Ainsi, allant de pair, la question sécuritaire et la question humanitaire sont reprises en mains par une certaine Communauté internationale. Vraisemblablement, à la Monusco malmenée par la population, cette communauté a résolu de substituer la Force régionale de la Cae dont le mandat réel pourra être la sécurisation de l’acheminement de l’aide humanitaire au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. Et comme par coïncidence (il y en a trop), on a choisi la période de commémoration du génocide… rwandais pour bien attirer l’attention du monde sur la tragédie des Grands Lacs.
Rien n’indique qu’il en soit le cas, mais lorsque les coïncidences se multiplient, il y a de quoi s’interroger sur la manière dont « la fin justifie les moyens ». Tenez !
Le 29 mars 2023, de retour à New York après avoir séjourné en RDC, précisément à Kinshasa pour rencontrer les autorités gouvernementales et à Goma pour échanger avec la population déplacée, la délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies rend compte à cet organe.
Représentant permanent des États-Unis, l’ambassadeur Roger Wood donne la position de son pays par rapport à la situation sécuritaire à l’Est accentuée par la collusion (et non la coalition) M23/Rdf. Ouvrons une parenthèse au sujet des mots « collusion » et « coalition ». On se met en coalition pour une bonne Cause. On se met cependant en collusion pour une mauvaise Cause. Parenthèse refermée.
Pour Washington, Kinshasa n’a qu’à en finir avec la complicité Fardc/Fdlr et le discours haineux si vraiment on veut résoudre la question sécuritaire à l’Est.
Trop de coïncidences
Pendant ce temps, Bintou Keita, cheffe de la Monusco, va tirer, elle, la sonnette d’alarme sur la dégradation accélérée de la situation humanitaire.
Dans sa communication, elle a souligné que « Les besoins humanitaires déjà immenses en RDC continuent d’augmenter » et que « Cette crise humanitaire reste l’une de plus négligée au monde », avant d’ajouter : « Depuis ma dernière intervention devant le Conseil (de sécurité), la situation sécuritaire dans l’est de la RDC s’est considérablement dégradée. L’intensification du conflit avec le M23 et l’activiste persistant d’autres groupes armés, notamment les ADF, Zaïre et Codeco pour ne citer qu’eux, continuent d’infliger des souffrances intolérables aux populations civiles et de dégrader une situation humanitaire dramatique_ ».
Dans la foulée, elle va préciser qu’ « Au Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri, des centaines de milliers de personnes ont fui les exactions des groupes armés et l’affrontement entre le M23 et les Fardc, mais aussi entre Codeco et Zaïre. Au Nord-Kivu, en particulier, les affrontements entre le M23 et les Fardc ont forcé 900 000 personnes à se déplacer ».
On se souviendra que le 4 mars dernier, de passage à Kinshasa, Emmanuel Macron a annoncé l’arrivage d’un don important en produits alimentaires et sanitaires danois à destination de la population déplacée de l’Est. Effectivement, l’avion-cargo a atterri à l’aéroport de Goma la veille du séjour de la délégation du Conseil de sécurité dans cette ville.
Coïncidence fortuite ou non, c’est à cette période que l’on a verra les choses s’accélérer concomitamment avec le déploiement des troupes de la Force régionale et le retrait de la collusion M23/Rdf.
Coïncidence fortuite ou non, c’est à ce moment que l’appel de Bintou Keita (fin mars 2023) va trouver un écho favorable.
La réponse n’est pas à la hauteur des besoins, loin de là !
En effet, dans sa dépêche du 8 avril publiée sous le titre « RDC : les acteurs humanitaires alertent sur une crise dramatique », Rfi révèle : « En quelques jours, Médecins sans frontières, Ocha, Oxfam, Care internationale et le Conseil danois pour les réfugiés ont publié des communiqués alarmants pour évoquer la situation dans le pays et plus spécifiquement dans l’Est en proie aux violences des groupes armés, notamment l’offensive du M23, un groupe rebelle soutenu pour le Rwanda voisin selon les Nations unies. Aujourd’hui, dans le pays, près de 10 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire urgente. C’est la plus grande crise de déplacement interne en Afrique pour les ONG ».
Selon la dépêche, « Tous ces acteurs humanitaires font le même constat : une catastrophe est en cours dans l’Est du pays. Pour la seule province du Nord-Kivu, selon MSF, près de 300.000 personnes ont dû fuir les combats au mois de février. Elles s’ajoutent désormais aux 2,5 millions de déplacés que compte cette province, et au 6 millions si l’on ajoute les provinces voisines du Sud-Kivu, de l’Ituri et du Tanganyika. Et cela va plus loin pour MSF : des communautés entières aujourd’hui sont isolées en raison des affrontements dans le territoire du Rutshuru et du Masisi où le M23 est présent, mais aussi dans celui du Lubero, qui s’il n’a pas été directement touché par les combats, est actuellement coupé du sud de la province ».
Ainsi, épidémies de rougeole et de choléra et insécurité alimentaire affectent-elles près de 3 millions de personnes, soit plus du tiers de la population du Nord-Kivu. Fait grave : « sur les 2,25 milliards de dollars demandés aux bailleurs de fonds par l’ONU pour cette année, seule 10% de cette somme a été financée à ce jour ».
Et Raphaël Piret, représentant de MSF pour la RDC, de conclure : « C’est une crise majeure qui s’ajoute à une situation humanitaire qui était déjà critique dans la province du Nord-Kivu, comme elle l’est dans tout l’Est du pays. Ce qu’on constate, c’est que la réponse n’est pas à la hauteur des besoins, loin de là ».
Renvoi à l’os pelé : élections
Il reste à le constater : la énième aventure rwandaise, cette fois encore avec pour bras séculier le M23, vient de faire la sale besogne consistant à redonner à la communauté internationale une bonne et solide raison de rester pour longtemps en RDC. Car on ne voit pas ce pays, malgré la bonne volonté de ses dirigeants, faire face seul aux exigences à la fois sécuritaires et humanitaires d’une si haute intensité.
Convaincus de mieux connaître les Congolais que les Congolais eux-mêmes, les Américains ont déjà dédouané la collusion M23/Rdf des causes exactes de l’insécurité citées par l’ambassadeur Roger Wood.
De ce fait, ils ont condamné les Congolais qu’ils renvoient d’ailleurs à l’os pelé, alias Élections, pendant qu’ils prennent et font prendre en mains, eux, la question sécuritaire et humanitaire à l’Est.
Omer Nsongo die Lema