mis fin au terrorisme et au banditisme.

Les données scientifiques montrent que cette approche est erronée et fruit d’un raisonnement qui ne prend pas en compte d’autres aspects du problème à résoudre.

Les mots qui sont utilisés dans un texte révèlent ce qui est caché dans le cœur ou l’esprit qui caractérise ses rédacteurs.

C’est vrai que je suis préoccupé comme d’autres congolais par les actes de traitrise qui se passent dans l’armée et de banditisme urbain, mais je crois que ce sont des problèmes qui ne peuvent pas être réglés par l’application de la peine de mort.

2. C’est une décision qui va aggraver les problèmes de notre justice.

Si au sein de notre justice, nous avons quelques juges/magistrats intègres et responsables, il y en a beaucoup parmi eux qui sont vulnérables à l’argent et au trafic d’influence. Il y a un grand risque que la justice soit instrumentalisée par les politiciens pour « se débarrasser de X ou Y au sein de l’armée ou de la société. Le verbe « se débarrasser » est une grande alerte.

Plus grave encore est que toute famille biologique ou politique dont un des membres sera menacé par une éventuelle condamnation à la peine de mort, va se mobiliser pour trouver des sommes importantes d’argent à donner aux juges ou recourir au trafic d’influence pour faire échapper leur membre à la peine de mort.

3. C’est un couteau à double tranchant

Il y a risque que certaines personnes condamnées à mort ne soient pas exécutées parce qu’elles sont proches politiquement ou biologiquement à ceux qui sont au pouvoir alors que les autres seront exécutées sans aucune réserve. Ce qui va renforcer les injustices et discriminations.

4. C’est une décision qui risque de renforcer les divisions ethniques

Il n’est un secret pour personne que depuis la guerre de l’AFDL, le mixage et le brassage, ce sont des congolais de certaines provinces qui se sont révélés, en majorité, comme des perturbateurs de la bonne marche de l’armée comme de la police nationale. Ils risquent d’être nombreux parmi les personnes à condamner à mort et à exécuter. Cette réalité conduira à l’interprétation selon laquelle c’est tel peuple ou telle ethnique qui était visé par la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort.

Evitons de fragiliser davantage notre pays en recourant à des solutions simplistes pour résoudre les problèmes complexes.

Pour toutes ces raisons, je reste opposé à cette levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort.

Ai-je tort ou raison ? Ont-ils tort ou raison ? C’est l’histoire qui répondra à cette question.

Pour moi, j’appelle les magistrats et les juges à qui on a remis ce pouvoir de décider de la mort de telle personne ou de telle autre, de l’utiliser avec intelligence, responsabilité et indépendance.

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