Des violents combats ont persisté mardi 13 février 2024 autour de la ville de Sake, à 27 kilomètres de Goma (Nord-Kivu), provoquant de nouveaux déplacements. Cela fait trois semaines depuis que la situation sécuritaire dans cette partie de la RDC a pris un tournant inquiétant autour de Goma chef-lieu de la province du Nord –Kivu. Dans sa stratégie de contraindre le gouvernement congolais à dialoguer avec les terroristes du M23, ce que Kinshasa refuse malgré les pressions de la Communauté internationale, le Rwanda de Paul Kagame multiplie des attaques à la bombe contre les localités autour de Goma et particulièrement contre Sake le dernier verrou vers Goma. Face à toutes ces atrocités et les accusations contres certaines puissances occidentales, d’aucuns (principalement ceux qui ont manifesté à Kinshasa le week-end dernier) estiment qu’il est temps que la RDC se tourne vers la Chine et la Russie pour sécuriser l’est du pays.
Les détonations provenant d’armes lourdes et légères ont encore retenti dans l’Est de la RDC , forçant l’évacuation du site de déplacés connu sous le nom de Zaina, implanté dans la ville de Sake. Plus de 13 700 personnes déplacées, autrefois résidentes de ce site, ont été contraintes de chercher refuge dans d’autres quartiers de la cité de Sake, comme l’a rapporté l’OCHA dans un communiqué.
Ainsi, depuis le 27 janvier 2024, des bombes larguées par des militaires rwandais ont fait au moins 17 blessés à Sake, y compris parmi les 100 000 personnes déplacées dans le site de déplacés hébergés à Sake. En outre, selon des sources locales citées par l’OCHA, au moins 28 civils ont été tués et plus de 50 autres blessés lors des violents affrontements entre l’armée congolaise et le M23/RDF, soutenu par Kigali, dans le territoire de Masisi depuis le 16 janvier 2024. Il sied également de noter que depuis début février 2024, des milliers d’habitants de Sake ont été contraints de fuir vers Goma. Cependant, seules 17 000 personnes ont été enregistrées dans les sites de déplacés à Goma, ville qui avait déjà accueilli plus de 500 000 personnes déplacées depuis le début des hostilités, selon des sources locales.
Face à toutes les implications extérieures, particulièrement le soutien avoué de la Pologne au Rwanda, membre de l’OTAN et autres soutiens supposés des Etats-Unis et de la France, des voix s’élèvent dans la communauté nationale pour réclamer la collaboration militaire entre la RDC, la chine ou la Russie pour mettre fin à la guerre.
Faut-il se tourner vers la Russie et la Chine pour éradiquer les groupes armés négatifs ?
Les Congolais ont demandé aux dirigeants de tourner les dos à l’occident et d’aller vers la Russie ou la Chine. Le week-end dernier, les congolais se sont levés à travers des manifestations pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « la complicité des USA et de la France devant l’agression barbare du Rwanda au Congo». Conscient du fait que le Rwanda, un pays qui vit de l’aide internationale, ne peut tenir devant la force de feu de la RDC à moins de faire une guerre par procuration dont le véritable acteur agit dans l’ombre.
« Je tiens à vous dire que notre pays entretient de bonnes relations avec tous les pays que vous avez mentionnés. Je ne sais pas quel autre type de relation vous envisagez. Nous ne sommes pas tenus de conclure des accords militaires avec tous les pays du monde. Pour l’instant, nous avons des accords à différents niveaux et nous avons des partenaires dans le domaine de la sécurité qui collaborent avec nous. Nous ne voyons donc pas de raison, pour l’instant, de chercher à conclure des accords militaires avec tous ces pays », a dit le Vice-premier ministre, ministre de l’intérieur, des affaires coutumières Péter Kazadi en réaction au désir de certains congolais de signer des accords militaires avec la Chine et la Russie.
Le premier flic d’ajouter : « Nous sommes un pays souverain libre de décider de notre sort, mais il est évident que, pour le moment, nous n’envisageons pas de tels accords », a répondu Peter Kazadi lors d’un briefing de presse co-animé avec son collègue de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, le mardi 13 février 2024.”
Pour sa part, le ministre de la Communication a souligné que la solution de la guerre ne viendra pas de l’extérieur.
« Il est important de comprendre que cette guerre est avant tout la nôtre, ce n’est pas la guerre des autres. Nous devons tous en prendre conscience. C’est pourquoi nous lançons des campagnes pour mobiliser le soutien derrière nos Forces Armées, car nous ne pouvons véritablement compter que sur nous-mêmes. Bien sûr, nous avons des accords de différents types, mais ces accords ne peuvent intervenir que pour soutenir nos forces nationales. Il faut cesser de croire que la solution viendra forcément de l’extérieur », a-t-il déclaré.
Genèse d’un système de prédation qui se perpétue
D’aucuns pensent que c’est juste depuis plus d’une décennie que la République Démocratique du Congo se trouve être confrontée à une guerre menées par plusieurs groupes armés dans la partie est de son pays , qui regorge d’innombrables ressources naturelles. « C’est depuis la Conférence de Berlin en 1885 que le Congo croupi sous le joug du système de prédation.
La conférence de Berlin qui s’ouvrit le 15 novembre 1884 à Berlin et finit le 26 février 1885 marqua l’organisation et la collaboration européenne pour le partage des richesses de l’Afrique. Une conférence antérieure avait amorcé le débat par la partition des Congo (de part et d’autre du fleuve). La conférence de Berlin aboutit principalement à édicter les règles officielles pour réguler la prédation entre puissances de l’époque.
Son acte, le 26 février 1885, établit les points suivants :
Toute puissance européenne installée sur la côte peut étendre sa domination vers l’intérieur jusqu’à rencontrer une « sphère d’influence » voisine. Mais le traité exclut le principe de l’hinterland (zone continentale située en arrière d’une côte ou d’un fleuve, par opposition au littoral) qui permet l’annexion automatique de l’arrière-pays par un État maîtrisant son littoral
Il ne peut y avoir annexion que par l’occupation effective du terrain et les traités conclus avec les populations indigènes doivent être notifiés aux autres nations colonisatrices.
L’impact direct sur les colonies fut une vague européenne de signatures de traités À l’initiative du chancelier Otto von Bismarck, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Empire ottoman, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède-Norvège ainsi que les États-Unis y participèrent.
Conformément à ces accords, il n’est pas inutile de garder présent la liste des participants avant de solliciter tout accord pour lutter contre la prédation que perpétue Kagame dans l’Est.
Willy Makumi Motosia