L’absence de volonté politique largement partagée contre la corruption
La vedette prise par le problème des « voleurs » à l’investiture du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi, le 20 janvier 2024, avec la prière du pasteur Roland Dalo, marque l’ampleur de la crise morale de la société congolaise.
La quasi-unanimité sur une erreur à corriger : la lutte mitigée contre la corruption et le détournement des deniers et autres biens de l’Etat congolais. Mais l’erreur de qui ? De la société congolaise, peuple et gouvernants, telle qu’elle est organisée avec une Constitution piégée et une démocratie consensuellement limitée à l’organisation des élections et au libertinage anti-citoyen dans les médias et sur la voie publique.
Les vertus républicaines sont mises à rude épreuve avec un refrain du constat de corruption et détournement endémiques, nous rendant spectateurs de l’essoufflement des pouvoirs publics. On se console avec le classement d’une ONG étrangère pour avoir pris 5 ou 10 places avant les autres pays corrompus du monde. On compte les infrastructures et recettes réalisées en hausse et on miroite les 16 milliards du budget national.
Quand la majorité des kinois crie à la mauvaise gestion de la Ville de Kinshasa, très sale et livrée à l’insécurité, au chômage, aux embouteillages et à la famine, on voit les fanatiques du Gouverneur sur les plateaux de télévision justifier son positif bilan en nous comptant le nombre de tronçons rétablis, une pelouse et des fleurs plantées le long du boulevard Lumumba, quelques poteaux pour un peu de lumière publique…
Visiblement certains politiciens et la population n’ont pas la même vision du bonheur collectif. La démocratie ne fonctionne pas pour connaître les réels besoins de la population à assouvir. Une démocratie en panne quant aux informations sur le programme d’action arrêté et les fonds décaissés pour sa réalisation, le montant effectivement décaissée, le mécanisme d’attribution du marché public, le pourquoi des travaux inachevés ou en retard de livraison malgré la totalité des fonds décaissés …La démocratie congolaise, hostile au contrôle citoyen et à la transparence dans la gestion, se confine dans les élections, bonnes ou mal organisées, l’essentiel étant de les tenir pour obtenir le certificat de bon élève de l’école occidentale.
C’est vrai, le trou est profond, et on remonte petit-à-petit ; effectivement au rythme d’une faible et même insignifiante volonté de changement dans la constitution et l’exercice du triple Pouvoir Législatif-Exécutif-Judiciaire. Il manque indubitablement la ferme volonté politique, largement partagée, du Pouvoir et de la classe politique, y compris des soi-disant opposants, contre la corruption et le vol de la richesse du peuple. Le peuple marche avec la discipline imprimée par les pouvoirs publics, qui ont tous les instruments de redressement, de correction, d’orientation, d’harmonisation de la vie politique et de bon fonctionnement des institutions de la société civile (famille, églises, école, entreprises…).
Lorsque le pouvoir politique est sérieux, c’est-à-dire exercé pour et avec le peuple d’abord, la complicité du peuple dans la destruction de son propre bonheur disparait, si elle n’est pas contenue et isolée chez quelques délinquants résistants. Le sérieux du pouvoir élimine la double vitesse du bonheur social : celle des politiciens et leurs familles en TGV pour dominer et celle du caméléon par « avancée-recul » imposé au peuple gouverné pour le prendre en otage.
La seule volonté politique du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi, laquelle a du mal à contaminer la classe politique, particulièrement de son entourage, et les prouesses de l’Inspecteur Général des Finances, le valeureux Jules Alingete, ont montré leurs limites dans la lutte contre la corruption et les détournements des fonds et biens de l’Etat.
Le comble est atteint avec la demande du Conseil Supérieur de la Défense de lever le moratoire sur l’exécution de la peine de mort pour les cas de trahison dans les forces de défense et de sécurité. La trahison opère avec la corruption, la fraude et le vol.
L’erreur particulière de la société civile et sa responsabilité de se comporter en propriétaire du pouvoir
L’industrie politique de création de richesse fonctionne à merveille avec le soutien des membres de famille, du village, de la tribu, de l’église, du clan, ainsi que des amis de jeunesse et des frères de la loge mystique. La société civile s’est ainsi fortement politisée en se mettant à la traine du politique, qui la finance et lui dicte la voie à suivre.
Il faut une prise de conscience sur cette réalité d’inversement des rôles et y mettre fin comme peuple responsable et soucieux de son bien-être. Les églises, associations sans but lucratif, les institutions éducatives, les médias, les acteurs culturels et artistiques ont la lourde responsabilité d’activer leur leadership dans cette prise de conscience individuelle et collective. C’est eux qui doivent rester au contrôle du pouvoir morale, intellectuel, culturel et spirituel où le politique se ressource.
L’action la plus décisive des congolais est celle qui leur fera avant tout prendre conscience de leurs faiblesses et de leur pouvoir de stopper les faux représentants et de se battre pour la vie par l’acceptation des sacrifices.
La peur de mourir arme à la main, d’affronter la faim en commençant à zéro, du rabaissement social et de recommencer l’ascension du progrès après avoir été humilié, tue en nous la dignité du patron des gouvernants. Cette peur est plus forte que le souci de l’honneur chez ceux qui se plaisent à la trahison, à la corruption, à l’exploitation et à l’appauvrissement de leurs compatriotes.
Nous pensons maintenant nous préoccuper du silence de la communauté internationale, que pourtant notre action peut briser. Le silence à briser en priorité est celui qui fragilise les congolais de l’intérieur en acceptant de le garder et le caresser sur ceux qui viennent s’enrichir illicitement en politique, sur les infiltrés bien connus qui nous espionnent au profit des puissances étrangères, sur les traîtres nichées dans nos institutions, sur les kulunas en cravate et voleurs de nos familles, églises, groupes d’amis.
Il faut agir. La première action est intérieure, celle qui sera dirigée vers le peuple congolais pour le nettoyage personnel et autour de soi, pour renforcer l’amour de la patrie et l’unité nationale. C’est dans l’unité autour des valeurs morales, spirituelles, culturelles et intellectuelles, dans une vision commune de notre avenir, que nous réussirons face aux ennemis visibles et cachées de notre pays. Les politiques publiques devront avoir ce souci de cohésion nationale sur l’essentielle de la vie commune.
Le besoin ressenti d’une solution de lutte structurée et organisée devra mobiliser l’ensemble du peuple congolais contre le mauvais esprit de la fraude. Les patrouilles antifraudes devront naître dans la société civile pour s’assurer d’un comportement citoyen et constructif.
Pas de Sénat et Gouvernorat sur fond d’une corruption à ciel ouvert
En 2019, le Président de la République avait voulu le report des Gouverneurs et ViceGouverneurs et retardé la prise de fonction des sénateurs élus à cause des accusations de corruption. Il était allé jusqu’à demander au Parquet de mener des enquêtes pour débusquer les sénateurs et députés provinciaux trempés dans la corruption.
Les élections des sénateurs et gouverneurs s’accompagnent depuis 2006 de la clameur publique de corruption contre laquelle la CENI, le Gouvernement et la Justice manifestent une impuissance troublante. Un tourbillon difficile à stopper.
Le gout succulent de la fraude et de l’enrichissement illicite affecte le mécanisme constitutionnel de la conquête du pouvoir politique, donnant lieu à des faux représentants. Ayant choisi une forme représentative de la gouvernance, comment parler de démocratie, lorsque les sénateurs, gouverneurs et Vice-gouverneurs sont ceux sur qui pèse une forte présomption de corruption ?!
Proposée en solution globale contre le système de prédation, la Kombolisation, prônée par Madame Marie-Josée Ifoku, candidate Président de la République en 2018 et en 2023, planche sur une politique cohérente et structurée de changement des mentalités du peuple et de ses dirigeants en vue de la renaissance de la République. Il faut une politique courageuse de transformation de la société, par l’éducation, la promotion culturelle et une spiritualité fondée sur les vertus que révèle le balai (kombo) : nettoyage personnel et collectif des antivaleurs, don de soi, unité dans la diversité, bonne gouvernance, nettoyage des règles juridiques et institutions qui tuent l’Etat et renaissance de l’Etat-Nation.
Par son message sur X, le 8 février, Marie-Josée Ifoku, fidèle à sa philosophie politique et aux valeurs qu’elle défend, propose de ne pas sacrifier la paix à l’Est du pays, la stabilité politique et la moralité publique pour l’élection des gouverneurs et sénateurs. Elle déplore les conditions déplorables du trou noir et profond de la corruption qui émaillent la désignation des institutions inutilement budgétivores.
La gravité de la crise morale et l’impérieuse nécessité d’arrêter le cycle infernal de la fraude et de la corruption à la naissance des institutions obligent d’agir en peuple libre et souverain. Il ne faut pas courir, au péril de la nation, vers le formalisme suicidaire du respect d’un calendrier électoral.
La légitimité des institutions, fondée sur la confiance et le respect que le peuple a à leur égard, manque s’il est de notoriété publique que leurs animateurs ont été désignés dans l’illégalité. Et c’est une porte ouverte aux abus et à plus de « bêtises » dans le chef de ceux qui doivent chercher à acheter la confiance et le respect. On ne sait plus mettre fin au cycle infernal de la corruption et des détournements.
Lorsque la Constitution ne peut permettre de normaliser la vie publique, par inefficacité de ses animateurs et/ou par incompatibilité des normes, il faut trouver une solution de sagesse pour sauver la nation.
En attendant une nouvelle constitution adaptée à la situation des congolais et du pays, pour inventer une manière appropriée de nous organiser, de conquérir le pouvoir, de choisir nos dirigeants et de nous gouverner, il s’avère utile de recourir à l’énorme pouvoir réservé au Chef de l’Etat à l’article 69 de la Constitution. Il représente la nation. Il est le symbole de l’unité nationale. Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il peut donc, au regard de ces pouvoirs, suspendre l’élection des sénateurs et nommer à titre provisoire et conservatoire les dirigeants des provinces et autres entités à mandat électif.
A travers un cadre plus fédérateur, plus technique et moins politique, le Chef de l’Etat fera le choix des personnes compétentes, appropriées aux circonstances et moralement crédibles. Le moment se prêtant bien d’exclure les voleurs et corrompus de cette partie de la gestion publique. D’ailleurs le développement des 145 territoires, qui ne peut être favorisé par l’environnement politique actuelle des Provinces, se portera mieux.
Sans déclaration de guerre, nous sommes pourtant en guerre depuis 30 ans contre les terroristes venus de l’extérieur qui nous agressent sur le sol congolais. Il faut une gestion du pays adaptée à cette situation, y compris par application de l’article 143, dernier alinéa de la Constitution : « Les droits et devoirs des citoyens, pendant la guerre ou en cas d’invasion ou d’attaque du territoire national par des forces de l’extérieur font l’objet d’une loi. »
Le potentiel naturel géantissime de puissance de la RDC se transforme en force de révolution économique, en force militaire dissuasive, en force diplomatique convaincante à l’égards des parrains du Rwanda et des investisseurs étrangers.
Le 10 février 2024
BAMUANGAYI KALUKUIMBI Ghislain
bamuangayi@gmail.com +243999942752