La balkanisation, notre part de responsabilité

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La balkanisation, thème récurrent du discours politique congolais reviendra certainement aux avant-postes de l’actualité nationale ces prochains mois. En effet les Congolais considèrent la dislocation de leur pays comme le plus grand péril susceptible de les atteindre.  Dans cet ordre d’idées, le cessez-le-feu imposé par les USA et leurs alliés occidentaux à la suite de la prise de Kaniabayonga par les Rwandais, apparait aux yeux des Congolais comme un piège destiné à figer la situation à instar de ce qui se passe à Chypre depuis quelques décennies.

Ainsi, le risque de balkanisation atteint aujourd’hui un niveau jamais approché auparavant !

Pourquoi et comment s’interroger sur notre part de responsabilité alors même que le monde entier assiste à notre agression, que certains la dénoncent, que les principaux organes du système international vont jusqu’à en citer les auteurs, la qualité des armes et le nombre des troupes étrangères qui agissent sur notre sol et que certains complices de l’agression sont même sanctionnés ?

L’agression étant avérée, ne sommes-nous pas, tout simplement victime d’un complot international ? Alors, en quoi sommes-nous responsables dans cette histoire ?

Dans le drame de la balkanisation  et de ses prémisses que nous vivons déjà depuis plusieurs années,  il y a certainement aussi nos propres turpitudes, nos faiblesses, nos trahisons, nos erreurs de jugement et surtout notre manque de confiance en nous-mêmes. Ce que résume parfaitement  l’expression très populaire en ces temps de crise : «  Yo okanisi yo nde okobongisa mboka oyo. ». Nier cette part de responsabilité, ne pas chercher à l’appréhender, c’est avancer avec la tête dans le sable, selon la politique de l’autruche.

Cette malheureuse ou idiote position, cette conviction idéologique stupide n’est pas étrangère aux avancées du projet de dislocation de notre pays.

Afin de nous mettre en position de lutter efficacement contre la balkanisation, nous devons d’abord nous convaincre qu’une part importante du mal vient de nous-mêmes, et que nous avons les ressources psychologiques pour faire face et gagner la guerre et reconquérir la paix.

Le rappel des principes,

Il y a deux principes importants de l’histoire humaine que nous semblons ignorer quasi volontairement. L’histoire de l’humanité, de l’Antiquité à nos jours, constitue une imperturbable suite d’écrasements et d’éliminations des peuples faibles et naïfs par les plus forts, donc les plus intelligents, les plus rusés ; les plus aptes à la compétition de la vie. La même histoire nous démontre, jour après jour, que l’on ne fait subir aux nations, comme aux hommes, que ce que l’on estime pouvoir leur faire endurer au départ de l’image qu’ils ou elles dégagent d’eux-mêmes. Ces principes de base expliquent toutes les conquêtes, l’esclavagisme, la colonisation, le néocolonialisme et l’impérialisme actuel avec toutes ses techniques de prédation.

Partant de ces deux principes les questions pertinentes à se poser sont donc, quelle image projetons-nous et quelle pourrait être, dans ces conditions, les réponses que nous pourrions attendre des autres, eu égard à ce qu’est l’humanité  objective ?

L’image que projette un pays est essentiellement fonction de l’idéologie ou de la pensée produite par cette société pour expliquer sa propre existence, justifier sa survie et défendre sa place dans le concert des nations.

Quelle est notre idéologie ? Comment nous percevons-nous ? Comment nous  projetons-nous ? Quelle place voulons-nous occuper parmi les nations ?

Pour le moment, et ce depuis des décennies notre image est négative !

 

Lorsque nous allons au-delà de l’image !

 

La mauvaise image peut expliquer que nous soyons mal perçus, mais nous Congolais ne nous arrêtons pas là. Par nos négligences, nos naïvetés, et nos haines intestines nous donnons à nos adversaires toutes les raisons de nous mépriser davantage et aux partenaires éventuels des arguments pour ne pas être de notre côté, pour se méfier de nous.

 

Il suffit qu’un politicien ne soit pas ou plus au pouvoir pour que les ennemis du pays deviennent ces amis, pour que ceux qui cherchent à dépiécer la nation deviennent ses associés, ses complices, voire ses intimes. Faut-il en conclure que notre bêtise et la haine que nous nous vouons sont plus profondes que tout patriotisme ?

 

Nos politiciens connaissent la stratégie rwandaise pour pénétrer et conquérir la RD Congo : offrir aux politiciens les honneurs, les postes politiques les plus visibles pendant les hostilités et les dégommer dès que le moment de la victoire approche. Ngandu Kisase a laissé sa peau pour avoir tenté héroïquement de résister ; Mzee Laurent Désiré Kabila y a échappé pendant un bon moment grâce à sa ruse et son intelligence politique, avant de succomber plus tard à Kinshasa du fait des balles dont l’origine ne fait l’ombre d’aucun doute pour les patriotes. Faut-il mentionner la longue liste des politiciens encore vivants ayant vécu cette compromission, mais que nos rues acclament encore ?

 

Les politiciens savent que le seul objectif des exigences du M23 concernant la reconnaissance des grades militaires, les mixages et autres insertions dans les Forces Armées de la République Démocratique du Congo consiste à la pénétrer pour l’affaiblir et briser nos forces de défense afin d’anéantir complètement la Nation. Voilà que c’est encore ce que demandent les dirigeants « congolais » de la rébellion pour cesser les hostilités !

 

Qu’est ce qui peut expliquer ce genre de comportement ?

 

De la question de la pensé, celle de l’idéologie

En tant qu’être pensant et intelligent, l’homme ne vit pas que sous l’égide de son instinct ou du hasard ; il agit d’après certaines valeurs et privilégie des options qu’il organise selon sa raison, telle que déterminée par son expérience et la part la plus noble de sa culture.

Cet ensemble est appelé, selon les cas : mentalité, comportement social, mode de penser, philosophie ou idéologie. On peut affirmer que toutes les sociétés humaines disposent consciemment ou inconsciemment d’une idéologie ou d’une pensée sociale dominante.

Quelle est l’idéologie dominante de la société congolaise aujourd’hui ? Quelles en sont les valeurs et principes constitutives ? Quelle est cette culture ?

C’est assurément dans cette idéologie dominante que réside notre problème ! C’est donc elle qu’il faut disséquer, étudier, analyser, comprendre, pour trouver les ressorts de notre rédemption.

Assez étonnement, depuis quelques décennies, nous vivons comme si nous étions persuadés que la vie devrait être une suite de moments de plaisir, d’improvisations, de jouissances qui ne dépendent d’aucun effort venant de nous, d’aucune planification de notre part. Ici aussi la rue résume l’idée en une phrase : « Bana mboka balinga lisano… »

Plus grave encore, il semblerait qu’une certaine désespérance nous enfonce dans l’autodérision…. « RDC : Mboka élengi »

N’est-ce pas que cette conception frivole de l’existence, cet hédonisme de mauvais alois imprègne de plus en plus nos vies et celle de la Nation ?

Projetant nos valeurs culturelles internes sur l’extérieur, ignorant l’avertissement émis par Mabika Kalanda en 1966 sur les réalités du monde, nous en sommes encore à penser que telle nation étrangère devrait nous apporter ceci, et telle autre nous assister en cela. Et pourtant, aucun des cinq Chefs d’Etat que nous avions eu dans ce pays n’a manqué de nous répéter que la RD Congo ne saurait compter que sur ses propres forces pour survivre et se développer !

Pourquoi ce message ne passe-t-il pas ou passe-t-il si mal, jusqu’ici ?

Parce qu’il n’est pas suffisamment relayé, amplifié, diffusé par ceux qui devraient le faire ! C’est à dire nous ! Les prétendus intellectuels, les instruits, les sachant.

Que font concrètement les élites intermédiaires, les enseignants, les journalistes, les artistes, bref tous les influenceurs pour convaincre les masses à adhérer à une forme de pensée mieux à même à nous conduire vers le mieux-être ?

Dans un aveuglement incompréhensible nous avons tué l’Etat et continuons  à  nous acharné sur son cadavre. Ben oui ! C’est l’Etat qui, par sa nature et ses lois, devrait nous contraindre à suivre quelques règles ? Nous l’avons éliminé et laissons libre court à nos instincts les plus basiques. L’Administration publique a été impunément privatisée par  des fonctionnaires  véreux. Dans toute chose, ignorant l‘essentiel et l’efficacité en faveur des bénéfices égoïstes, immédiats et souvent dérisoires chacun pense tirer son épingle du jeu en défaveur de l’Etat dans des détournements des fonds publics qui découragent les mieux motivés à aider la Nation. Face à  la critique, on ne cherche plus à corriger ni à faire moins mal, mais à justifier et à arguer que les prédécesseurs faisaient déjà pareil donc …. Existe-t-il un raisonnement plus suicidaire pour un État ?

Pourquoi pensons-nous que le désordre est plus efficace que l’ordre, la rigueur et  la discipline ? Observer nos agissements dans les supermarchés, dans nos arrêts de bus, dans les administrations publiques, dans nos écoles, dans nos universités, dans notre façon de conduire les automobiles sur les routes ou simplement de traverser les rues et j’en passe…

Observer comment Kinshasa devient progressivement un immense marché public désordonné et sale. Les espaces publics n’existent de moins en moins, les rues et avenues s’amincissent comme par magie, occupés par des horribles cabanes-boutiques, divers ateliers, des garages sauvages installés sans le moindre souci d’harmonie, sous le regard impuissant des autorités municipales et notre indifférence collective coupable.

Lorsque paisiblement attablés sur les terrasses de Matongé ou Bandal avec devant nous quelques bonnes bouteilles de bière, alors qu’à l’autre bout de notre pays des milliers de femmes, enfants et vieillards sont chassés de leurs villages comme des animaux par le feu de l’armée rwandaise, nous ne brisons aucune loi, certes. Mais ne pensons pas que cette attitude soit neutre et sans effet sur la guerre ! Cette distraction de mauvais goût, au mauvais moment contribue directement au renforcement de l’image négative que nous diffusons vers le monde à notre propos. Les autres en profitent pour amplifier l’image « MBW » qu’ils veulent nous coller. Il vaut mieux le savoir et travailler au changement.

Pouvons-nous affirmer sérieusement, que nous sommes, à ce jour un peuple discipliné, conscient, ou que nous faisons un quelconque effort pour le devenir ?

Avec une déconcertante naïveté nous croyons encore que la sophistiquée démocratie à l’occidentale nous  aidera à  résoudre nos problèmes, alors que l’histoire même de l’Occident et des nouveau pays émergents nous apprend quelles sont les valeurs et méthodes qui ont permis à ces nations de se consolider et d’initier le développement.  Qui aura le courage de s’attaquer ouvertement à l’escroquerie que représente pour nous LA pseudo démocratie que nous vivons ?

Comment pouvons-nous penser que sans un Etat sérieux, une autorité forte, affirmée, reconnue et acceptée comme telle ; sans des comportements appropriés et une image conforme à l’efficacité que cherche le monde productiviste/capitaliste, les nations ambitieuses nous choisiront et nous privilégieront dans leurs relations ? Il y a là une grosse erreur qu’il convient de corriger rapidement.

Le monde actuel épris de progrès et en perpétuelle prospection de croissance recherche l’efficacité, qui elle-même implique l’organisation, la rigueur, le respect des règles/ normes, la prévision, la prospection, bref le sérieux que nous semblons ne pas vouloir poursuivre. Voilà pourquoi les alliés et partenaires potentiels préfèrent nos concurrents/ennemis. Ouvrons les yeux et les oreilles !

Nos premières victoires contre la balkanisation nous devons les gagner sur nous-mêmes, dans nos pensées, dans nos comportements et nos façons de faire à l’interne.

Je n’ignore pas que la sévérité de mes propos pourrait irriter certaines sensibilités, je sollicite alors la tolérance et si nécessaire j’implore votre pardon pour ces vérités crues et parfois difficiles. Seul l’amour pour la RDC et mon devoir de citoyen conscient et soucieux de la survie et l’épanouissement de la Nation expliquent mes propos. De plus dans les circonstances actuelles, j’estime que notre patriotisme à tous devrait se manifester par un franc et sincère soutien à l’homme que Dieu a placé à la tête de notre pays, Felix Antoine Tshisekedi.

Jean-Pierre Kambila Kankwende wa Mpunga

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