Depuis plusieurs décennies, l’Église Catholique en République Démocratique du Congo (RDC) joue un rôle majeur dans la vie sociale et politique du pays. De Malula à Fridolin, chaque Cardinal a laissé une empreinte marquante, suscitant à la fois admiration et controverse. Mais au-delà des personnalités, c’est la question de l’engagement de l’Église dans les affaires politiques qui interpelle.
Introduction
L’Église catholique en République Démocratique du Congo (RDC) incarne une institution centrale, dont l’impact transcende les sphères religieuses pour s’étendre profondément dans le tissu social et politique du pays. De l’ère de l’indépendance à nos jours, chaque Cardinal, de Albert Joseph Malula à Fridolin Abongo, a laissé une marque distinctive, tantôt saluée, tantôt contestée, dans le paysage politique congolais. Cette dynamique complexe suscite une réflexion profonde sur le rôle de l’Église dans la gouvernance et la société congolaise, tout en soulevant des interrogations cruciales sur les frontières de son intervention.
L’histoire de l’Église catholique en RDC est indissociable de celle du pays. Depuis les premières missions évangélisatrices, l’Église a joué un rôle fondamental dans la construction de la société congolaise, en façonnant les croyances, les valeurs et les normes qui la sous-tendent. En outre, elle a souvent été un refuge pour les opprimés, une voix pour les sans-voix et un catalyseur de changement social, défendant les droits de l’homme et plaidant pour la justice sociale.
Chaque Cardinal, de Albert Joseph Malula à Fridolin Abongo, a apporté sa propre empreinte à l’Église catholique en RDC, en reflétant les aspirations et les défis de son époque. Leurs interventions dans les affaires publiques ont été souvent perçues comme des actes de courage moral, mais ont également suscité des controverses et des critiques, alimentant ainsi un débat continu sur le rôle de l’Église dans la sphère politique.
Le Débat sur l’engagement politique de l’église
Au cœur de cette discussion se trouve la question de l’engagement politique de l’Église. Certains voient dans cette implication une manifestation de sa mission évangélique, une affirmation de sa responsabilité morale de défendre les valeurs de justice, de paix et de solidarité. Pour d’autres, cependant, cette implication est perçue comme une ingérence dans les affaires séculières, compromettant ainsi sa neutralité et sa crédibilité en tant qu’institution religieuse.
Cette dualité entre engagement et ingérence soulève des questions fondamentales sur les limites de l’intervention de l’Église dans les affaires politiques. Alors que certains plaident pour une participation active de l’Église dans la transformation sociale et politique du pays, d’autres appellent à la préservation de la séparation entre l’Église et l’État, arguant que cette distinction est essentielle pour garantir la démocratie et la laïcité.
Dans ce contexte complexe, il est impératif d’engager un dialogue constructif et éclairé sur le rôle de l’Église catholique en RDC. Il est nécessaire de définir clairement les contours de son intervention dans les affaires politiques, tout en préservant son intégrité spirituelle et morale. Ce dialogue doit impliquer toutes les parties prenantes – autorités ecclésiastiques, dirigeants politiques, société civile et citoyens – dans le but de trouver un équilibre juste et équitable qui serve au mieux l’intérêt commun et le bien-être de la nation congolaise.
La perception de l’ingérence politique
Nombreux sont les fidèles congolais qui se demandent pourquoi l’Église catholique semble s’immiscer dans la politique nationale. Cette ingérence, perçue par certains comme légitime et par d’autres comme déplacée, soulève des interrogations profondes quant au rôle de l’Église dans la société moderne.
D’un côté, ceux qui soutiennent l’intervention de l’Église estiment que celle-ci agit en tant que voix des sans-voix, défendant les opprimés et plaidant pour la justice sociale. Les prêches du Cardinal Fridolin, chargés d’un appel à la paix et à la dignité humaine, résonnent comme des appels à l’action pour un changement positif dans la société congolaise.
Cependant, d’autres voix s’élèvent pour critiquer cette intervention, accusant l’Église de favoriser l’instabilité politique en prenant parti pour certains groupes ou en attisant les tensions. Ils mettent en garde contre le risque que les prises de position de l’Église ne conduisent à une polarisation accrue de la société et à des troubles civils.
Le débat sur le rôle de l’église
Face à ces débats, il est légitime de se demander si l’Église catholique en RDC remplit son rôle de guide spirituel ou si elle outrepasse ses fonctions en s’immisçant dans la sphère politique. Certains soulignent que l’Église a historiquement joué un rôle de médiateur et de conciliateur dans les moments de crise, contribuant ainsi à apaiser les tensions et à promouvoir la réconciliation nationale.
Pour autant, revisiter les accords entre l’Église et l’État pourrait être une avenue à explorer. Ces accords, qui accordent à l’Église catholique un statut privilégié en RDC, pourraient être réévalués afin de définir clairement les limites de l’intervention de l’Église dans les affaires politiques et de prévenir tout abus ou toute confusion de rôles.
Le rrôle pédagogique de l’église
L’Église catholique en République démocratique du Congo (RDC) détient une influence significative sur la société, et cette influence peut être canalisée de manière constructive pour favoriser le développement politique et social du pays. Plutôt que de se cantonner à des critiques extérieures, l’Église pourrait jouer un rôle prépondérant en formant une nouvelle génération de leaders politiques. Cette formation ne se limiterait pas seulement à des connaissances théoriques, mais elle mettrait également l’accent sur les valeurs morales et éthiques fondamentales.
Dans ce contexte, l’Église pourrait mettre en place des programmes de formation politique qui mettent l’accent sur l’intégrité, la transparence et le service désintéressé. Ces programmes pourraient inclure des modules sur l’éthique politique, la gestion responsable des ressources publiques et la promotion du bien commun. En formant des leaders politiques dotés de ces qualités, l’Église contribuerait à transformer le paysage politique de la RDC et à promouvoir une gouvernance plus juste et équitable.
De plus, l’Église catholique peut utiliser son réseau étendu d’institutions éducatives et sociales pour inculquer ces valeurs dès le plus jeune âge. En intégrant l’éducation civique et l’éthique dans les programmes scolaires et les activités paroissiales, elle peut aider à façonner une culture de responsabilité et d’engagement civique au sein de la jeunesse congolaise.
En agissant de la sorte, l’Église catholique ne se contente pas de critiquer les problèmes politiques, mais elle contribue activement à leur résolution en formant des acteurs politiques conscients de leurs responsabilités envers la société. Elle incarne ainsi son rôle de guide spirituel en guidant ses fidèles vers un engagement politique responsable et constructif, conforme aux principes de justice sociale et de solidarité.
Enfin, cette implication de l’Église dans la formation des leaders politiques en RDC pourrait également renforcer sa légitimité et sa crédibilité auprès de la population. En démontrant son engagement envers le bien-être de la société dans son ensemble, elle consolide son rôle en tant qu’institution influente et respectée, capable de contribuer de manière significative à la construction d’un avenir meilleur pour tous les Congolais.
Perspectives
Au-delà des débats actuels, il est impératif que les autorités ecclésiastiques et les dirigeants politiques de la République démocratique du Congo (RDC) reconnaissent l’importance de travailler ensemble pour établir un cadre clair et éthique régissant l’engagement de l’Église dans les affaires publiques. Cette collaboration entre les institutions religieuses et politiques pourrait constituer un pas décisif vers le renforcement de la démocratie et de la stabilité dans le pays.
Premièrement, une telle collaboration pourrait favoriser la création d’un espace de dialogue constructif où les préoccupations morales et éthiques de l’Église peuvent être prises en compte dans l’élaboration des politiques publiques. En intégrant les valeurs fondamentales de justice sociale, de solidarité et de respect de la dignité humaine dans les processus décisionnels, les autorités ecclésiastiques et les dirigeants politiques pourraient œuvrer ensemble à la promotion du bien commun et à la résolution des défis sociaux les plus pressants.
Deuxièmement, cette collaboration pourrait contribuer à renforcer la légitimité des institutions politiques en RDC en les associant à des acteurs sociaux reconnus pour leur intégrité et leur engagement envers le bien-être de la population. En travaillant main dans la main avec l’Église, les dirigeants politiques pourraient bénéficier de son influence morale et de sa crédibilité auprès des citoyens, ce qui pourrait contribuer à restaurer la confiance du public dans les institutions gouvernementales.
Troisièmement, une collaboration étroite entre l’Église et l’État pourrait permettre de mieux répondre aux besoins des communautés les plus vulnérables en RDC. En unissant leurs efforts, les autorités ecclésiastiques et les dirigeants politiques pourraient mettre en œuvre des programmes sociaux et des politiques publiques plus efficaces visant à réduire la pauvreté, à améliorer l’accès aux services de santé et d’éducation, et à promouvoir le développement économique inclusif.
Enfin, une telle collaboration pourrait également contribuer à renforcer la cohésion sociale en favorisant un dialogue intersectoriel ouvert et respectueux entre les différentes composantes de la société congolaise. En encourageant la participation active de l’Église, en tant qu’acteur clé de la société civile, dans les processus décisionnels, les dirigeants politiques pourraient contribuer à construire des ponts entre les diverses communautés religieuses et ethniques, et à promouvoir une culture de tolérance et de respect mutuel.
La collaboration entre les autorités ecclésiastiques et les dirigeants politiques en RDC présente de nombreux avantages potentiels, tant pour le bien-être de la population que pour la consolidation de la démocratie et de la stabilité dans le pays. En travaillant de concert, ces acteurs peuvent contribuer à bâtir un avenir plus juste, plus inclusif et plus prospère pour tous les Congolais.
Conclusion
L’Église catholique en République Démocratique du Congo (RDC) est confrontée à un défi complexe qui consiste à concilier son rôle spirituel avec son implication dans la vie politique du pays. Toutefois, plutôt que de voir cette dualité comme un obstacle, il est possible de considérer qu’elle offre une opportunité unique de promouvoir des valeurs essentielles telles que la paix, la justice et la réconciliation au sein de la société congolaise.
En effet, l’Église catholique peut jouer un rôle crucial en tant que médiateur et facilitateur dans les processus de résolution des conflits et de construction de la paix. Forte de son autorité morale et de son engagement envers le bien-être de tous les citoyens, elle peut contribuer à apaiser les tensions politiques et ethniques en promouvant le dialogue et la compréhension mutuelle.
De même, l’Église peut servir de gardienne des valeurs éthiques et morales dans l’arène politique, en appelant à l’intégrité, à la transparence et à la responsabilité de la part des dirigeants et des citoyens. En insistant sur l’importance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, elle peut contribuer à établir un environnement politique plus juste et plus équitable.
Par ailleurs, l’Église catholique peut jouer un rôle central dans la promotion de la réconciliation nationale en encourageant le pardon, la compassion et la coexistence pacifique entre les différentes communautés de la RDC. En offrant un espace sûr pour le dialogue et la guérison des traumatismes du passé, elle peut contribuer à surmonter les divisions historiques et à construire un avenir commun fondé sur la justice et la solidarité.
Enfin, il est essentiel que les autorités ecclésiastiques et les dirigeants politiques travaillent en étroite collaboration pour relever ces défis et saisir les opportunités qui se présentent. En établissant un partenariat constructif basé sur le respect mutuel et la reconnaissance des compétences respectives, ils peuvent créer les conditions propices à un développement harmonieux et durable de la RDC.
En définitive, l’Église catholique en RDC peut jouer un rôle catalyseur dans la transformation de la société congolaise en promouvant des valeurs fondamentales telles que la paix, la justice et la réconciliation. En collaborant avec d’autres acteurs clés, elle peut contribuer à construire un avenir meilleur pour tous les Congolais, fondé sur le respect de la dignité humaine et la recherche du bien commun.
Jean Aime Mbiya Bondo Shabanza, MPA
Vice-President federal en charge de la politique et de la Diplomatie
Federation des Etats-Unis d’Amerique/ UDPS-Tshisekedi
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